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Renaud Revel : "Emmanuel Macron échappe au rite monarchique des "visiteurs du soir" parce qu’il n’a pas d’histoire et règle les dossiers à coups de SMS"
©Ian LANGSDON / POOL / AFP

Tradition

Dans "Les Visiteurs du Soir, ce qu’ils disent à l’oreille du président" (éditions Plon), Renaud Revel décrit le lien particulier au coeur de la démocratie française entre ces fameux visiteurs et le chef de l'Etat.

Renaud Revel

Renaud Revel

Renaud Revel est journaliste, auteur et documentariste. Passé par Le Matin de Paris et L'Express, il collabore aujourd'hui au Journal du Dimanche. Il est également l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, dont des biographies de Claude Chirac ( L'Égérie) et d'Anne Sinclair ( Madame DSK). Il a par ailleurs publié deux autres livres en rapport avec l'Élysée et son histoire : Les Cardinaux de l'Élysée et Les Amazones de la République.

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Atlantico : Vous publiez « Les Visiteurs du Soir, ce qu’ils disent à l’oreille du président » aux éditions Plon. Comment expliquer ce lien si particulier au cœur de la démocratie française, au sein de l’Elysée entre ces « visiteurs du soir » et le chef de l’Etat ? Est-ce un héritage historique ou un phénomène typiquement français ?

Renaud Revel : C’est à la fois une tradition et des mœurs hérités de temps lointains. Louis XIV recevait à la nuit tombée une cour en dévotion. Et l’isolement du chef de l’état, retranché dans sa tour d’ivoire (ou bunker) de l’Elysée, depuis l’aube de la Cinquième République, n’a fait que renforcer ce phénomène. Il n’est pas un président qui se soit plaint de ce palais. De son exiguïté, de son côté empesé, corseté. Pompidou s’y lamentait.  Giscard s’en échappait. Hollande le fuyait. Quant à François Mitterrand, qui s’en échappait également, il comblait cet isolement en recevant la terre entière dans son bureau et ses appartements.  C’est lui qui institua ce rituel, dont il fit indéniablement un mode de gouvernance.

De Roland Dumas, d’Hubert Védrine en passant par Alain Minc ou Robert Bourgi et à travers les exemples de votre ouvrage, quels sont, selon vous, les présidents qui ont été les plus « influencés » par ces visiteurs du soir ?

Sans doute Nicolas Sarkozy. Il avait besoin de se confronter aux autres. De challenger celles et ceux qu’ils convoquaient à tout-bout-de champs pour une question ou pour une autre. Il n’aurait sans doute jamais surmonté la crise de 2008 sans ces quelques visiteurs, qui l’ont aidé à prendre les bonnes décisions. Il n’aurait jamais pensé supprimer la pub sur les chaines publiques sans la présence dans son bureau, un soir, d’Alain Minc qui lui souffla l’idée. Entre 2007 et 2012, son bureau fut un véritable hall de gare.

A l’heure des théories du complot, de la crise de défiance, de la haine en ligne et après les accusations de « cabinet noir » au sein de l’Elysée sous la présidence de François Hollande lors de l’affaire Fillon, cette habitude des conseillers de l’ombre et des visiteurs du soir est-elle amenée à disparaître ? Emmanuel Macron a-t-il fait bouger les lignes sur cette question ?

Non car cela fait partie de nos rites monarchiques. La classe politico-médiatique est faite d’entre-soi et de consanguinité. Mais oui, Emmanuel Macron, à sa manière, échappe à la règle. D’abord parce qu’il n’a pas d’histoire. Ses réseaux, il se les aient constitué sur le tard. Et son premier cercle se résume à très peu de monde, quand François Mitterrand pouvait se prévaloir  d’une armée de compagnons  de route, dont certains remontaient à la Résistance. Un Macron marathonien et technophile également, qui se défie des ronds de cuir et des cols blancs. Et pour qui le portable est une salle d’attente. Voilà un homme qui règle dix dossiers par jour à coup de SMS. Ses visiteurs sont digitaux. Et son bureau à l’Elysée, passé 20 heures, est le plus souvent vide. Certains parmi ses proches ont été subjugué de le voir répondre à un SMS de leur part à 2 heures du matin. 

Le gouvernement est très critiqué sur la gestion de la crise sanitaire sur le dossier des masques, des tests et maintenant du plan de vaccination. Emmanuel Macron a évoqué une France de « 66 millions de procureurs ». Les difficultés et les failles de la gestion de la crise sanitaire peuvent-elles s’expliquer par les carences des « visiteurs du soir » sous le mandat d’Emmanuel Macron ? Comment expliquer que les conseillers en question (personnalités, chefs d’entreprise, conseillers) ne parviennent pas à impulser une ligne directrice ou des conseils avisés auprès du chef de l'Etat qui pourraient se concrétiser face aux inquiétudes économiques et pour garantir une plus grande efficacité de la gestion de la crise sanitaire notamment ?  

Cela tient sans doute au caractère jupitérien de sa gouvernance. Emmanuel Macron, pour qui cette crise est un baptême du feu, a découvert à cette occasion ce qu’est ce pays :  une nation otage d’une haute administration toute puissante dont Bercy est le coeur. Sa méconnaissance des rouages de l’état et du poids d’une technostructure omnipotente explique peut-être ce sentiment de flottement. Bien qu’à cet égard Emmanuel Macron ne soit pas le seul, en Europe et dans le monde, à naviguer à vue.  

Renaud Revel publie "Les visiteurs du soir Ce qu’ils disent à l’oreille du président" aux éditions Plon.

Un extrait de l'ouvrage : Les visiteurs du soir : Jean-Pierre, le Che au regard acéré

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