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Repeignez-moi donc ces statues blanches que je ne saurais voir : l’antiracisme en pleine crise d’intolérance
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Culture

France Culture a publié le 19 novembre une vidéo expliquant que la couleur immaculée des sculptures antiques était le "résultat de 2.000 ans d'une histoire réactionnaire" avec la mention suivante : "non, les statues grecques n'étaient pas blanches, mais de toutes les couleurs". Une polémique similaire avait éclaté lors de l'exposition Toutankhamon.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Excellente occasion de republier cet article d’avril 2019, alors que le service public de l’audiovisuel dans sa version France Culture a sombré hier dans l’indigénisme le plus complaisant et le moins fondé historiquement et culturellement à propos de la blancheur des statues grecques pour bien marteler le message du racisme et du mensonge occidental qui étrangle le monde depuis 2000 ans !

Des militants antiracistes réclament l’interdiction de l’exposition « Toutânkhamon » visible à La Villette depuis le 23 mars au motif qu’elle nierait sciemment une supposée origine africaine du beau pharaon ainsi que l’appartenance de l’Egypte ancienne à l’Afrique noire. La preuve ? Et pourquoi le nez du Sphinx est-il cassé, à votre avis ? Parce que des égyptologues blancs ont détruit volontairement le nez des statues pour masquer leur forme épatée, pardi !

Mon Dieu, mon Dieu, que ne faut-il pas entendre ! Tout le monde sait bien qu’Obélix est le premier responsable de cette regrettable mutilation ! 

Pas de panique, je-plai-sante ! Mais nos antiracistes de combat ne plaisantent pas, eux. Depuis quelques semaines, ils déploient une activité frénétique qui vire à l’obsession identitaire et dont l’absurdité achevée a quand même réussi à trouver des relais de premier plan chez nos bienpensants officiels.

C’est ainsi que l’UNEF, ce syndicat étudiant toujours aux avant-postes du « progressisme » autoproclamé qui a contribué à former la crème de la crème de la planète socialiste, de Gérard Filoche à Sibeth Ndiaye en passant par François Hollande, – l’UNEF, donc, a jugé bon récemment de soutenir une pure entreprise d’intolérance et d’inculture, ces deux caractéristiques fonctionnant assez souvent ensemble.

Il se trouve en effet que la pièce d’Eschyle Les Suppliantes qui devait être jouée à la Sorbonne le 25 mars dernier dans le cadre d’un festival de théâtre antique n’a pas eu l’heur de plaire au Conseil représentatif des associations noires (Cran).

Pour son Président d’honneur Louis-Georges Tin, l’utilisation d’un maquillage sombre et de masques cuivrés typiques du théâtre antique pour représenter les Danaïdes, dont la « tendre joue », selon les termes mêmes d’Eschyle, est « brunie au soleil du Nil », est une abomination qui relève purement et simplement du « blackface » en vogue dans les milieux ségrégationnistes et racistes américains. Bref, de la « propagande afrophobe, colonialiste et raciste » en bonne et due forme !

Peu importe le sens profond de la pièce en question, qui est tout sauf « ségrégationniste », peu importe l’histoire, peu importe le contexte, peu importe la liberté de création du metteur en scène et peu importe tout ce que ce dernier a pu dire pour désamorcer la polémique – notamment que « le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités » – le spectacle doit non seulement être boycotté, mais empêché, ce à quoi le Cran flanqué de deux associations similaires et d’une cinquantaine d’activistes est parvenu en bloquant physiquement l’accès des comédiens et du public à l’amphithéâtre Richelieu.

Contrairement à ce que l’UNEF expliquait sur twitter dans un communiqué hallucinant de bêtise et de conformisme inclusif (voir ci-contre), il ne s’agissait pas seulement « d’interpeler » sur un choix « raciste » de mise en scène, mais de censurer une représentation et d’exiger en outre les excuses de l’université pour avoir accepté cette programmation dans ses locaux, sans compter la demande de « formations sur la question des oppressions systémiques » qui ressemblent à s’y méprendre à des séminaires de rééducation pour les personnels de l’université.

Quelques jours plus tard, le 4 avril exactement, l’hebdomadaire L’Obs ouvrait ses pages à une tribune intitulée « Banalisation du racisme à l’Assemblée nationale : ouvrons les yeux ».

