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Recherche nouvelles têtes désespérément : quand les Français peinent à se résigner au quatuor Hollande-Sarkozy-Juppé-Le Pen pour 2017
©Reuters

Têtes d'affiche

Les scénarios imaginés pour les prochaines élections présidentielles ressemblent à s'y méprendre au deuxième volet de 2012... Une hypothèse qui ne réjouit pas les Français, et qui laisse donc un espace politique ouvert à la surprise.

Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : A en croire les observateurs et les sondages, la tête d'affiche des élections présidentielles de 2017 semblent déjà prête. Le premier tour se jouera entre François Hollande, Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, et Marine Le Pen. Ce scénario est-il vraiment satisfaisant aux yeux des Français ?

Xavier Chinaud : Il est insatisfaisant pour l’analyse autant que pour les Français. A 19 mois de l’échéance, affirmer un scénario figé est audacieux. Du retrait de Charles de Gaulle qui aboutira à l’élection anticipée de 1969, de la disparition de Georges Pompidou en 1974 qui ont bien sûr bousculé le calendrier électoral, mais plus encore la certitude de la réélection de  Valéry Giscard d’Estaing encore 1 an avant 1981, la non candidature de Jacques Delors en 1995, l’élimination de Lionel Jospin en 2002, Dominique Strass Kahn à la dernière échéance présidentielle… Les intentions de vote mesurées par les enquêtes à 2 ans d’un scrutin nous en disent beaucoup sur le rapport de force entre les formations politiques ou les blocs mais se révèlent souvent plus imprécises sur la dimension particulière, car personnelle, de l’élection présidentielle. Ainsi, à l’automne 1994, Jacques Chirac accusait près de 15 points de retard sur Edouard Balladur, et François Bayrou plafonnait à 7% des intentions de vote à l’été 2006. En 2011, au moment de la primaire socialiste, le candidat PS se situait à plus de 30% alors qu’aucune trace d’une possible dynamique Mélenchon n’apparaissait (6% des intentions de vote). 

>>> Lire aussi - Jacques Attali : "Un président élu a tout pouvoir dans les trois premiers mois, après il n'en a plus aucun"

Le match annoncé et entretenu par 3 personnalités évoquées dans votre question est loin d’être une certitude. Si François Hollande souhaite tant que Nicolas Sarkozy soit son adversaire en 2017 et si ce dernier espère tant prendre sa revanche sur le premier, chacun utilisant le FN comme le repoussoir justifiant sa propre ambition, il n’en reste pas moins que cette perspective n’emporte pas l’enthousiasme dans l’électorat.

Pour les Français un match annoncé n’est jamais positif tant le rejet est fort et croissant du "jeu" politique, les 3/4 ont une mauvaise opinion des partis, L’idée d’une "Union Nationale" apparaît de plus en plus populaire : plus de 80% des Français jugent qu’il faudrait que les responsables de camps opposés parviennent à s’entendre pour trouver des solutions aux problèmes du pays.

A droite, à ce jour la primaire se jouerait entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, lorsque l’on regarde études et commentaires il semble qu’Alain Juppé soit clairement le candidat "souhaité", mais lorsque l’on demande qui "croyez vous" va remporter la primaire, c’est Nicolas Sarkozy qui apparait le plus souvent… Ces primaires, si elles ont effectivement lieu, sont prévues pour dans 13 mois, bien des lignes peuvent évoluer entre ces 2 personnalités et les candidatures de François Fillon, Bruno le Maire et Xavier Bertrand.

Au centre François Bayrou représente toujours un potentiel électoral de 10%. A gauche, si François Hollande dispose de fait du calendrier, il ne se prononcera sur sa candidature qu’en dernier, après l’émiettement des formations de gauche, après les régionales, après la primaire à droite, après le retournement ou non des chiffres du chômage…

Les lignes tracées aujourd’hui sont susceptibles d’évoluer dans les 15 mois qui viennent, le contexte international et les Français aussi.

Christophe De Voogd : A ce jour, à ma connaissance c'est seulement l'idée d'un nouveau duel Hollande/Sarkozy qui est rejeté massivement (à 70%) par les Français. D'autre cas de figure en termes de voeux devraient être testés. Il est sûr par exemple qu'un face à face Valls/ le Maire serait davantage apprécié à en juger par les préférences exprimées au sein de leur camp. De toutes façons l'élection présidentielle rime toujours avec surprise et, soit éviction d'un favori, soit émergence d'un outsider seront au rendez-vous comme en 2002, 2007 ou 2012 : de plus, la primaire à droite accentue le facteur d'incertitude sur l'offre finale. Je pense en tout cas que le souhait d'une renouvellement de génération, très fort dans l'opinion, finira par se traduire au moins partiellement. De toutes façons, je reste persuadé qu'un second tour avec Marine Le Pen présente mobilisera l'électorat, même si une offre décevante de premier tour peut renforcer l'abstention.

