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Retards de croissance, exil fiscal, légitimation de la fraude, révolte fiscale, et paralysie de l'investissement : ce que l'on retiendra du quinquennat Hollande en matière de fiscalité
©Reuters

Superchampion

L'une des erreurs majeures de nos dirigeants en matière de fiscalité est qu'ils s'engagent régulièrement dans des baisses d'impôts, mais sans les accompagner d'une baisse des dépenses.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : Dans votre dernier livre Les impôts, histoire d'une folie française, vous parcourez l'histoire fiscale française au cours des derniers siècles. Dans la France de 2017, comment répartir les responsabilités du taux de taxation des Français ? Sont-elles plus historiques que contemporaines ? 

Jean-Marc DanielJe fais, certes, un panorama historique rapide de la fiscalité en parlant de Charles VII et des réformes de la Révolution. Je rappelle que Rousseau insistait sur le fait qu’à l’origine, l’imposteur est celui qui imagine des impôts et que progressivement le mot a pris le sens de menteur. Mais l’essentiel de mon texte porte sur la Ve République. Sur cette période, le taux de prélèvements obligatoires a augmenté de 15 points de PIB. Cela tient à deux phénomènes : le premier est la montée en puissance des dépenses sociales ; le second est ce que les économistes allemands de la fin du XIXe siècle avaient déjà théorisé dans ce que l’on appelle la loi de Wagner. De quoi s’agit-il ? De la capacité de la bureaucratie à s’autoalimenter avec la complicité d’une partie de la population qui espère qu’elle-même pourra rapidement rejoindre et faire partie de cette bureaucratie. 

Faut-il voir un lien entre le ralentissement de la croissance que connaissent les sociétés occidentales et le niveau d'imposition ? Les impôts ont-ils été un recours pour les dirigeants français pour contrer la chute de la croissance des revenus de l'Etat ? La hausse des impôts à-t-elle participé à la chute de la croissance ? 

Un taux de prélèvement obligatoire élevé nuit à la croissance, même si une partie des économistes, se référant à des schémas hérités du keynésianisme, affirment qu’augmenter les impôts permet une augmentation de la demande publique, ce qui soutient l’activité. Nos dirigeants, conscients des dégâts d’une fiscalité élevée, s’engagent régulièrement dans des baisses d’impôts. Mais comme ils ne les accompagnent pas d’une baisse des dépenses, cela creuse à court terme le déficit budgétaire et accroît le niveau d’endettement. Ils sont alors obligés de revenir en arrière et de ré-augmenter les impôts. 

Comment jugez-vous la politique fiscale du quinquennat en cours d'achèvement ? Et comment anticipez-vous la politique fiscale française future, après une probable victoire d'Emmanuel Macron ? 

François Hollande a commencé son quinquennat par un véritable matraquage fiscal. Cette politique a été doublement nocive : d’abord, les hausses d’impôts ont provoqué des retards de croissance, un exil fiscal non négligeable, une légitimation de la fraude qui est socialement dangereuse et un retour des révoltes fiscales comme celle dite des "bonnets rouges". Ensuite, l’adoption du pacte de responsabilité a entretenu l’incertitude liée à l’alternance de périodes de  baisse des prélèvements  avec celles où il faut réduire le déficit public. Cela a paralysé l’investissement.

Emmanuel Macron, pour sa part, a fait des propositions de baisse d’impôts, ce qui est traditionnel pour une campagne électorale : suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des assujettis ; suppression de la cotisation maladie des salariés et de la cotisation Unedic ; réduction de l’assiette de l’ISF. Le problème est que les économies de dépenses qui devraient compenser sont peu claires si bien qu’il est obligé d’annoncer simultanément une hausse de la CSG.  

Dans un monde idéal, quelle serait la réforme fiscale idéale en France ? S’agit-il de simples ajustements de taux, ou d’une refonte totale du système ?

Il faut avoir le courage des réformes, telles que celles des années 1960, qui ont implanté la fiscalité moderne au travers de la généralisation de la TVA et de l’impôt sur le revenu. Aujourd’hui, selon moi, quatre grandes orientations doivent être suivies :

- Abandonner les fiscalités sur le capital comme les impôts locaux actuels ou l’ISF, pour une fiscalité de flux, c'est-à-dire sur les revenus et les profits ;

- Abandonner la progressivité de l’impôt dont je montre dans le livre qu’elle correspond et a correspondu à des phases de développements économiques marquées par l’inflation. La réduction des inégalités passe par un effort en termes de dépenses publiques en faveur des plus démunis et non pas par une accumulation de confiscation sur les acteurs les plus dynamiques de la société ;

- Donner une meilleure lisibilité en cessant de changer sans cesse les règles et les obligations des contribuables ;

- Accompagner la baisse des impôts de celle de la dépense publique.  

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