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Refonder la droite, refonder une véritable opposition
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Tribune

Une tribune de Charles Beigbeder

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder est président de la Fondation du Pont-Neuf. Président de sa holding industrielle et financière, Gravitation SAS, Charles Beigbeder est engagé dans plusieurs mouvements liés à l'entreprise et à la vie de la cité.
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La période que l’on traverse actuellement est, à bien des égards, singulière et, il faut le reconnaître, déroutante. Singulière parce que personne ne pouvait imaginer qu’un homme encore inconnu des Français il y a trois ans parvienne à bouleverser à ce point le paysage politique en conquérant la magistrature suprême et en pulvérisant les deux grands partis de gouvernement. Déroutante parce que le positionnement de l’actuel gouvernement, centré sur le charisme personnel d’un homme et le refus du clivage droite / gauche laisse peu de place aux débats d’idées et donne donc peu de prise à toute forme d’opposition. 

Nous sommes entrés dans l’ère de la post-idéologie qui consiste à fédérer les citoyens non plus sur un projet de société mais autour d’une personne, servie en l’occurrence par un indéniable talent politique, des premiers pas diplomatiques prometteurs, une communication qui se pare des oripeaux de la monarchie et un style hiératique qui correspond en tout point à l’esprit des institutions de la Ve République. Cela revient à substituer la figure du chef comme principe de rassemblement, à l’inscription traditionnelle dans une filiation idéologique et politique. Une forme de bonapartisme dévoyé, mâtiné de progressisme high tech, où la figure du sauveur est remplacée par celle du manager.

En cela, Emmanuel Macron ne fait que tirer les conséquences de la déliquescence des deux grands partis de gouvernement qui ne reposaient plus sur un socle idéologique stable. Quoi de commun, en effet entre Benoît Hamon et Manuel Valls, ou entre Laurent Wauquiez et Alain Juppé ? L’élection d’Emmanuel Macron met fin à cette hypocrisie et constitue la revanche incontestable d’Alain Juppé sur les électeurs de la Primaire de droite comme celle de Manuel Valls sur ceux de la Belle alliance populaire. 

Comment exister en face d’Emmanuel Macron ? C’est la question sur laquelle se brise la droite actuellement, laissant le monopole de l’opposition à Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Sur le plan économique, on aurait pu croire à des mesures de bon sens, tant le quinquennat précédent fut catastrophique. Toutefois, les premiers signaux envoyés par Édouard Philippe sont négatifs. En effet, sous la pression de l’Allemagne, la France s’emprisonne dans le carcan de l’orthodoxie budgétaire et souhaite ramener le déficit public en-dessous de 3% du PIB dès 2017. Mais, il faut distinguer le déficit structurel lié à un poids trop important de la dépense publique dans le PIB, du déficit conjoncturel lié à une surfiscalisation des entreprises. Or, s’il est fondamental de s’attaquer au premier en réduisant le train de vie de l’État et en luttant contre la gabegie, ce n’est qu’en baissant la fiscalité que l’on diminuera le second et que l’on fera repartir la croissance.

Mais l’opposition au gouvernement actuel ne saurait se cantonner à l’économie ni à une quelconque mesure programmatique ; elle s’enracine d’abord, au plan métapolitique, dans une vision de l’homme et de la société. En effet, on peut, sans être prophète, affirmer qu’Emmanuel Macron, quelles que soient ses qualités, ne mettra pas fin au cycle de décomposition inexorable qui affecte notre pays. C’est d’ailleurs un mal qui touche tout l’Occident depuis que les démocraties libérales ont voulu s’affranchir de tout enracinement charnel dans une culture commune. Croyant qu’une société peut se réduire à un ensemble de règles juridiques abstraites, elles ont négligé ce besoin d’homogénéité culturelle qui hante le cœur de l’homme ; ce désir de partager avec ses semblables une culture et des mœurs communes. « L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine » disait Simone Weil dans L’Enracinement. C’est cette patrie intérieure qui forme l’essence du bien commun, relie les hommes entre eux et leur permet de se comprendre, au-delà même des mots. C’est en cela que nous sommes un peuple, forgé dans la trame des siècles et régénéré par la succession des générations.

