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Révolution génétique : les 7 utilisations de CRISPR qui pourraient changer notre vie (sans tomber dans un cauchemar futuriste)
©wikipédia

I, Robot

Les modifications génétiques avec la technologie Crispr vont bientôt révolutionner nos vies et pour le mieux. Ce procédé dès 2017 pourra aider de nombreux domaines de la santé en passant par l'alimentaire. Voici comment.

Ari  Massoudi

Ari Massoudi

Ari Massoudi est docteur en biologie cellulaire et moléculaire à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, après plusieurs années de recherche sur la biologie des cellules souches humaines, il est aujourd'hui consultant en stratégie auprès des start-up et des entreprises technologiques. 

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La technologie Crispr se développe désormais sur tous les terrains, comment va-t-elle révolutionner nos vies en 2017 ?

Ari Massoudi : La biotechnologie CRISPR/Cas9 (ou simplement CRISPR pour Clustered regularly interspaced short palindromic repeats) est révolutionnaire pour ses applications en recherche fondamentale et appliquée. Mais est-ce que nos vies en seront impactées en 2017, cad est-ce que nous serons un jour utilisateurs, consommateurs ou clients de produits ayant eu affaire au CRISPR ? La réponse est non, pas pour 2017 en tout, il faudra attendre encore quelques années.

Tout d’abord expliquons simplement ce qu’est cette technologie (au sens de technique nouvelle). Le système CRISPR est un complexe nucléo-protéique (cad fait de protéine et d’acide nucléique - biomolécules de la famille de l’ADN -  et pour être précis, d’acide ribonucléique ARN) produite par certaines bactéries pour se défendre des attaques de virus (car oui, même les bactéries attrapent des “rhumes” viraux qui peuvent leur être mortels. Ces virus qui attaquent les bactéries sont une voie très prometteuse pour combattre la résistance bactérienne aux antibiotiques). Après avoir été identifié et la fonction mis en lumière, le système CRISPR a été utilisée par les chercheurs pour en faire une technique de modification des gènes dans la cellule. Nous disposions déjà d’un panel de techniques en biologie moléculaire permettant l'ingénierie génétique. Mais par rapport à l’existant, la technologie CRISPR est révolutionnaire en ce sens qu’elle est très facile d’utilisation, qu’elle réduit les coût et le temps nécessaire pour modifier les gènes, la modification est ultra précise (on n’a pas d’erreur de ciblage qui peut entraîner des effets secondaires), et cerise sur le gâteau, la technique est universelle, en effet, CRISPR fonctionne dans toutes les types de cellules (cellules animales, végétales, champignons ou bactériennes). Bref, donnez moi quelques milliers d’euros, avec mon background de biologiste moléculaire, je vous produis des OGM (organisme génétiquement modifié) dans mon garage ! Voilà la promesse de la technologie CRISPR.

Donc si vous n’êtes pas sensibles à l’idée d’être un jour utilisateur, consommateur ou client de produits OGM, voir d’être vous même (ou vos descendants) un OGM, nous allons parcourir quelques pistes dont la technologie CRISPR pourrait être un acteur majeur dans les années avenirs.

  • En aidant à l’étude des gènes ?

En recherche fondamentale et appliquée, CRISPR permet de modifier n’importe quel gène dans tout type de cellule. On peut éliminer un gène pour étudier sa fonction, et aller encore plus loin, puisqu’on peut aussi juste changer légèrement un gène pour que la protéine qui en résulte soit différente d’un seul acide aminé par rapport à la protéine normale (pour rappel, depuis un gène - message codé dans l’ADN cad la molécule de nos chromosomes - la cellule produit un ARN qui ensuite permet la production d’une protéine faite d’une combinatoire d’acides aminés ; les protéines sont les molécules en charge de tous les travaux spécifiques dans nos cellules).

Si on peut modifier n’importe quel gène dans n’importe quelle cellule, par extension, on peut donc produire des OGM. Chez l’animal, pour produire un OGM, il faut modifier le gène ciblé dans un oeuf fécondé (seule cellule totipotente capable de donner un organisme entier), puis d’implanter cette oeuf dans l’utérus d’une mère porteuse. Pour les végétaux, en théorie c’est encore plus simple, puisque toutes les cellules de la plante sont totipotentes et peuvent individuellement (une fois isolée, modifiée génétiquement et cultivée dans des conditions appropriées), redonner la plante entière, une plante génétiquement modifiée qui produira des graines génétiquement modifiées.

