Récoltes empêchées en Ukraine : l’Inde peut-elle tenir sa promesse de nourrir le monde ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre indien Narendra Modi lors du Global Ayush Investment and Innovation Summit à Gandhinagar, le 20 avril 2022.
Le Premier ministre indien Narendra Modi lors du Global Ayush Investment and Innovation Summit à Gandhinagar, le 20 avril 2022.
©SAM PANTHAKY / AFP

Solution de substitution ?

La semaine dernière, le Premier ministre indien Narendra Modi a déclaré au président américain Joe Biden que son pays serait prêt à expédier des denrées agricoles dans le reste du monde suite aux chocs d'approvisionnement et de la hausse des prix due à la guerre en Ukraine.

Thierry Pouch

Thierry Pouch

Thierry Pouch est économiste. Il est responsable du service des études économiques de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture et chercheur associé à l’Université de Reims Champagne Ardenne. Il a notamment écrit "La guerre des terres, Stratégies agricoles et mondialisation" ( Choiseul Editions - 2010).

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Atlantico : Le sous-continent a-t-il les capacités de remplacer l’Ukraine ou la Russie sur le marché international des céréales ? 

Thierry Pouch : En ce qui concerne la Russie, l’Inde ne peut pas la remplacer car le pays est toujours en capacité de produire. La question de l’Ukraine, elle, est différente étant donné que ses structures de production sont endommagées par le conflit. La production et l’exportation de la précédente récolte a été finie juste avant la guerre, mais il reste encore 6 millions de tonnes de blé et 15 millions de tonnes de maïs bloqués dans les terminaux portuaires d’Odessa et de Marioupol. 

Pour l’année prochaine, les terminaux portuaires sont bloqués et les agriculteurs ukrainiens ne seront pas tous disponibles pour planter des semis. Le ministère de l’agriculture a d’ailleurs annoncé qu’il y aurait une réduction des surfaces ensemencées de 50 %. Sur la campagne 2021-2022, la production ukrainienne de blé a été de 33 millions de tonnes avec 5 millions de tonnes de stock disponible, soit 38 millions. L’Inde a produit l’année dernière 110 millions de tonnes avec 25 millions de stock donc sur le papier le pays peut se substituer à l’Ukraine. Mais M. Modi doit nuancer ses propos car le pays est peuplé de plus d’un milliard d’habitants avec une demande intérieure de 105 millions de tonnes et les exportations représentent 7 millions de tonnes. Le pays a une petite marge d’augmentation de production sur le blé et une autre sur le riz. L’Inde peut éventuellement apporter un complément d’importation aux pays dépendant de l’Ukraine, mais étant donné l’importance de sa population la mission va être complexe. Surtout l’Inde ne sera pas aussi la seule à apporter des compléments pour les pays, il y a aussi l’Australie ou la France pour le blé. 

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L’Inde a-t-elle les infrastructures nécessaires pour l’exportation ? 

Si l’on met de côté les temps d’exportation, on voit que les capacités de stockage du pays ne sont pas modernes. Le ferroviaire est assez développé sur le territoire indien et il dispose d’une ouverture sur la mer, pourtant il faudra du temps au pays pour développer de solides infrastructures. Au-delà des questions de disponibilités, on peut se demander le prix auquel l’Inde va vendre son blé car si elle le vend au prix du marché mondial, cela ne sera pas attractif pour de nombreux pays.

La baisse des exportations d’engrais pourrait-elle réduire la capacité de production de l’Inde ? L’Inde-a-t-il d’autres défis qui pourraient limiter ses exportations ?

S’il y a un problème sur l’approvisionnement d’engrais des paysans indiens, le pays, important producteur, peut décider de retenir ces produits et cela risque de manquer aux autres pays. Cela pourrait même compromettre les productions d’autres pays. L’Inde a les moyens d’avoir des intrants pour son agriculture.

La problématique climatique doit être examinée de près car comme l’Inde est régulièrement confrontée à des aléas climatiques chaque année comme avec la mousson. Il faut voir si à l’avenir les cultures seront endommagées et impacteront cette grande puissance agricole. 

La situation actuelle recompose l’échiquier mondial des échanges autour de nouvelles puissances comme l’Inde et le pays risque d’être encore plus présent qu’auparavant. Il s’agit d’un effet d’aubaine et cela peut avoir un impact sur la stratégie céréalière de l’Inde. Désormais, il faut voir comment les pays d’Afrique du Nord vont s’adresser à l’Inde.

Avant de se lancer fortement sur le marché mondial des céréales, l’Inde devrait-il tout d’abord renforcer l’approvisionnement de son marché intérieur ? 

Sur la question de la sécurité alimentaire, l’Inde a progressé depuis les réformes agraires antérieures. Le pays a remporté des victoires à l’OMC pour pouvoir financer avec de l’argent public des stocks de sécurité alimentaire. Depuis un quart de siècle, le pays a atteint l'autosuffisance alimentaire. Aujourd’hui, les autorités peuvent partir à la conquête de nouveaux marchés internationaux et la situation actuelle va provoquer une recomposition des acteurs. 

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