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Les dessous du vote : 
pourquoi les reports de voix ne 
sont pas ce à quoi on s’attendait
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Sondage CSA

Report décevant des électeurs de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, vote des jeunes pour Nicolas Sarkozy, des gens aisés pour François Hollande... L'analyse du vote du second tour révèle de nombreuses surprises.

Jérôme Sainte-Marie

Jérôme Sainte-Marie

Jérôme Sainte-Marie est président de la société d'enquête et de conseils PollingVox.

 

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Atlantico : CSA a réalisé une étude le jour du second tour, par Internet, auprès des Français qui allaient voter ou venaient de voter, entre 9h et 17h. Vous avez notamment étudié le report des voix entre le premier et le second tour. On y trouve quelques surprises : on s’aperçoit notamment que seuls 26% des électeurs de François Bayrou se sont reportés sur François Hollande…

Jérôme Sainte-Marie : C’est pour moi le principal évènement de l’entre-deux-tours. On a eu une campagne qui semblait être dirigée vers le Front national, avec une grande masse de gens à séduire. Or, la réussite sur ce sujet est imparfaite.  De plus, certains se disaient que ce faisant, ils pourraient fort bien se couper du centre, ce qui ne s’est pas produit. La rhétorique de Nicolas Sarkozy sur le matraquage fiscal a beaucoup plus pesé sur les gens  que sa supposée dérive vers les thèses de l’extrême-droite. C’est un élément majeur.

Le débat de l’entre deux tours s’est ainsi focalisé pendant près d’une heure et demie sur la crédibilité économique. Nicolas Sarkozy s’adressait aux personnes âgées, aux propriétaires et aux électeurs de la droite modérée, ce qui a fonctionné.

Les électeurs de Marine Le Pen ne se sont reportés qu’à hauteur de 44% sur Nicolas Sarkozy, est-ce un score décevant pour lui ?

Tout à fait. Le Front national a un électorat très assuré, très confiant en lui-même et qui a été en général peu sensible aux appels de Nicolas Sarkozy. Quand on regarde les chiffres région par région, on se rend compte qu’il existe plusieurs Front national : une version alsacienne, une version de PACA qui dans les deux cas maintiennent un vote Sarkozyste, et puis il y a une version plus populaire qui s’appuie sur ses préoccupations économiques et sociales bien plus que sur des positions sur l’immigration.

Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon se sont reportés à 76% sur François Hollande. Est-ce moins que ce qui était attendu ?

On partait en effet sur un report à hauteur de 85/90% pendant l’entre-deux-tours. François Hollande est resté sur une ligne assez prudente après le premier tour, finalement, il a dit très peu de choses et l’électorat Mélenchon n’a pas été satisfait.

D’autre part, cet électorat s’est sûrement dit que tout était joué d’avance – on était à une estimation de 53% pour François Hollande après le premier tour – et malgré les efforts pour les garder mobilisés, le report a été moins satisfaisant que ce à quoi le PS s’attendait.

Reports de voix

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Report des voix par rapport au vote de 2007

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Structure des électorats

Comment expliquer que les femmes votent en majorité pour Nicolas Sarkozy ?

C’était déjà le cas en 2007. Nicolas Sarkozy était beaucoup plus soutenu par les femmes que Ségolène Royal par rapport aux hommes. Cela tient largement au fait que les femmes vivent 8 ans et demi de plus que les hommes et qu’elles sont surreprésentées dans une certaine tranche d’âge. Or les personnes âgées votent assez massivement pour Nicolas Sarkozy.

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Que les personnes âgées votent pour Nicolas Sarkozy c’est assez attendu, en revanche, le score des 18-24 ans reste étonnant. Alors qu’ils étaient l’un des cœurs de cible de François Hollande, ils ont finalement préféré le candidat de droite…

Le comportement électoral chez cette tranche d’âge est assez erratique.  On a chez eux une fracture radicale entre le monde étudiant et le monde des jeunes dans la vie active qui finalement sont souvent au chômage. C’est un vote très instable. Et une fois que l’on enlève en leur sein les abstentionnistes et les votes du Front national, il ne reste plus grand-chose pour les partis de gouvernement !

Au-delà de cela, je pense qu’il y a une jeunesse populaire - les jeunes qui sont en situation précaire et d’incertitude sociale - qui n’a pas été sensible au discours de François Hollande. En revanche, les jeunes en début de vie active, intégrés socialement, ont eux été plus portés sur un vote de gauche, pas par une espèce de pulsion juvénile mais par une situation sociale objective.

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Est-ce aussi cela qu’exprime les résultats entre actifs, inactifs et retraités ? Finalement ceux qui ont un travail votent Hollande et ceux qui sont inactifs ou retraités votent Sarkozy. Est-ce un clivage radical ?

En réalité, il y a un gros problème dans la rhétorique Sarkozyste : c’est-à-dire que le candidat du peuple fait un score d’autant plus élevé que l’électorat est socialement aisé, premier paradoxe. Le candidat de « la France qui se lève tôt » est élu par les retraités, deuxième chose. Il y a donc une sorte de défaite de Nicolas Sarkozy dans le sens où ses électeurs sont à l’opposé de la réalité de son discours.

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Au regard des revenus, le fait que Sarkozy soit en tête chez les moins de 1000 euros peut surprendre, d’autant plus que juste au dessus de cette barre, c’est François Hollande qui s’impose. Comment expliquer ce phénomène ?

Au-dessous d’un certain niveau social, les comportements politiques sont imprévisibles. Autant dans les classes moyennes modestes ou dans le monde ouvrier largement intégré et structuré, on a un vote de gauche clair ; dans les milieux totalement précarisés et totalement déstructuré on vote souvent extrême-gauche ou extrême droite voire on s’abstient.

Quand on dépasse la frontière des 2 000 euros, c’est beaucoup plus équilibré. Cette frontière est effectivement étonnante.

Par ailleurs, de nombreux facteurs entrent en jeu : si l’électeur est en couple ou pas, par exemple. Ensuite, à partir de 3 000 euros, on appartient à une catégorie plus ou moins aisée mais ce sont des facteurs qui varient selon que vous soyez propriétaire ou locataire, le lieu ou vous habitez, etc.

Il est aussi intéressant d’analyser la façon dont les gens se perçoivent.  Si les gens se voient comme appartenant à la classe moyenne supérieure, ou la classe aisée, ils votent Nicolas Sarkozy.

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Propos recueillis par Aymeric Goetschy

Méthodologie :

Sondage exclusif CSA / BFMTV / RMC / 20 Minutes réalisé en ligne le 6 mai 2012.
Echantillon national représentatif de 2612 personnes âgées de 18 ans et plus inscrites sur les listes électorales, constitué d'après la méthode des quotas : sexe, âge et profession de l’individu après stratification par région et catégorie d’agglomération.

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