Quel diagnostic peut-on faire de la défiance des Français envers les politiques ? Comment analysez-vous ce que l'on nomme usuellement la "crise du politique" ?

Jérôme Fourquet : On observe qu'il existe effectivement a un épuisement du discours politique pour les Français. Ces derniers estiment que ces discours peinent à se renouveler, ou, et c'est peut-être plus grave, à apporter une grille de lecture cohérente avec ce qu'is vivent concrètement. Beaucoup de Français estiment aujourd'hui que les propositions, les réformes, les solutions qui leur sont faites sont décalés, voire en contradiction de leur réalité. C'est ce qui explique le relatif succès de personnalités médiatiques et intellectuelles telles que Nicolas Hulot, ou encore Eric Zemmour, testées dans le sondage Ifop que nous avons réalisé pour Atlantico. D'une part, leur discours est sans tabou et détonne par rapport à la langue de bois, le politiquement correct, ou technocratique. Mais aussi car un certain nombre d'entre-eux décrivent une société française -et les menaces auxquelles elle est confrontée- qui paraît plus en phase comparé à ce que proposent les professionnels politiques. Tout cela participe au fait que l'ensemble du spectre politique soit non seulement démonétisé, mais aussi décrié.

Cette crise de la représentation traditionnelle, que l'on nomme "crise du politique", est une toile de fond qui se renforce de jour en jour.

Christophe De Voogd : Cette crise est multiforme et bien analysée par des penseurs comme Pierre Rosenvallon ou Marcel Gauchet. Je renvoie à leurs idées. Je mettrai en avant ici la crise de la parole politique, c'est à dire une crise rhétorique. Des décennies de com' ont négligé les leçons les mieux établies du discours politique : parler pour dire quelque chose, faire un constat indiscutable, avoir un message clair, utiliser des registres variés, une riche argumentation, chercher la proximité avec l'auditoire par le sens de l'image et de la formule, non pas en soi mais au service de l'idée etc... Les petites phrases ont tué les grandes idées

Le récent documentaire sur la communication de l'Elysée représente l'aboutissement de cette dérive : vous constaterez que l'accord est total sur le caractère raté, voire contre-productif de l'exercice (en quoi le film lui-même est une réussite parfaite!). La bonne communication c'est comme la bonne cuisine ou le grand art : elle ne doit pas se voir ! L'on a atteint un point-limite qui à mon sens donnera une prime nette au meilleur orateur en 2017. Pour le moment, c'est Marine Le Pen : les autres candidats sont prévenus !

Xavier Chinaud :Inefficience et Inertie, calculs primant sur le courage et absence de pédagogie. Les français vivent et constatent que cela ne va pas, sans savoir pour beaucoup d’entre eux ce pourquoi même on leur demande de voter.

Il y a deux manières d’aborder la présidentielles de 2017, soit en attendre le lendemain pour changer ou espérer changer, soit rendre utile les 19 mois qui nous en séparent dans tous les camps, à votre avis ?

Le livre de Geoffroy Le Jeune exploite l'hypothèse d'une élection en 2017 d'Eric Zemmour, hypothèse plutôt nuancée par le sondage Ifop pour Atlantico sur le potentiel électoral de plusieurs intellectuels. Pour autant, pourrait-il exister une possibilité, un espace politique pour qu'un candidat surprise émerge ?

>>> Lire aussi - En quête d’un troisième homme pour 2017 : Nicolas Hulot et Jacques Attali devancent largement Eric Zemmour

Xavier Chinaud : Depuis l’instauration du suffrage universel pour l’élection présidentielle nous avons eu à plusieurs élections des candidats issus "de la société civile". Marcel Barbu en 1965,  Louis Ducatel en 1969, la pré-candidature de Coluche en 1981 et d’autres depuis qui ne réussirent même pas à remplir les conditions de parrainage exigées pour effectivement se présenter… Sans grands succès. D’autres élections nationales ont permis à d’autres personnalités "non-politiques" de tenter telles que Francine Gomez aux européennes de 1984 ou Pierre Larrouturou à celles de 1999… Sans plus de succès.

La notion de candidat surprise, dès 1965 avec le "Monsieur X" imaginé par l’Express avec Gaston Defferre dans le rôle, n’a pas réussie. Pour 2017, on peut bien sûr virtuellement imaginer que face au rejet grandissant des politiques, au tréfond de la crise de la représentation démocratique pourrait s’ouvrir un espace nouveau, mais concrètement, les expériences de nominations successives de personnalités "non-politiques" au gouvernement, menées depuis 30 ans par les présidents successifs devraient inciter à beaucoup d’humilité dans ce scénario ambitieux, Emmanuel Macron n’est pas le premier ministre de Bercy issu de la société civile, F. Mer ou T. Breton pour ne citer qu’eux l’ont précédé dans la fonction.