Ce processus de décomposition n’est pas récent mais il atteint aujourd’hui son paroxysme. On a cru les êtres interchangeables ; on a cru qu’ils pouvaient coexister à partir du moment où ils venaient habiter un même territoire et se trouvaient soumis aux mêmes règles. On a cru qu’un corpus juridique suffisait à édifier une société, en dehors de toute culture préexistante : on a appelé cela les Droits de l’Homme. On a ouvert largement nos frontières en affirmant que la France était un espace universel dans lequel toutes les cultures pouvaient coexister librement : on a appelé cela le vivre-ensemble. Finalement, tout cela n’a débouché que sur une France émiettée et soumise au multiculturalisme, dans laquelle chacun se sent dépossédé de son identité profonde, les populations indigènes comme allogènes. 

C’est à ce niveau que se situe la véritable fracture politique ; elle sépare ceux qui veulent mettre un terme à ce cycle de décomposition qui découle en droite ligne de la tabula rasa révolutionnaire, de ceux qui pensent pouvoir continuer à gouverner une France prise dans ce vertige de dissolution. Ceux qui veulent que la France se déploie dans la fidélité à son triple héritage gréco-romain, judéo-chrétien et humaniste ; et ceux pour qui la nation est une page blanche que l’on peut modifier selon les caprices du moment. Les premiers retisseront la toile de la nation, feront émerger une culture commune qui puise sa sève dans les profondeurs de notre histoire, réguleront les flux migratoires et donneront la priorité à l’assimilation, notamment par l’école. Les seconds habilleront leur inaction en la matière d’une belle communication. 

Cette première ligne de fracture en appelle une autre qui est son corollaire : elle consiste à accepter d’être diabolisé par les médias et considéré par eux comme un mal-pensant. Longtemps, la droite a cherché la respectabilité de la presse mais elle ne l’a jamais eue, sauf lorsqu’elle renonçait à être de droite, c’est-à-dire enracinée. Elle n’a pas compris que le terrain médiatique est délimité comme un terrain de jeu et que les frontières de la bien-pensance ont été arbitrairement fixées selon une logique qui criminalise toute pensée s’écartant du dogme progressiste. Qui s’aventure, par exemple, à émettre des doutes sur une réforme sociétale passera inéluctablement pour un horrible réactionnaire…Cela suppose un courage intellectuel que partagent peu d’hommes politiques. C’est à ce prix que se produira une révolution des cœurs et des esprits qui seule permettra à nos contemporains de remettre en cause les dogmes progressistes sur lesquels s’est édifiée notre société depuis déjà bien longtemps.

La troisième ligne de fracture concerne non plus les propos mais les actes. Il est fort à parier que le gouvernement actuel, quelle que soit sa bonne volonté, n’aura pas le courage politique d’affronter en profondeur les défis culturels et identitaires qui minent la France : territoires perdus de la République, islamisme radical, communautarisme rampant, ensauvagement des cités, délaissement de la France périphérique, etc... Sur ces sujets essentiels qui engagent l’avenir de la nation, le gouvernement laissera la situation se dégrader lentement en ne traitant que l’écume des problèmes et n’aura, comme aucun de ses prédécesseurs, pas le courage de s’attaquer à la racine des maux en prenant les mesures radicales qui s’imposent dans le domaine du maintien de l’ordre public, du contrôle des flux migratoires, du rétablissement de nos frontières et de la lutte contre la ghettoïsation.  

Une véritable opposition supposerait donc trois choses : la conservation de notre culture et de nos traditions en s’opposant à tout ce qui dénature la famille, l’école, les territoires ou la nation ; la transgression du politiquement correct qui vérole le débat public ; et la réformation d’une société en voie de communautarisation. Les hommes de droite pourraient donc se définir autour du triptyque suivant : conservateurs, transgresseurs et réformateurs.

Charles Beigbeder est actionnaire minoritaire d'Atlantico.

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