Signé par Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau qui enseignent tous deux dans des universités américaines et se sont penchés, la première sur le parcours de femmes afro-françaises et le second sur les exactions coloniales, ce texte demande le retrait d’une toile célébrant la première abolition législative de l’esclavage peinte en 1991 par l’artiste Hervé Di Rosa dans le cadre d’un ensemble plus vaste intitulé « L’Histoire en peinture de l’Assemblée nationale » (voir photo de couverture).

Cœur de la dispute, les « lèvres surdimensionnées » des esclaves qui nous ramèneraient indiscutablement et honteusement à une « vision humiliante et déshumanisante » des noirs :

« Pour commémorer cet événement et l’inscrire dans la glorieuse chanson de geste républicaine, les autorités culturelles de l’époque n’ont pas trouvé mieux qu’une imagerie hésitant entre Banania et Tintin au Congo. »

« Nous demandons le retrait de ce mur de la honte. »

Petit problème, cependant. Les esclaves libérés ont les yeux bleus, détail qui les éloigne assez nettement d’une imagerie colonialiste même si nos pétitionnaires se plaisent à les voir « exorbités » par pure malignité de la suprématie blanche inconsciente de l’artiste et surtout, surtout, le graphisme utilisé est caractéristique de l’esthétique particulière du peintre.

On peut ne pas aimer, mais il se trouve que tous ses personnages, qu’ils soient blancs, noirs ou bleus, sont représentés avec dents, bouche et yeux immenses selon les codes artistiques de sa mythologie personnelle dite « dyromythologie », « dyro » étant le début de Di Rosa, ce que démontre amplement une autre toile de la série célébrant le suffrage universel masculin obtenu en 1848 (voir ci-dessus).

L’ignorance a encore frappé, pensez-vous. Eh bien, même pas ! Mme Niang et M. Suaudeau n’ignorent rien du style de l’artiste, ils le concèdent volontiers dans leur tribune. Mais quand bien même ! Tout ce qu’ils voient est analysé à l’aune étroite de leur problématique racialiste et tout ce qui y contrevient, même sur la base d’un contresens évident et éventé, doit être éliminé, soustrait à leur vue et à la vue de tous. Pas de place au débat, pas de place à la licence artistique – de l’ordre moral, point final.

Hervé Di Rosa, catastrophé, n’a pas tardé à percevoir la censure maquillée sous le discours bienpensant de l’antiracisme et sa désastreuse progression dans les esprits et dans les faits :

« Ça me désole, ils ont déjà réussi à empêcher une pièce de théâtre, c’est de la censure. »

Mais le plus intéressant de toute l’affaire, à mon sens, c’est que Di Rosa a finalement l’impression d’avoir été trahi. Antiraciste lui-même, engagé à gauche, il cochait toutes les bonnes cases du « progressisme » et a donné tous les gages possibles de son allégeance. Et voilà que ce qu’il considère comme « son camp » lui tombe dessus :

« Quand ma série, porteuse de toute une culture populaire, énervait les gens de droite à l’époque, c’était presque de bonne guerre. Là, ça me désole que ça vienne de gens que je considère de mon côté. »

Je crois que personne, jamais, ne sera en mesure de donner assez de gages de bonne conscience à des militants obsédés d’identité qui ont abandonné toute raison, toute réflexion scientifique et toute analyse historique ou culturelle. Obnubilés par les apparences quelles qu’elles soient, incapables de voir les personnes au-delà de leur couleur de peau, tout les ramène toujours à leurs chagrins victimaires maladifs, la seule issue pour eux étant de voir le monde se réduire à la représentation raciale qui leur convient.

Les demandes révélées par ces trois actes d’antiracisme rapprochés sont si délirantes, elles piétinent si ouvertement la liberté d’expression et elles s’expriment de façon si totalitaire qu’elles risquent simplement d’avoir l’effet contraire de celui qu’elle prétendent rechercher : avant d’être les victimes du racisme, les noirs, ceux qui aimeraient bien vivre tranquillement en pensant à leur avenir et pas en ressassant en permanence leur passé, pourraient bien être surtout les victimes d’un antiracisme qui se déconsidère intellectuellement et politiquement tous les jours un peu plus.

C’est pourquoi je me réjouis que la pièce d’Eschyle soit reprogrammée dans les murs de la Sorbonne (le 21 mai 2019, et dans le Grand amphithéâtre, semble-t-il), ainsi que le Président de l’université l’avait promis au metteur en scène, et c’est pourquoi j’espère que les deux autres tentatives d’intimidation seront renvoyées fermement au rayon des caprices infantiles mais dangereux pour l’humanisme et l’esprit des Lumières qu’elles n’auraient jamais dû quitter.

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