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Révision de la loi Dodd-Frank : Donald Trump est-il en train de préparer la voie à une nouvelle crise financière ?
©REUTERS/Lucas Jackson

Ça va se gâter...

En souhaitant alléger significativement la loi Dodd-Frank mise en oeuvre par l'administration Obama afin de réguler l'activité bancaire suite à la crise de 2008, Donald Trump prend le risque de favoriser, à terme, l'instabilité économique, et ainsi de nouvelles crises financières.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Donald Trump, par un executive order signé vendredi dernier demande une analyse approfondie des effets de la loi Dodd-Franck, mise en œuvre par le Président Obama après la crise de 2008. Il cherche, au moins, un allègement significatif de la réglementation bancaire aux Etats-Unis. Ceci risque-t-il de provoquer de nouvelles crises économiques et financières dans les années à venir ? 

Jean-Paul Betbèze : Les décisions récentes de Donald Trump en matière bancaire sont importantes et, peut-être, lourdes de conséquences.Mais il faut commencer par comprendre la logique dans laquelle elles s’inscrivent. Cette logique est d’abord populiste : il s’agit de satisfaire ceux qui l’ont élu. Pour être caricatural, ce sont les Blancs de 40 à 50 ans qui se retrouvent à gagner moins, ou avec des perspectives radicalement réduites, ou de petits patrons, dans de petites villes ou des banlieues en difficulté.

Le deuxième volet logique que suit Donald Trump est une gestion de son calendrier, à la fois économique et politique. Il s’agit d’engranger le plus d’effets positifs à court terme, par la mise en œuvre des décisions qu’il avait annoncées dans sa campagne et qui devraient avoir un effet au plus tôt. Au plus tôt, c’est en 2018, année des élections midterm où il entend consolider sa base au Congrès, avec éventuellement des supporters plus fidèles.

Le plus tôt économique, c’est un crédit qui pourrait devenir plus facile, ensuite un programme de dépenses militaires en augmentation, puis une fiscalité réduite sur les entreprises et les ménages, et enfin les fameux "grands travaux". En termes d’échéanciers, demander un allègement des règles peut être assez long, sauf si Donald Trump change les têtes de l’agence en charge de surveiller les banques, notamment les banques moyennes. Pour les dépenses d’armement, il ne rencontrera pas d’opposition au Congrès. La fiscalité allégée ne pourra fonctionner qu’en 2018, mais elle a été "prévendue" par la Bourse, qui soutient déjà la consommation et accélère par avance les résultats attendus en termes de croissance et d’emploi.  Les grands travaux ne devraient avoir d’effets qu’en 2019. Mais avec aussi, alors, plus d’inflation, des taux plus élevés et un dollar plus fort (dollar fort qu’il va essayer de réduire en faisant pression(s) contre la Chine, le Japon et l’Allemagne – où les monnaies seraient trop faibles !). Bref, ce n’est pas fini…

C’est dans ce contexte qu’intervient le volet bancaire et financier de la stratégie suivie par Donald Trump. Arrêtons de penser que tout se fait au hasard et par impulsions, même si ces choix ont des effets contradictoires. En même temps que Donald Trump signe son executive order au sujet de la loi Dodd-Frank pour libérer au plus vite les "banques enchainées" (banks shackled) - c’est son terme - il demande à repousser, sinon supprimer, la Fiduciary Rule. Cette Fiduciary Rule oblige les conseillers financiers à agir dans le meilleur intérêt de leurs clients (dans l’esprit d’Obama, il s’agissait surtout de protéger les retraités).

En plus, le 31 janvier, le représentant Patrick McHenry a envoyé une lettre à Janet Yellen où il lui demande de mettre en pratique la doctrine America First. Ceci est contradictoire, dans son esprit, avec la participation de la Fed à divers comités internationaux, comme le Comité de Bâle et à l’élaboration de règles mondiales, comme celles de Bâle sur la sécurité bancaire. "This is unacceptable" ajoute le représentant, qui demande donc à la Fed de cesser ce genre d’activités, jusqu’à ce que le Président nomme des "fonctionnaires qui mettent la priorité sur les meilleurs intérêts de l’Amérique" !

On aura compris le message : plus de crédit pour plus de croissance, avec plus de risques à la clef. Donald Trump entend permettre un crédit plus facile aux emprunteurs, avec des banques qui auraient relativement moins de fonds propres, fonds propres dont l’usage serait libéré (fin de la Volcker Rule, qui est devenue si complexe qu’on ne sait la mettre en pratique), avec des clients incités à prendre plus de risques. Au total, plus de crédit, plus de risques, moins de surveillance et moins de fonds propres bancaires:  l’histoire de 2008 semble en train de se réécrire. Mais on ne sait jamais.

Surtout, Donald Trump ouvre ainsi un conflit majeur avec la Fed, à la fois sur son indépendance et sur ses objectifs. Sur son indépendance, car il va nommer bientôt deux gouverneurs qui répondront plus à ses vues et entend sans doute donner raison au Congrès qui ne supporte pas son indépendance et veut la surveiller (Audit the Fed). Sur ses objectifs plus encore. On entend toujours l’objectif anti-inflation de la Fed (2%), mais on oublie son autre objectif, tout aussi important : la stabilité et la solidité de son système bancaire et financier. La crise de 2008 a mis à égalité ces deux objectifs. En fait, vouloir revoir la loi Dodd-Frank est le début d’une attaque contre la Fed. Les marchés financiers, qui sont pro-croissance, sont aussi pro-indépendance de la Fed. Ce sera là une nouvelle source de tensions – majeures.

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