La génération d’OGM peut bien sur avoir de nombreuses applications.

  • En augmentant la réserve de nourriture mondiale ?

Si on arrive à produire des végétaux OGM, à forte valeur nutritionnelle, capable de pousser dans des conditions arides auxquelles la plante normale ne survivrait pas, oui, on peut imaginer que la technologie CRISPR puisse y contribuer. De tels OGM permettront de diminuer voir d’abandonner l’usage des engrais minéraux produites par l’industrie chimique. On peut même imaginer des plantes OGM capables de pousser sur Mars dans l’objectif de la conquête et de l’habitation de cette planète par l’Homme !

  • En identifiant les traitements possibles de la maladie d’Alzheimer ? En développant des nouveaux soins contre le cancer ? En détruisant des virus comme l’hépatite ou le VIH ?

Comme dit précédemment, la facilité avec laquelle on peut dorénavant modifier les gènes dans la cellule par la technologie CRISPR, et par extension, de générer des OGM de quasiment tout type d’animaux, permettra de comprendre la fonction de nombreux gènes et leurs implications dans les maladies. Comprendre finement la physiopathologie d’une maladie est la base pour ensuite développer des thérapeutiques les plus spécifiques et les plus ciblées possibles. Concernant le cancer (ou les cancers), le développement de la tumeur est un processus à plusieurs étapes déclenché par des mutations innées et acquises, qui causent l'anomalie fonctionnelle et déterminent l'initiation et la progression de la tumorigenèse. Avec le système CRISPR, on pourra générer des animaux OGM développant un cancer de type particulier, et ces animaux OGM permettront aux chercheurs de comprendre le cancer de façon beaucoup plus poussée.  

La technologie CRISPR pourrait aussi être utilisée en tant qu’outil thérapeutique, notamment pour les maladies génétiques telles que la myopathie de Duchenne, la mucoviscidose et nombreuses autres maladies génétiques. Le problème ici est l’administration de la technologie aux patients. Comment délivrer le système CRISPR dans un organisme adulte composé de milliards de cellules ?  En effet, on peut corriger avec la technologie CRISPR la mutation génétique dans des cellules isolées in vitro, mais chez les patients, c’est une autre affaire. On peut envisager de corriger la mutation dans l’oeuf fécondé in vitro en procréation médicalement assistée pour des parents à haut risque (antécédents familiaux d’une maladie génétique). Concernant le cancer, plusieurs études utilisant CRISPR pour cibler directement l’ADN génomique dans les cellules cancéreuses sur des modèles de cancer cellulaire (cad in vitro) et animal ont montré un réel potentiel thérapeutique. Et dans les infections virales, le système CRISPR pourraient également être un outil très efficace pour cibler spécifiquement l’ADN du virus dans les cellules infectées. Il faudra néanmoins encore de nombreuses années avant que ces protocoles expérimentaux soient utilisés en clinique. A titre d’exemple d’une approche prometteuse actuellement en étude est de générer des moustiques OGM fertile mais non infectables par le virus responsable du chikungunya, et l’idée est de lâcher ces moustiques OGM dans les zones à risque pour qu’elles supplantent les moustiques normaux. Ainsi, le virus du chikungunya se verrait priver de son vecteur et la maladie disparaîtra en peu de temps.

  • En baissant notre dépendance à la pétrochimie ?

Une des pistes les plus prometteuses est la production d’OGM issu de levure (cad des champignons microscopiques) qui produiront des biocarburants. L’intérêt des levures par rapport aux plantes OGM est leur facilité de production (qui se fait dans des bio-incubateurs avec un environnement maîtrisé au lieu de vaste champs avec le risque de voir les plantes OGM contaminer des champs voisins) et le rendement élevé en produit à haute valeur ajoutée que l’on espère récolter.   

  • En utilisant des plantes pour créer des nouveaux médicaments ? 

Là encore, la facilitée avec laquelle CRISPR permet de générer des OGM, ouvrent la voie à ce genre d’application, mais aussi à la génération de plantes OGM entrant notre alimentation résistantes à des maladies ou aux insectes ce qui augmentera les rendements de production sans utilisation de pesticides et autres traitement chimiques exogènes.

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