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Réunion du Med 7 : Emmanuel Macron peut-il espérer plus de résultats en partant à la conquête de l’Europe par la face sud ?
©AFP

Versant opposé

Ce mercredi 10 janvier, à Rome, Emmanuel Macron participera à sa première réunion du Med 7, alliance des pays du sud de l'Union européenne et ayant vu le jour à l'automne 2016 à l'initiative notamment de François Hollande, Matteo Renzi ou encore Alexis Tsipras, et ayant pour objectif, notamment, de faire "entendre la voix singulière des pays du sud de l'Europe."

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Ce mercredi 10 janvier, à Rome, Emmanuel Macron participera à sa première réunion du Med 7, alliance des pays du sud de l'Union européenne et ayant vu le jour à l'automne 2016 à l'initiative notamment de François Hollande, Matteo Renzi ou encore Alexis Tsipras, et ayant pour objectif, notamment, de faire "entendre la voix singulière des pays du sud de l'Europe". Dans quelle mesure cette "voix singulière des pays du sud de l'Europe" est-elle écoutée ? Comment interpréter le fait que cette alliance, conçue il y a moins de deux ans sur un axe essentiellement économique en arrive aujourd’hui à se concentrer sur des thématiques sécuritaires et migratoires, comme semble le suggérer l'ordre du jour de cette réunion ? 

Tout d’abord, la situation économique parait plus favorable qu’à l’automne 2016 : la croissance est répartie, même en Europe du sud, et une très lente décrue du chômage y semble amorcée. Pour l’instant, la politique monétaire accommodante de la BCE reste d’actualité, même si l’on sent bien que l’on va comme aux Etats-Unis vers une normalisation de cette politique. Par ailleurs, certains pays, comme le Portugal, voire l’Italie dans une certaine mesure, ont pu engager une politique budgétaire plus expansive, plus sociale, et plus créatrice de croissance. Il n’y a bien finalement qu’en France, où le gouvernement croit encore aux vertus magiques de l’ « austérité expansionniste » en s’acharnant à ne voir les choses que par le petit bout de la lorgnette budgétaire des 3%. Tous les autres pays ont appris la leçon : l’austérité tue, au sens figuré d’un choc négatif sur la croissance, et même au sens propre, comme les Grecs ont pu le constater sur l’évolution tragique de leurs taux de suicide. En même temps, vu l’absence de pouvoir décisionnel en Allemagne actuellement et la poussée des partis pro-austérité dans ce pays (FDP et AfD), il est impossible de faire bouger plus le curseur. C’est déjà bien de ne plus être dans la folie austéritaire. La vraie bataille sera sans doute autour du choix du remplaçant de Mario Draghi à échéance 2019.
De ce fait, les questions sécuritaires et migratoires prennent le devant de l’agenda. Cela correspond aussi au fait que l’opinion publique est devenue très sensible à ces questions. Les Italiens gardent le sentiment d’avoir été abandonné en première ligne à gérer l’arrivée des migrants via la Libye ou la Tunisie. Maintenant, c’est au tour de l’Espagne de voir un surcroit de migrants, puisque la route libyenne a été presque coupée par une action peu claire du Ministre italien de l’Intérieur auprès des milices libyennes. Sur ce point, effectivement, presque toute l’Europe du sud est confrontée à cette charge migratoire, et elle peut avoir envie d’agir en commun pour pousser l’ensemble européen à agir en commun sur cette question dans une perspective géopolitique de stabilisation des alentours de l’Europe méditerranéenne.

Dans quelle mesure la France fait elle effectivement partie, dans la poursuite de sa politique européenne, des pays du sud de l'Europe ? N'y a-t-il pas ici un paradoxe ou est-ce que la France joue-t-elle bien un rôle de charnière entre Europe du nord et Europe du Sud ? 

