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Reprise post Covid : les coûts du transport maritime ont finalement chuté et voilà ce que cela présage
©FREDERIC J. BROWN / AFP

Mer calme

Le coût de l'expédition de marchandises de la Chine vers les États-Unis se serait si effondré que pour expédier un container à travers l’océan Pacifique, le prix aurait diminué de moitié entre septembre et octobre.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Atlantico : Selon les derniers rapports du Financial Times, le coût de l'expédition de marchandises de la Chine vers les États-Unis s'est effondré. Pour expédier un container à travers l’océan Pacifique, le prix aurait diminué de moitié entre septembre et octobre. Quelle a été l’importance du Covid-19 et des récentes pénuries d’électricité en Chine dans cette chute des taux d’expédition ?

Alain Bonnafous : La chute ne résulte pas, de mon point de vue, de ces facteurs là mais plus simplement d’une bulle qui se dégonfle. Il faut donc commencer par situer ce qu’a été cette bulle. Je raisonne à grand trait en observant qu’à l’été 2020 les divers dispositifs de confinement avaient conduit à une contraction de la production et des échanges, l’Asie étant particulièrement touchée. Il en est résulté un point bas de ce que l’on appelle les taux de fret en août 2020.

Pour fixer les idées, il faut regarder l’évolution de certains prix du transport. Considérons un conteneur « Equivalent Vingt Pieds » (EVP) qui a l’avantage de pouvoir passer d’un navire porte-conteneur à un train ou un camion (qui peut en porter deux sur sa remorque). Sur la partie maritime du transport, de Hong-Kong au Havre par exemple, il en coûtait à peine 1 000 dollars lors de ce creux de l’été 2020. Ce coût était multiplié par 5 dans les premiers mois de 2021 comme en témoignait l’index le plus utilisé pour suivre les taux de fret, le Shanghai Containerized Freight Index. Le responsable pour la France de Kuehne+Nagel, l’un des leaders mondiaux de la logistique, annonçait alors un retour à la normale sous deux ou trois mois.

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Ce fut un peu plus long que cela dans la mesure où fin août 2021 on enregistrait de nouvelles augmentations qui se traduisaient par une multiplication par 7 sur un an dans le sens Asie-Europe. Le sens des échanges étant ce qu’il est, les taux de fret dans le sens Europe-Asie n’augmentaient que de 40 %.

Il faut donc bien comprendre que la baisse des taux de fret enregistrée depuis est une banale correction qui nous rapproche d’un « régime de croisière ».

Pouvons-nous nous attendre à une ré-augmentation des taux à l’export par containers ou resteront-ils aussi bas ? 

Sur la base de ce qui précède, je ne dirais pas que les taux de fret actuels sont bas : sur les routes les plus chargées ils restent trois fois supérieurs à ce qu’ils étaient en août 2020. Ils devraient continuer à baisser pour se stabiliser, de mon point de vue, au-dessus des points bas de 2020. 

En effet, ce qui marque les échanges intercontinentaux aujourd’hui, c’est évidemment un retour à la production et aux échanges de la situation antérieur à la crise, mais aussi une reconstitution des stocks d’une multitude de produits qui avaient subi des arrêts de production au début de la pandémie.

Nous ne sommes pas, à l’évidence, sortis d’une autre épidémie qui est celle de la rupture de stock et que j’ai essayé d’expliquer par ailleurs.

Comment cette chute du prix à l’exportation va impacter nos économies ? Il y aura-t-il assez de produits pour remplir ces containers ?

Pour l’instant on reste encore sur la question de savoir s’il y aura suffisamment de conteneurs (et de porte-conteneurs) pour assurer les échanges liés à la reprise auxquels s’ajoutent les échanges liés à la reconstitution des stocks.

Je ne crois pas un instant à une réduction des échanges qui serait, par exemple, consécutive à des « rapatriements » systématiques de certaines productions industrielles. Il y aura certes quelques relocalisations qui seront soulignées par la presse et dont on pourra se réjouir. Mais la division internationale de la production ne se déplace pas d’un coup de baguette magique.

Il est clair en effet que la production industrielle est devenue un système de production assuré par des ateliers globaux. J’ai l’habitude d’évoquer sur ce point un article de deux collègues britanniques publié en 2008 car il en a apporté une illustration spectaculaire qui a été diffusée par une large part de la presse grand public. Ils ont eu l’idée de décortiquer la production et l’assemblage des pièces qui constituent la brosse à dent électrique Sonicare. Il s’agit d’un produit simple qui n’est constitué que de 38 composants. Mais ces composants sont produits dans 12 usines réparties dans 10 pays sur 3 continents et ils parcourent 27.880 km en utilisant 4 modes de transport (route, avion, bateau, train) avant d’être assemblés.

Je soutiens que l’on n’est pas près de pouvoir organiser une délocalisation de ces 12 usines et que l’inertie d’un système de production est plus grande encore pour des produits plus sophistiqués. Le transport intercontinental n’est donc pas près de s’effondrer.

Pouvons-nous nous attendre à une congestion des grands ports comme celui de Long Beach aux Etats-Unis avec l’augmentation de la demande à Noël ?

Des incidents comme celui-ci peuvent en effet se produire dans la mesure où le système d’échange qui était bien stabilisé, c’est-à-dire qui était assuré par un système logistique fluide et à flux tendus, a été gravement perturbé. Tout s’est passé comme sur une autoroute qui tout à coup, sous la pression d’une pointe de trafic, passe d’un régime fluide à un régime saturé. D’un trafic normal à un trafic arrêté.

Il est tout de même vraisemblable que si quelques produits viennent à manquer sur les étals de Noël, cela résultera plus de rupture de stocks dans la logistique industrielle que problèmes d’écoulement logistique. Encore que ces deux difficultés s’entretiennent mutuellement.

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