Rendre le centre de Paris piétonnier ? Voilà pourtant ce que la mairie de Paris devrait retenir de l’impact environnemental négatif de la fermeture des voies sur berge<!-- --> | Atlantico.fr
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Le quai du Louvre en 2015, lors d'une journée sans voitures.
Le quai du Louvre en 2015, lors d'une journée sans voitures.
©PATRICK KOVARIK / AFP

Décision précipitée

La mairie de Paris veut créer une zone à trafic limité dans le centre de la ville. Pourtant, le bilan de la fermeture des voies sur berge est négatif : selon une note de l'Institut des Politiques publiques, il a dégradé la qualité de l'air pour les riverains des zones où la circulation s'est reportée.

Jean de Kervasdoué

Jean de Kervasdoué

Jean de Kervasdoué est un économiste de la santé français, titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé du conservatoire national des arts et métiers (CNAM)et membre de l’Académie des technologies. Il a été directeur général des hôpitaux.

Ingénieur agronome de l’Institut national agronomique Paris-Grignon il a également un MBA et un doctorat en socio-économie de l’Université de Cornell aux Etats-Unis. Il est l'auteur de Pour en finir avec les histoires d’eau. Imposture hydrologique avec Henri Voron aux Editions Plon et vient de publier Les écolos nous mentent aux éditions Albin Michel. 

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Atlantico : La mairie de Paris veut créer une zone à trafic limité dans le secteur Paris Centre (1er, 2e, 3e et 4e arrondissement) et dans une partie de la rive gauche située au nord du boulevard Saint-Germain (5e, 6e et 7e). Or, selon une note de l'Institut des Politiques publiques, la seule fermeture des voies sur berge a augmenté les embouteillages sur le périphérique et dégradé la qualité de l'air pour plus d'habitants que ceux qui ont profité de cette mesure. Une fermeture de l'ensemble du centre de la capitale pourrait-elle avoir des conséquences encore plus graves ?

Jean de Kervasdoué : Toutes les grandes villes du monde régulent l’usage de la voiture automobile individuelle ; la question est de savoir comment.

Habitant d’un des quartiers du centre de Paris, je me demande déjà si nous allons pouvoir vivre et circuler quand s’éteindra l’épidémie de la COVID19, le jour où la vie redeviendra « normale ». En effet, déjà, quand on vient de la place de la République, il n’y a quasiment plus qu’un pont pour traverser la Seine et se rendre rive gauche. Ainsi, l’on bouchonne 20 minutes pour parcourir 500 mètres vers la place de l’Hôtel de ville, alors qu’il n’y a pratiquement personne dans Paris. En partant vers l’ouest, la rue de Rivoli est devenue inaccessible aux voitures et la rue Royale que l’on pouvait aller chercher en prenant les Grands Boulevards, et faisant donc déjà un grand détour, est en train de se fermer à la circulation.

Faut-il rappeler d’évidentes banalités ? Beaucoup d’entre nous ont besoin d’une voiture : les artisans, les livreurs, les médecins, mais aussi ceux qui ont des enfants en bas âge, ceux qui accompagnent et transportent des personnes âgées, nous tous quand nous devons transporter des objets pondéreux… Or, déjà, la Mairie de Paris nous vole la seule chose qu’elle ne pourra jamais remplacer : notre temps, ce qui est d’une extrême violence. De surcroît, si Paris « respire » le dimanche, les Parisiens des quartiers fermés à la circulation soupirent car leurs amis et leur famille qui ont du mal à se mouvoir n’acceptent plus d’y venir déjeuner, faute de pouvoir y pénétrer en voiture.

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Au nom de quoi ? De notre santé, nous dit-on. Cet argument ne tient pas.

La fermeture des voies sur berges a augmenté les embouteillages et donc la pollution sur les quais et le long du périphérique. Elle n’a donc pas été globalement réduite.

Si la pollution atmosphérique a baissé c’est du fait de la qualité des moteurs et de leurs filtres des gaz d’échappement. Signalons d’ailleurs en passant que les moteurs diesels qui ont moins de dix ans d’âge polluent moins que les moteurs à essence.

Quant à la prétendue mortalité due à la pollution automobile, elle n’existe que dans les modèles de Santé Publique France. Ils sont faux comme l’a démontré Philippe Stoop dans vos colonnes.

Faut-il alors prendre le métro - rarement aérien – et dont chacun sait qu’il est extrêmement pollué. Pourquoi la ville de Paris ne cherche pas en améliorer de manière significative la qualité de l’air ? Ce serait moins spectaculaire, mais beaucoup plus efficace

Ces politiques ne font-elles que déplacer la congestion et la pollution plutôt que de les réduire, faute de s'attaquer aux causes profondes de la dépendance aux voitures ?

Oui, bien entendu ; on vient d’en faire l’expérience avec, notamment, la fermeture des voies sur berges. Quant à la voiture, elle offre une merveilleuse liberté dont les humains ne sont pas disposés à se passer. Paris, qui n’est pas qu’une ville de touristes et de jeunes célibataires, deviendra-t-elle plus attractive quand son centre sera ghettoïsé, quand une partie de sa population et de ses commerçants aura quitté son centre ?

Les élus d'opposition dénoncent « les risques d’asphyxie » aux abords de cette future zone quasiment piétonne et dénoncent l'absence d’études des flux pour mesurer l’impact de la mesure et maîtriser les reports de circulation. Cela montre-t-il que la mairie de Paris ne se préoccupe pas des conséquences de ses décisions ?

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Les élus de l’opposition ont raison. La ville, on le voit, ne tient aucun compte des conséquences de ses diktats et biaise sans vergogne les critères qui prétendent justifier une décision déjà prise. Mais l’opposition a aussi, en la matière, beaucoup à se faire pardonner car elle a voté en son temps l’interdiction de circuler sur les voies sur berges, privilégiant les seuls riverains économiquement favorisés des bords de Seine.

Par ailleurs, enfin, et peut-être surtout, la Région a aussi en la matière son mot à dire car elle exerce la tutelle sur la RATP. L’Etat ne peut pas non plus rester en la matière silencieux car il partage avec la ville la responsabilité sur la circulation dans Paris. Il y a donc une lueur d’espoir dû à un imbroglio de compétence. Cette fois-ci la ville ne pourra plus procéder lâchement, comme elle le fait depuis 18 mois, en modifiant sans débat la circulation dans Paris au profit d’un petit pourcentage de sa population, celle qui se déplace sur deux roues. Ce faisant, elle pénalise aussi et surtout les habitants de l’agglomération, ceux d’au-delà du périphérique, chez qui elle déplace la pollution et des difficultés de circulation. Il est temps, à l’instar de Londres, de déplacer les limites actuelles de la ville de Paris, celles du périphérique, ce centre riche qui se permet de prendre en otage les autres, les 10 millions d’habitants de la région Ile-de-France qui ne sont pas parisiens mais sont éminemment concernés par le devenir de ce centre dont on cherche à les exclure.

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