Plus qu'une réforme de Schengen, c'est de fédéralisme dont l'Europe a besoin<!-- --> | Atlantico.fr
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"Oui, le Président Sarkozy a raison lorsqu’il appelle de ses vœux une « Europe plus politique » et donc plus responsable. "
"Oui, le Président Sarkozy a raison lorsqu’il appelle de ses vœux une « Europe plus politique » et donc plus responsable. "
©Reuters

Euro futur

Le retour de l'Europe au coeur de la campagne pourrait permettre d'aborder ses vrais défis.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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S’il n’y avait qu’une seule chose pour laquelle le citoyen devrait être reconnaissant au candidat Sarkozy, c’est d’avoir fait de la question européenne un des enjeux centraux de la campagne électorale. Il était, en effet, choquant que l’ensemble des candidats ignorent largement jusqu’ici les aspects de la crise financière et économique dont l’Union économique et monétaire et le Marché unique – deux piliers de l’Union - constituent le cadre opérationnel.

Que pour lancer ce débat, le président sortant s’appuie sur le rôle éminent qu’il a joué dans la gestion de ces dossiers, quoi de plus naturel d’autant que son analyse de la situation et les risques gravissimes qu’elle fait courir, est très largement partagée. Ensuite, qu’il juge bon de soulever, parmi d’autres, deux thèmes spécifiques concernant des réformes souhaitables du régime de Schengen et la prise en compte d’une forme de « préférence » communautaire (Buy European Act), voilà qui soulève des problématiques qu’il est sain de mettre sur la place publique (même si, en parallèle, des discussions sur ces sujets sont déjà en cours dans les instances « technocratiques » tant décriées de l’Union).

Si l’on regarde de près les propositions du Président sur « Schengen », ce qu’il propose c’est une prise en considération, au niveau européen, des problèmes de contrôle des frontières externes et des politiques d’asile et d’immigration qui renforcerait les règles actuelles dont l’efficacité laisse sérieusement à désirer. Il fait d’ailleurs un parallèle avec les accords pris dans le cadre de l’euro dont les nouvelles dispositions contraignantes – assorties de sanctions – devraient servir de modèle.

Il est donc parfaitement inutile et de mauvaise foi d’agiter des chiffons rouges de rétablissement de contrôles aux frontières internes de l’Union, même s’il a été maladroit de mentionner, sous forme d’ultimatum, un retrait de la France du dispositif de Schengen. Notons que dorénavant la liberté de circulation des personnes au sein de l’Union est garantie par le Traité de Lisbonne mais au profit des ressortissants de l’Union. Rien n’interdirait à la France – ou à tous les Membres de l’Union - d’exiger que des étrangers fassent tamponner leur passeport à l’entrée de l’espace Schengen (comme c’est le cas aux États-Unis). L’absence d’un tel tampon serait alors preuve d’entrée illégale.

Quant à la proposition d’un « Buy European Act », quoi de plus naturel que d’exiger une réelle réciprocité de traitement entre l’UE et ses principaux partenaires commerciaux et d’ouvrir un débat salutaire sur ce sujet.

Cela étant dit, je me permettrai néanmoins de douter très sérieusement du réel « engagement européen » du Président-candidat. En effet, quand, au cours de l’émission télévisée sur TF1, après avoir balayé d’un ton méprisant les carences de l’ « administration bruxelloise » et son manque de « représentativité politique », un journaliste lui demande s’il est favorable à l’élection d’un Président de l’Union, il esquive en disant :  « ça, c’est un autre débat ».

Or si on analyse le bilan européen du Président, qui est loin d’être négligeable, il faut souligner qu’il se caractérise par le désir d’un renforcement continu d’une « gestion intergouvernementale » au détriment de la « méthode communautaire ». Cela s’est affirmé dès son intervention (efficace) dans la crise financière après la faillite de Lehman Brothers qui a marginalisé la Commission et renforcé le rôle du Conseil européen.

Il y a aussi contradiction entre cette méthode intergouvernementale (sous-entendu sans un quelconque transfert/partage de souveraineté) et la « coopération renforcée » souhaitée dans le cadre de la réforme des accords Schengen ou la mise en œuvre d’une préférence communautaire.

Cette approche « ad hoc » se traduit par la prolifération de nouveaux accords (Traités) intergouvernementaux en marge du Traité de l’Union dont la complexité rend la lecture totalement opaque pour le citoyen. Ce mécanisme a atteint les limites de la rationalité. Il sera, inévitablement, source de conflits et d’arbitrages permanents où les frustrations des « petits États » et les ambitions des « grands » mineront la cohésion nécessaire au maintien d’une Europe prospère et solidaire. (débats sur les budgets espagnols et hongrois).

Oui, le Président Sarkozy a raison lorsqu’il appelle de ses vœux une « Europe plus politique » et donc plus responsable. Il est temps d’affronter le vrai défi qui se pose à l’Union dont les sujets abordés à Villepinte constituent d’excellentes raisons supplémentaires de s’y atteler : soit nous construisons une Europe (UEM) fédérale, consacrant la hiérarchie des pouvoirs dans le cadre d’une délégation importante de responsabilité aux entités fédérées, soit nous nous acheminons inexorablement vers l’implosion de l’Union européenne.

C’est donc sur le terrain du rapport institutionnel de la France à l’Union européenne qu’il convient d’orienter le débat de la présidentielle. Etant donné l’importance primordiale que l’UE joue dans la vie quotidienne de tous les citoyens, tout candidat qui s’esquiverait n’aurait pas, ipso facto, la stature nécessaire pour prétendre à la magistrature suprême.

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