Suppression de la Cour de justice de la République : attention, les ministres ne sont pas tout à fait des justiciables comme les autres<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a déclaré : "Les ministres doivent être soumis aux juridictions de droit commun".
François Hollande a déclaré : "Les ministres doivent être soumis aux juridictions de droit commun".
©Reuters

Tous égaux ?

Ce lundi, le candidat socialiste François Hollande a affirmé vouloir supprimer la Cour de justice de la République (CJR) qui juge les crimes et délits imputables aux ministres dans l'exercice de leur fonction et ainsi les soumettre aux juridictions de droit commun. Les ministres sont-ils vraiment des justiciables comme les autres ?

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : François Hollande a-t-il raison de vouloir supprimer la Cour de justice de la République (CJR) ? Celle-ci est-elle une anomalie démocratique ?

Didier Maus : Il n'y pas de solution idéale à la responsabilité pénale des ministres pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.

Sous la IIIe République, le Sénat, constitué en Cour de justice, était compétent pour les crimes et délits et pour les crimes contre la sûreté de l'Etat.

Sous la IVe République les ministres étaient responsables devant la Haute Cour de justice, composée de députés, pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. Le système a été repris quasiment à l'identique en 1958. La révision constitutionnelle de 1993 a créé la Cour de justice de la République pour tenter de trouver une solution à l'affaire du sang contaminé.

Certes le bilan n'est pas parfait, mais il y a eu des condamnations ; Charles Pasqua a été condamné, en 2010, à un an de prison avec sursis. Il y a sans doute d'autres urgences politiques et constitutionnelles que réviser la responsabilité pénale des ministres. On peut voir dans cette proposition l'influence de M. Montebourg pour qui les responsables politiques doivent être traités comme des délinquants ordinaires. 

Le fonctionnement de la Cour de justice de la République peut être amélioré, notamment en ce qui concerne les complices et la possibilité de se constituer partie civile, mais il convient, à mon sens, de conserver une telle juridiction.

Comme le pense le candidat socialiste, les ministres sont-ils pour vous des justiciables comme les autres ?

Honnêtement les membres d'un gouvernement ne sont pas complètement des justiciables comme les autres. Ils le sont pour les infractions non liées à leurs fonctions (par exemple le délit d'injure dans une réunion publique ou un crime de droit commun) mais l'appartenance à une équipe gouvernementale entraîne des contraintes très particulières, notamment lorsqu'il convient de prendre des décisions graves ou urgentes.

Décider ou ordonner au nom de la République confère aux ministres une responsabilité particulière, à la fois politique et pénale. Personne n'imagine de les doter d'une totale irresponsabilité pénale, mais il me paraît logique que celle-ci soit appréciée en tenant compte de leur position éminente et spécifique.

François Hollande a déclaré : "Les ministres doivent être soumis aux juridictions de droit commun". Si tel était le cas, quelles seraient les conséquences ?

La principale difficulté tiendrait au rôle du parquet, au moins tant qu'il est soumis à la tutelle hiérarchique du ministre de la Justice. C'est la raison pour laquelle le ministère public est exercé devant la Cour de justice de la République par le procureur général près la Cour de cassation, qui ne dépend pas du garde des sceaux.

Si les juridictions de droit commun étaient retenues, il conviendrait probablement de prévoir une composition élargie, comme pour les cours d'assises spéciale en matière de terrorisme. Comme le code pénal et la procédure pénale sont déjà utilisés par la Cour de justice de la République il n'y aurait pas de problème à ce stade. En revanche, comme aujourd'hui, la question de la position d'un ministre en exercice poursuivi devant une juridiction en raison d'infractions liées à ses fonctions n'est pas réglée. La présomption d'innocence existe pour les ministres comme pour les autres.

Propos recueillis par Jean-Benoit Raynaud

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