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Obama soutenu par des syndicats américains en plein renouveau
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Trans Amérique Express

Le Président général du syndicat Teamsters Union, Jim Hoffa, a annoncé ce lundi que son organisation apportait son soutien au président Barack Obama pour sa réélection en 2012. C'est la treizième grande organisation syndicale qui appelle à voter pour le président sortant.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Les « Unions » qui avaient déjà soutenu Obama en 2008, vont à nouveau faire campagne pour lui. Un volontarisme qui illustre leur résurgence à la faveur de la crise. Trois batailles en cours diront s’il s’agit d’une renaissance ou  d’un simple sursaut. Ce lundi, le « Teamsters Union », le puissant syndicat des camionneurs américains, a apporté son soutien à la candidature présidentielle de Barack Obama. Il s’agit de la treizième grande organisation syndicale à appeler à voter pour le président sortant en novembre. Au cours des derniers mois, l’AFL-CIO, la plus importante fédération syndicale américaine l’a fait. Ainsi que les United Steel Workers(USW syndicat de l’acier), l’American Federation of Teachers (AFT syndicats des enseignants), la National Air Traffic Controllers Association (le syndicat des contrôleurs aériens) les Communications Workers of America (syndicat de la communication) et d’autres.

« Le président Obama fait tout ce qu’il peut pour créer de nouveaux emplois, a dit Richard Trumka, le président de l’AFL-CIO, il a mis tout le poids de son administration dans la balance pour soutenir les travailleurs américains et en particulier ceux de l’industrie automobile, un poids qui a permis de sauver des centaines de milliers d’emplois et de relancer cette industrie… »

Ce soutien est beaucoup plus qu’un appel à voter Obama le 6 novembre.

Il était acquis que les « Unions » ne se prononceraient pas pour Mitt Romney. L’ancien dirigeant de Bain Capital, firme spécialisée dans la reprise d’entreprises en difficultés, et donc n’hésitant pas à recourir à des licenciements pour les redresser, est l’archétype du « capitaliste charognard » (« vultur capitalist »). Il est l’ennemi désigné des syndicats.

La vraie question était de savoir jusqu’où iraient les syndicats dans leur soutien à Obama ?  On sait désormais que chacune de ces organisations mettra sa logistique et ses militants au service de la campagne. Les Teamsters, par exemple, comptent 1,4 millions de membres. Ils sont capables de lever des fonds, de financer et produire des campagnes publicitaires, de mobiliser des militants pour aller faire du porte à porte, ou pour placer des appels au vote par téléphone, etc

Ce nouveau volontarisme illustre un certain renouveau syndical aux Etats-Unis. Alors qu’on les croyait entrés dans la phase terminale de leur long déclin, les syndicats américains connaissent une nouvelle jeunesse et un regain de popularité. Les semaines et les mois à venir diront s’il s’agit d’une véritable Renaissance ou d’un dernier sursaut.

Contrairement à l’image « ultralibérale » répandue en France ( véhiculée à la fois par les médias, par l’extrême gauche et par l’extrême droite), les syndicats ouvriers ont joué un rôle capital dans la politique économique et sociale américaine au vingtième siècle. Ils sont un partenaire incontournable et reconnu des négociations salariales (« collective bargaining » en anglais) et disposent d’une agence fédérale spécifiquement vouée à écouter leurs revendications (Le National Labor Relations Board, NLRB).

A l’aube du vingtième siècle le mouvement syndical américain se divisait en deux branches, l’une, non idéologique, se battait pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail dans le cadre du système industriel. C’était l’American Fédération of Labor (AFL) emmenée par Samuel Gompers. L’autre était à vocation révolutionnaire et prônait l’autogestion. C’était le IWW « Industrial Workers of the World ». Ayant recours à la violence et au sabotage, le IWW fut sévèrement réprimé dans les années 1920. Il a perdu toute influence même s’il continue officiellement d’exister. C’est la version « accommodante » de Gompers qui l’a emporté, transformant les syndicats en de redoutables machines à protéger les emplois et soutenir les ouvriers.

