Retraites : entendre la rue n’est pas lui céder !<!-- --> | Atlantico.fr
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La Place de la République lors d'une manifestation contre la réforme des retraites.
La Place de la République lors d'une manifestation contre la réforme des retraites.
© Alain JOCARD / AFP

Démocratie

Répondre aux craintes légitimes des travailleurs n’est pas faiblir, c’est, au contraire, nous grandir collectivement.

Jad Zahab

Jad Zahab, essayiste, est diplômé de l'école des affaires publiques de Sciences Po Paris. Militant associatif engagé en faveur de la participation des jeunes à la vie politique, il est sensible aux sujets liés à l'immigration, aux valeurs de la République, à la refondation du pacte social et à la lutte contre les inégalités, marqueurs de son engagement. Il intervient régulièrement dans les médias pour analyser l'actualité politique et sociale. Il est entre autres l’auteur de "Retrouver la république" (Cherche Midi Éditeur). 

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Depuis quelques semaines, l’horizon politique et les perspectives démocratiques de notre pays se sont considérablement réduites, cristallisées, accaparées par l’avenir du projet de loi portant réforme des retraites. Sans préjuger de la décision du Conseil constitutionnel prévue dans deux semaines, la classe dirigeante entière, et l’exécutif notamment, ne peuvent faire le choix de l’immobilisme. Au sortir d’un examen parlementaire particulièrement difficile, marqué par les maladresses de communication gouvernementale, l’union résolue du front intersyndical, ou encore la violence et le cynisme de certaines oppositions, la responsabilité collective nous oblige et nous engage à produire l’apaisement nécessaire dans la société. 

Pour ce faire, nous devons accepter que le projet adopté, parce que le débat a été atrophié par l’obstruction parlementaire assumée de certains, n’est pas optimal. Si chacun est convaincu, au regard de l’espérance de vie en bonne santé et des comparaisons européennes, que travailler plus longtemps est nécessaire, cela ne saurait être le cas de manière indifférenciée selon les professions. La protection des travailleurs les plus modestes, les plus exposés aux risques,doit être notre boussole, nous avons la possibilité de corriger le texte en proposant des correctifs concrets pour les travailleurs dont les conditions sont difficiles. En effet, la pénibilité des métiers doit être bien plus et bien mieux prise en compte dans le calcul de l’âge de départ à la retraite : plus un métier est pénible, plus il cumule de critères de pénibilité, plus le départ à la retraite doit avoir lieu tôt. Cette prise en compte de la dureté subie tout au long de la vie au travail, sous la forme de trimestres supplémentaires, et dont il conviendra d’établir les modalités pratiques avec les partenaires sociaux réunis, est une mesure de justice sociale dont le pays a besoin. Entendre la rue n’est pas lui céder, répondre aux craintes légitimes des travailleurs n’est pas faiblir, c’est au contraire, nous grandir collectivement. 

Les conditions de travail des salariés, à une époque où le milieu du travail lui-même connaît des mutations profondes, méritent d’être bien mieux prises en compte. Pour ce faire, outre l’abaissement de l’âge de départ à la retraite déjà évoqué, nous devrons refondre, sur la base de l’existant, les critères de prise en compte de la pénibilité au travail. Dans ce cadre, autour de tous les syndicats et organisations qui le souhaitent, il nous faut travailler à la réintégration – à l’identique ou sous une nouvelle forme – des quatre critères qui avaient été exclus du « compte pénibilité » : la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, l’exposition aux risques chimiques. Les choix d’hier doivent aujourd’hui, par refus du dogmatisme, souffrir de l’auto-critique. De même, si la réparation est une chance, sans prévention nous ne réussirons rien. La santé au travail ne saurait être, demain encore, le parent pauvre de nos politiques publiques. Une grande loi en la matière, qui prévoirait entre autres le renforcement du rôle des intervenants prévention des risques professionnels (IPRP) s’impose. Un certain nombre de ces dispositifs pourraient d’ailleurs être intégrés au prochain projet de loi « Plein emploi » annoncé d’ici l’été prochain. 

Couplée au sous-texte réel de la contestation, qui, dans la société, porte moins sur les retraites que la place et le rôle du travail dans la société, ayons le courage d’ouvrir le chantier du « mieux-travailler » : face à l’inflation galopante et à la transformation considérable de nos modes de vie qu’elle induit, nous devons questionner, sans tabou ni idéologie aucune, la nécessité de redonner, en augmentant leurs revenus, non du « pouvoir d’achat » à tous les salariés et en particulier à ceux évoqués ici, mais du « pouvoir de vivre ». 

Une fois seulement l’apaisement retrouvé, pourrons-enfin affronter la trame de fond qui n’a cessé de grandir depuis toutes ces années ; la fissuration de notre contrat social. Face au besoin revendiqué de plus de démocratie, et notamment de participation citoyenne directe, il sera temps d’éprouver la méthode que le Président de la République a souhaité durant sa campagne « Avec vous ». Le chantier institutionnel devra permettre l’émergence de majorités fortes, qui placeront l’intérêt du pays avant celui de leurs partis. 

Jad ZAHAB

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