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Divergences Sarkozy Merkel sur la Grèce : faut-il vraiment s'opposer aux marchés ?
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Libéral

La rencontre au sommet entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel a eu le mérite de souligner les nombreux points de divergences entre les deux dirigeants.

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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Atlantico : Quels sont les points de vue défendus par l’Allemagne et la France ?

Pascal Salin : Il semble que l'opinion et le gouvernement en Allemagne aient été constamment beaucoup plus réticents à "sauver la Grèce" ou "sauver les banques" que cela n'est le cas en France. Et pour ma part je comprends ces réticences. Or, il semble aussi qu'Angela Merkel finit toujours par accepter ce qu'elle refusait initialement. C'est peut-être – malheureusement – ce qui risque de se passer ce dimanche.

Comment Nicolas Sarkozy et Angela Merkel vont-ils concilier leurs différents points de vue pour s'entendre ?

Je n'ai pas la prétention de savoir ce qu'il y a dans leur tête et de prévoir l'évolution de leur négociation. Mais je n'ai pas non plus la naïveté de croire qu'ils prendront les décisions qui s'imposent puisque l'expérience prouve que les gouvernements en général – et les leurs en particulier – ont toujours choisi les plus mauvaises réponses à la crise. Ceci n'est d'ailleurs pas surprenant puisqu'ils ne comprennent rien aux phénomènes économiques et que leur seul souci consiste à faire croire à l'opinion qu'ils contrôlent tout et qu'ils agissent pour le bien des peuples et pour la prétendue défense de l'Europe. On peut donc prévoir qu'un accord sera réalisé sans qu'on puisse en prévoir les modalités.

Les questions devraient notamment tourner autour du rôle du nouveau FESF et ses directives d'application. Que peut-on en penser ?

On parle d'une crise grecque, on parle de la nécessité d'une solidarité européenne (dont le FESF -le Fonds européen de stabilité financière- serait l'expression la plus visible). Mais essayons d'utiliser des mots justes : il ne s'agit pas d'une crise de la Grèce, mais de la mauvaise gestion du gouvernement grec, ce qui n'est pas du tout la même chose. Et il ne s'agit pas de solidarité européenne, mais de la complicité qui existe entre des gouvernements qui utilisent leurs pouvoirs de contrainte afin de cacher la sanction de cette mauvaise gestion par les marchés. Lorsqu'une entreprise est mal gérée, les marchés jouent leur rôle régulateur en durcissant les conditions de financement ou en sanctionnant cette mauvaise gestion par la faillite. Tel est le fondement moral fondamental du fonctionnement des marchés : on est responsable de ses décisions et on ne peut pas faire supporter ses erreurs par autrui. Malheureusement cette discipline morale de la responsabilité est totalement absente des préoccupations gouvernementales : le gouvernement grec a dépensé par démagogie de manière irresponsable. Ce devrait être à lui et à lui seul de rechercher les solutions à ce qui devrait être considéré comme une faillite. Et il est immoral que d'autres gouvernements prélèvent des ressources sur leurs citoyens pour empêcher la sanction de l'irresponsabilité. Le problème en question n'est donc pas un problème de l'Europe et encore moins de l'euro. En prenant pour fondement une prétendue solidarité au profit des plus mal gérés, l'Europe que les gouvernements nous construisent est bien mal partie. Si l'on veut être fidèle à la grande tradition humaniste de la civilisation européenne, fondée sur les valeurs individualistes et sur la responsabilité, c'est une voie absolument inverse qu'il conviendrait de prendre, celle qui permettrait l'épanouissement de la liberté individuelle, du respect du contrat et de la responsabilité.

L'Allemagne reproche à la France de vouloir refinancer ses banques par le biais des mécanismes de secours européens, alors que ses banques seraient assez solides. Que faut-il en penser ?

Il est certain que le gouvernement français essaie d'éviter à certaines banques françaises les pertes qui proviendraient d'une incapacité du gouvernement grec à rembourser les prêts qu'elles lui ont faits, même si un défaut grec ne suffirait sans doute pas pour les conduire à la faillite. Mais ici aussi il conviendrait de laisser fonctionner la règle de la responsabilité. Il est temps que les banques apprennent que les titres émis par les gouvernements ne sont pas nécessairement des actifs sans risque et qu'elles soient donc sanctionnées de leurs mauvaises décisions de prêt par des pertes ou même des faillites. L'un des grands mérites de la régulation par les marchés tient à ce que l'on apprend de ses erreurs, ce que les gouvernements sont incapables de faire, car ils cachent les conséquences de leurs erreurs et ils les font payer par autrui.

Est-ce aux États, et donc aux épargnants et contribuables, de venir en aide aux banques ?

Certainement pas, pour les raisons qui viennent d'être indiquées.

M. Trichet a rappelé jeudi que les banques avaient d'autres moyens de se renflouer. En utilisant notamment leurs propres bénéfices, en pratiquant la modération salariale et en s'adressant au marché des capitaux privés, par exemple en vendant des nouvelles actions en Bourse. Est-ce réaliste ?

Il y a, bien sûr, d'autres moyens de renflouer les banques que de recourir à des aides étatiques. Utiliser ses propres bénéfices constitue une solution peu réaliste, puisque, précisément, les banques en question sont censées être en difficulté, c'est-à-dire avoir des bénéfices nuls ou négatifs. La modération salariale ne peut pas être une solution pour une situation d'urgence. Par contre, une augmentation de capital constitue la solution normale si on estime que, malgré les difficultés de court terme dues aux pertes spécifiques sur les créances publiques (par exemple grecques), la bonne santé d'une banque semble garantie dans le plus long terme. Et si jamais la faillite constitue la seule solution, il faut bien voir que toutes les banques ne courent pas toutes en même temps ce même risque. Certaines, mieux gérées, peuvent alors racheter la banque défaillante : la faillite ne signifie pas la disparition des actifs, de la clientèle, des processus d'activité et ceux-ci sont donc rachetés par ceux qui sont plus aptes à bien les utiliser.  

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