En 1935, dans le cadre de son New Deal, Franklin Roosevelt signera un accord tacite avec eux. D’un côté il crée le National Labor Relations Board, une agence de cinq sages, tous nommés par le Président, pour gérer les relations entre patronat et syndicat, de l’autre il obtient le soutien des « union men » pour sa politique économique. Ce « gentleman’s agreement » n’a jamais été répudié. Depuis près de 80 ans les syndicalistes américains votent démocrate et les présidents démocrates protègent les syndicats. Seul Ronald Reagan parviendra à briser cette alliance. Déçus par Jimmy Carter nombre de syndicalistes voteront républicain en 1980, rejoignant ainsi les « Reagan Democrats »…

Depuis ce moment et un fameux bras de fer avec les contrôleurs aériens qui tournera à l’avantage de Reagan, les syndicats sont en recul aux Etats-Unis. Leurs rangs ne cessent de s’étioler. Seuls 11,4% des salariés sont syndiqués. Ce taux monte à 32% dans le secteur public et tombe à 7% dans le privé. Leur réputation a été entachée d’irrégularités, liens mafieux, blanchiment d’argent, et surtout pratiques visant à verrouiller leur pouvoir. La mondialisation et les délocalisations semblaient avoir porté un coup de grâce à leur existence. Mais la crise financière, les « licenciements boursiers » et la désintégration du tissu social ouvrier américain, ont tout dernièrement rappelé que les « unions » avaient encore un rôle à tenir.

Alors même que certains élus républicains pensaient venue l’heure de leur porter l’estocade. Trois batailles se déroulent actuellement, dont l’issue sera déterminante pour l’avenir du syndicalisme américain.

Dans l’Ohio, le gouverneur républicain John Kasich a fait voter une réforme des négociations salariales. Son budget en sérieux déséquilibre, il lui fallait réduire l’influence des syndicats pour imposer des économies. Mais cette réforme a été annulée à l’automne par un référendum populaire, après une campagne conjointe des syndicats et du parti démocrate.

Dans le Wisconsin les syndicats ont également monté avec succès une campagne de rappel (« recall ») contre le gouverneur, Scott Walker, un républicain. Réunissant en quelques semaines plus d’un million de signatures pour qu’une nouvelle élection soit organisée. La raison de leur colère ? Ils refusent la réforme des négociations salariales que Walker a fait passer. Celle-ci a imposé le salaire au mérite, introduit la flexibilité dans l’embauche, facilité les licenciements, et créé une contribution salariale aux retraites. Bref, elle a mis les syndicats au pas.

Le scrutin se tiendra le 5 juin. Il fait figure de test national. Sur le papier la méthode Walker a déjà porté ses fruits. Le trou de trois milliards est devenu un surplus de trois cents millions et cet Etat qui avait perdu cent cinquante mille emplois de 2008 à 2010 en a gagné dix mille en 2011.

Dans l’Indiana enfin, le gouverneur Mitch Daniels, également républicain, veut imposer le « droit au travail » (« right to work »). Il s’agit de mettre un terme à la pratique obligeant toutes les personnes embauchées à être déjà syndiquées ou à le devenir. Cette pratique, aussi appelée « closed shop » est devenue la norme aux Etats-Unis en 1935. Assurant la prospérité des Unions. Elle a été remise en cause dès 1947 par une loi fédéral sur le « droit au travail ». Depuis, vingt-deux Etats ont adopté ce droit. La crise de 2008 a fait ressurgir cette législation quelque peu oubliée. Les Etats qui l’ont adoptée connaissent, en effet, une croissance économique beaucoup plus forte que les autres.

Les syndicats ont indiqué qu’ils mettraient leurs ressources nationales dans la bataille de l’Indiana.  

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