Le magistère de la parole est grandement aujourd’hui antinomique avec l’ambition politique et n’en déplaise à l’idéal, l’exercice de la responsabilité politique requiert une expérience et une connaissance de l’Etat. Les personnalités testées dans ce sondage ont pour certaines des convictions,  peut être même pour moins encore des propositions, mais je note que celle qui domine nettement les autres, n’est pas étrangère au débat politique depuis 10 ans.

La gauche de la gauche espérait "récupérer" les déçus du holandisme. Pourtant, ces derniers renforcent surtout les rangs des abstentionnistes. Marine Le Pen, elle, semble avoir atteint un plafond de verre, et peinerait fortement à remporter un second tour des élections présidentielles.  Que pensez-vous du potentiel d'hommes issus de la société civile, ou encore totalement externes à la politique pour le moment ? A quelles difficultés (médiatique, structurelle) se trouveraient-ils confrontés ?

Christophe De Voogd : Je suis d'accord avec vous sur la gauche de la gauche, qui a encore moins de perspective depuis les aléas de Syriza en Grèce.  Beaucoup moins sur Marine Le Pen: son potentiel électoral y compris de 2e tour n'est pas fixé d'avance et dépendra largement du niveau de chômage, de la crise des migrants et surtout de la situation sur le "front djihadiste". Je persiste à penser que sa victoire est très improbable; je ne dirai plus aujourd'hui qu'elle est en tout à fait impossible. Surtout en cas de guerre fratricide à droite.

Quant aux nouveaux venus, nous ne sommes pas en Amérique et je ne crois pas dans un scénario à la Trump (qui n'est d'ailleurs pas encore couronné de succès). D'abord pour des raisons pratiques : n'oublions pas que "l'entrée sur le marché présidentiel" est conditionnée par le recueil de 500 signatures d'élus : Jean-marie Le Pen avait échoué sur ce seuil en 1981; d'autre part les dépenses électorales sont plafonnées : deux facteurs qui empêchent l'aventure individuelle d'un Trump à la française. Reste "l'hypothèse Coluche" mais elle a montré justement comment le système sait expulser l'intrus. De plus depuis cette époque les signatures sont rendues publiques rendant le "choix non-conforme" d'un élu signataire quasi-impossible. Même si nous aurons d'ici 2017 plusieurs nouveaux visages pour alimenter le feu médiatique, votre sondage ne montre pas vraiment d'appétence pour un candidat de la société civile. Ce sondage reflète avant tout des niveaux de notoriété, non pas un désir électoral. Je pense que c'est davantage dans le positionnement et non dans l'origine des candidats que l'opinion aspire à un profond renouvellement : notamment une approche transpartisane des sujets qui font désormais consensus (école, entreprise, sécurité, fonction publique) et des choix courageux sur ceux qui ne le font pas (Europe, emploi, fiscalité, immigration, institutions etc...)  

Xavier Chinaud :Le plafond de verre pour M. le Pen est une notion bien théorique à la veille de l’élection régionale… mais nous en reparlerons après décembre.

Si la politique a besoin de renouvellement, si les partis politiques ont besoin de se refondre, si l’élection de 2017 conduira immanquablement à une recomposition du paysage, nos institutions et notre histoire ne favorise pas hors contexte de guerrele potentiel des personnes externes à la politique.

Ouvrir la politique vers le monde réel relèvera d’avantage des institutions et de leur pratique que de la substitution systématique des sortants par des acteurs dit de la "société civile". 

Il est un fait que la classe politique et que l’administration se sont appauvries, que l’insatisfaction des citoyens est donc aller croissante, changer les règles, favoriser l’accession à la responsabilité collective de talents, multiplier la participation des citoyens à la décision, renouveller le pacte qui lie leurs représentants aux citoyens qui les ont élus  est nécessaire et sera plus productif que la promotion de telle ou telle personnalité dont la qualité première est souvent d’avoir une notoriété, un accès aux médias et un sens certain de la communication.

Dans le passé des hommes externes à la politique ont su apporter leurs compétences en acceptant de s’engager dans la responsabilité publique, passagèrement ou définitivement, André Giraud à l’industrie sous V. Giscard d’Estaing en est un grand exemple; ou Philippe Vasseur sous J. Chirac d’abord journaliste et depuis grand acteur économique et je pourrais citer, inspiré par les profils de ce sondage, jusqu’à l’évocation du banquier Georges Pompidou,  de l'économiste Raymond Barre, de l’écrivain philosophe André Malraux…

Depuis une dizaine d’années, la mécanique s’est inversée, privilégiant le "vu à la télé" ou transformant la composition d’une partie du gouvernement en un casting de télé-réalité.

Le système représentatif est aujourd’hui figé, par l’infernal couple politique-médiatique, s’interroger sur le potentiel électoral de tel ou tel personnalité « civile » traduit une envie d’autre chose, mais c’est  aussi s’illusionner que de croire en l’homme providentiel.

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