Régionales : pourquoi les promesses électorales de Marine Le Pen relatives "au pouvoir d’achat supplémentaire" seront imperceptibles par la population du Nord-Pas-de-Calais-Picardie<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen en campagne.
Marine Le Pen en campagne.
©Reuters

Marges de manœuvre limitées

Si le Front National aime dénoncer les promesses non tenues des uns et des autres, les réformes proposées par Marine Le Pen ne permettent pas d’espérer un résultat très différent, notamment au regard de la fiscalité locale. Et pour cause : les élections régionales ne correspondent pas à ces enjeux macroéconomiques.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En pleine campagne pour les élections régionales, les promesses des différents candidats se multiplient, notamment au regard de la fiscalité. Ainsi, le 4 novembre dernier, Marine Le Pen mettait en avant un projet de réforme, traduisant son souhait de voir la pression fiscale diminuer au sein de la région qu’elle convoite, à savoir, le Nord-Pas-de-Calais –Picardie.

"Je prends un engagement: (...) nous allons engager la décrue fiscale, et nous allons le faire en baissant le cheval fiscal du Nord-Pas-de-Calais qui est à 45 euros, en le baissant au niveau de la Picardie qui est à 33 euros. Donc là, déjà, ils vont avoir du pouvoir d'achat supplémentaire".

Soit. L’argument est raisonnable, une baisse de la fiscalité permet de transférer une part de pouvoir d’achat à la population. Reste à déterminer l’ampleur d’une telle réforme et son impact potentiel sur le pouvoir d’achat. Selon les dernières données régionales fournies par l’INSEE (2012), le PIB de la région Nord-Pas-de-Calais atteint 103.2 milliards d’euros alors que celui de la Picardie atteint 45.6 milliards, pour un total 148.9 milliards d’euros, soit 7% du PIB du pays. (Pour 2013, selon le Projet de comparaison des budgets régionaux Nord-Pas-de-Calais et Picardie, le montant est de 151,682 milliards d’euros).

Si la dépense publique française représente 57% du PIB sur l’ensemble du territoire, le poids de l’échelon régional est quant à lui bien plus faible. Ainsi, pour l’année 2013, les dépenses de la région Nord-Pas-Calais atteignent 1,853 milliards d’euros contre 0,916 milliards pour la Picardie, soit un total de 2.77 milliards pour le nouvel ensemble administratif. Comparativement au PIB, le poids des dépenses publiques "régionales" n’est alors que de 1.86%. Ce qui signifie que la marge de manœuvre budgétaire relevant de la compétence régionale ne représente que 3.2 % des dépenses publiques totales.

Il est également à noter que les recettes fiscales propres ne représentent qu’une portion minoritaire des recettes totales des régions. Ainsi, le poids de la fiscalité, directe et indirecte, ne représente que 41% des recettes totales en Picardie, contre  37% des recettes de la région Nord-Pas-de-Calais.

Sur une base déjà faible, il est alors nécessaire de poursuivre cette décomposition comptable pour chiffrer l’effet d’une baisse du "cheval fiscal", c’est-à-dire de la réduction des recettes de la taxe carte grise. Sur ce point, la région Nord-Pas-de-Calais a collecté 113 millions d’euros au titre de la carte grise pour l’année 2013, alors que la Picardie a encaissé 67 millions d’euros, pour une somme globale de 180 millions d’euros, ce qui représente 6.5% des dépenses, ou 0.12% du PIB de la nouvelle région. 

En appliquant à la hache la baisse d’impôts proposée, rien ne change pour la Picardie puisqu’elle conserve son tarif de 33 euros par cheval fiscal, tandis que la population de la région Nord-Pas-de-Calais profite d’une baisse de 26% de son tarif antérieur, soit 45 euros. Ce qui correspond à une baisse de 30 millions d’euros au total, à volume constant. Une telle réduction des recettes devra trouver un mode de financement, soit par la dette, soit par une réduction des dépenses, mais il n’est pas question ici de répondre à cette problématique. Finalement, la population de la grande région Nord profitera bien d’un soutien de son pouvoir d’achat, mais celui-ci correspond à 0.02% de son PIB. En agrégé, ce total est donc, tout simplement, imperceptible.

Il est peut-être injuste de dénoncer une telle promesse de campagne, puisque la démarche n’est pas nuisible en soi. Mais il est toujours aussi irresponsable de s’engager à une hausse du pouvoir d’achat lorsque les leviers permettant une telle modification, matériellement observable par la population, ne relèvent pas de la compétence en jeu. C’est-à-dire de la région L’élection régionale n’a pas une vocation macroéconomique. Le seul résultat ne peut être que la déception, et l’accroissement d’un sentiment de défiance vis-à-vis de promesses non tenues. 

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