De fait, la France a généralement évité de se placer comme leader du sud de l’Europe, parce qu’être « le sud » est de longue date un signe d’infériorité- sans doute depuis le déclin de la puissance espagnole au XVIIème siècle. Et d’ailleurs, personne n’a voulu assumer depuis les années 1950 ce rôle de leadership du sud, préférant en général jouer sur des relations bilatérales (par exemple, germano-espagnole, ou germano-italienne) pour obtenir quelque chose. 
Par ailleurs, sur un plan sociologique, géographique et économique, la France n’appartient pas vraiment au sud de l’Europe, parce que nous n’avons pas une longue histoire d’émigration forcée de nos populations suite à la nature périphérique de notre développement économique. Les Portugais, les Grecs, les Espagnols, et les Italiens ont eu depuis le XIXème siècle à quitter leur pays pour survivre, et la dernière crise en date ne fait pas exception. La France elle a plutôt accueilli depuis la fin du XIXème siècle des vagues migratoires successives, et, même au plus fort d’une crise économique (années 1930 par exemple), jamais une grande part de sa population n’a cherché le salut économique dans le fait de quitter le territoire national. Ainsi, au cours de la présente crise, commencée en 2007-08, les migrations des Français en dehors de l’hexagone restent limitées au regard de ce qui s’est passé dans les autres pays méditerranéens. Au contraire, la France a plutôt accueilli de nouveau, comme par le passé, des migrants de ce sud sinistré de l’Europe. Il n’est que de voir tous ces Italiens qui sont venus chercher fortune dans la restauration par exemple de ce côté-ci des Alpes.
Cela correspond au fait que les structures productives et l’Etat social restent plus solides en France que dans ce sud de l’Europe, et aussi, au fait que, surtout pendant le début de la présidence Sarkozy (2007-2010), la France a évité une furie austéritaire telle que celle qui a plombé pour longtemps la Grèce ou encore l’Italie, en particulier le sud du pays. Nous nous sommes rattrapés depuis, et nous visons à faire pire sous la présente Présidence, mais il faut bien admettre que nos dirigeants ont évité de prendre des mesures conduisant à l’écroulement subi de l’économie, comme l’a fait Monti en Italie à l’automne 2011.
3- Quelles sont aujourd’hui les principales difficultés de l'Europe du sud qui pourraient être mal prises en compte, ou même ignorées, par les instances européennes ? 
La principale difficulté est de faire admettre aux autres partenaires qu’il faut prendre en compte les effets à moyen/long terme de l’austérité sur les structures productives et le capital humain de ces pays. Le cas italien est particulièrement central de ce point de vue : il y a presque un quart de siècle que l’Etat italien fait des économies pour maintenir sa dette à un niveau acceptable (autour de 130% du PIB actuellement). Le résultat en est un sous-investissement chronique à la fois dans les  infrastructures matérielles et immatérielles de la croissance – et, à la fin, les Italiens ne font plus d’enfants, faute d’emplois stables et d’Etat social, comme la plupart de ces pays d’Europe du sud à l’exception de la France - jusqu’à très récemment il est vrai, où l’on voit aussi la démographie commencer à fléchir. A terme, cela mène à une impasse économique : une dette énorme et personne en face pour être productif pour la payer. Tous ces jeunes Européens du sud qui sont passés en Allemagne y payent leurs impôts directs et y dépensent la plus grande part de leur revenu en y payant la TVA sur leurs consommations au jour le jour.
De ce point de vue, ce que ne prennent pas du tout en compte les instances européennes, c’est la crise sociale et démographique qu’elles ont produite dans ces pays du sud à force de ne pas admettre que l’Euro centralise la croissance économique au centre de la zone Euro. Mais il faut bien dire que la situation est assez similaire à l’est du continent – qui n’est pas dans la zone Euro pour sa plus grande partie. A force d’y privilégier les bas coûts du travail et la flexibilité à tout crin, on aboutit là aussi à un déficit démographique, à une perte de dynamisme de ces sociétés. 
En somme, faire plus de social et être plus attentif à la démographie comme indicateur de bien-être des populations serait une idée neuve à faire passer à Bruxelles qui concerne presque toute l’Europe périphérique (Sud et Est confondus). 

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