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Réforme de la SNCF : Quand Benedikt Weibel, l’ancien patron socialiste des cheminots suisses peine à comprendre la grève de ses collègues français
©Ruben SPRICH / AFP

Vu de Suisse

Ancien directeur des Chemins de Fer Suisses et membre du conseil d'administration de la SNCF, Benedikt Weibel livre son analyse sur le cas du chemin de fer français.

Benedikt Weibel

Benedikt Weibel

Benedikt Weibel est nommé en 1993 président de la direction générale des CFF, poste qu'il occupe durant quatorze ans.

À partir de 2003, il siège également au conseil d'administration de la SNCF jusqu'en 2007 (mandat non rémunéré pour lequel il a été décoré de la Légion d’honneur) et devient, la même année, président de l'Union internationale des chemins de fer (UIC)1. À la tête des CFF il a réussi à mettre en œuvre plusieurs réformes et dirige actuellement le conseil de surveillance d’un chemin de fer privé autrichien, WESTbahn.

Il a publié "Simplicité. L’art d’aller à l’essentiel" (Presses polytechniques et universitaire romandes), livre dans lequel il partage son expérience et ses réflexions sur la nécessaire simplicité qu'il faut atteindre pour résoudre les problèmes et agir efficacement.

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Atlantico : Vous avez dirigé les CFF (Chemin de fer suisse)  durant quatorze ans et vous avez été également membre du conseil d’administration de la SNCF plusieurs années.  Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la réforme de la SNCF d'un point de vue économique et social ?

Benedikt Weibel : La première chose qui surprend, c'est le statut des cheminots et l'âge de départ à la retraite, qui est une exception française avec des départs dès 52 ans pour le  personnel roulant et dès 57 ans pour le personnel non roulant ! Les cheminots actuels se battent pour qu'il soit conservé, mais quel pays au monde pourrait encore se permettre d'annoncer une chose pareille? C'est totalement incompréhensible vu de l'étranger. Le seconde "spécificité" française, c'est ce refus d'ouvrir le rail à la concurrence, en pensant que les conséquences seront forcément négatives.

Je préside actuellement le conseil de surveillance d’un chemin de fer privé autrichien, WESTbahn, dont l'arrivée sur ce marché a eu des effets très positifs. L'offre de trajets a doublé sur la ligne Vienne-Salzbourg, les prix ont baissé et la qualité de service s'est améliorée.  Quant à l’entreprise publique, ÖBB, elle a réussi de son côté  à se transformer pour devenir plus performante, alors que son image auprès des clients était désastreuse.

Malgré les conséquences de la grève sur leur vie quotidienne, environ la moitié des  Français témoignent leur sympathie pour cette grève, tout en souhaitant à 61% que le gouvernement aille "au bout de la réforme". Comment expliquer ce paradoxe?

Il existe une spécificité française, voire une culture unique de la notion de service public. La réforme de la SNCF cristallise ce phénomène, qui consiste à déplacer systématiquement le sujet sur un terrain idéologique. Lorsque je siégeais  au conseil d’administration de la SNCF, j'ai participé à un groupe de travail sur l'ouverture à la concurrence du frêt. J'ai vu tout de suite que ce serait impossible! Les syndicats parlaient encore d'usagers et non de clients, en menaçant de faire grève. Or dans le transport de marchandise, un jour de grève entraine des problèmes logistiques ingérables, des pertes économiques et de clients qui vont chercher des moyens de transports concurrents…

Malgré l'enlisement des négociations, pensez-vous que cette réforme finira forcément par aboutir ?

Difficile à dire ! Dans la réforme du président Macron, les mesures sont assez modestes et donnent des garanties pour le personnel comme pour les lignes non rentables par exemple. Comment expliquer qu'elle soit si mal reçue? Malgré mon parcours et mon expérience , je ne saurais pas vous dire aujourd'hui ce qui peut arriver, et encore moins prévoir avec certitude comment ce type de conflit va évoluer.

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