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Quelle ligne Emmanuel Macron veut-il incarner pour les législatives et pour ces cinq prochaines années ?
Quelle ligne Emmanuel Macron veut-il incarner pour les législatives et pour ces cinq prochaines années ?
©Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP

Perdu président de la République. Récompense promise

Le président de la République est-il dans la maîtrise tactique des horloges ou plus prosaïquement désemparé et à la recherche d’une boussole politique pour son deuxième quinquennat ?

Gérard Davet

Gérard Davet

Gérard Davet est grand reporter au Monde. Gérard Davet est professeur associé de journalisme d'enquête au Centre de formation des journalistes (CFJ) et à l'Institut pratique de journalisme (IPJ) -Paris Dauphine.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont notamment publié Un président ne devrait pas dire ça (2016), Sarko m’a tuer (2011), L’homme qui voulut être roi (2013) aux éditions Stock. Leur dernier ouvrage Le traître et le néant Macron : l’enquête a été publié aux éditions Fayard / Pluriel (2021).

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Atlantico : La députée européenne Malin Björk demandait ironiquement au Parlement européen : « Est-ce-que quelqu'un a vu la présidence française de l'Union européenne ?». Faisant remarquer qu’ils n’étaient pas là. De fait, le président semble aux abonnés absents.  On le dit très occupé avec les législatives et la formation de son gouvernement, il regarderait même circonscription par circonscription les candidats, que cherche le président ?

Gérard Davet : Il faut avoir en mémoire les législatives de 2017, lors desquelles Emmanuel Macron s’est conduit exactement de la même façon. C’est lui qui a choisi, circonscription par circonscription, les députés de sa future majorité présidentielle. C’est donc évidemment lui qui choisit, de A à Z, les différents élus qui seront amenés à composer sa future majorité, s’il en a une. C’est ce qui l’occupe aujourd’hui. Et ce serait se tromper sur le personnage que de penser qu’il a actuellement en tête l’Ukraine ou la présidence française de l’Union européenne. Pour cela, il a des gens qui effectuent le travail plutôt correctement, Clément Beaune et d’autres. Son travail actuel est de s’assurer cinq années de relative tranquillité politique sur le plan national. Et cela occupe toutes ses journées.

Comment expliquer qu’il ait pu argumenter que la guerre en Ukraine ne lui a pas laissé le temps de faire campagne mais qu’elle lui laisse le temps de regarder la carte des investitures circonscription par circonscription ? N’est-ce pas paradoxal ?

Tout dépend de là où on place le curseur lorsque l’on parle d’Emmanuel Macron. Est-ce que l’on croit sur parole ce que dit son entourage ou faut-il effectuer un travail d’enquête et de compréhension lucide du personnage et de sa façon de procéder ? En vérité, il s’est évidemment servi de l’Ukraine pour sa campagne présidentielle et expliquer qu’il n’avait pas le temps de faire campagne car il était occupé par d’autres enjeux. C’était, en soi, vrai mais c’était aussi une posture politique. Aujourd’hui, c’est pareil, il travaille sur les législatives car c’est ce qui lui permettra de poursuivre ses réformes et son travail de déstructuration de la vie politique mais cela ne l’empêche pas – car il est suprêmement habile – de gérer à distance la crise ukrainienne et les intérêts français à l’étranger. Mais Emmanuel Macron est un être purement et absolument politique, un tacticien qui ne raisonne qu’en fonction de ses propres intérêts politiques. 

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La même journée nous avons appris qu’Emmanuel Macron avait consulté Nicolas Sarkozy et qu’il aurait proposé Matignon à la socialiste Valérie Rabault. Sait-il quelle ligne il veut incarner, pour les législatives et ces cinq prochaines années ?

Concernant le Premier ministre, je pense que personne ne sait rien de ce qu’il se passe. Les noms sont sortis car les entourages en parlent à des conseillers qui eux-mêmes parlent à des journalistes, mais il n’y a pas d’information vérifiée et sourcée. C’est, là encore, Emmanuel Macron qui est à la manœuvre et qui choisira la personne la plus à même d’attirer quelques électeurs dont il aurait besoin pour  calmer le pays, tout en ne présentant pas une opposition trop frontale avec lui. Il essaie donc de résoudre cette équation. Je pense qu’il sait déjà quels sont ses plans A, B, … Z. Tout cela est décidé en très petits comités, ils sont peu nombreux à être dans la confidence. 

Jeudi, ils ont déclaré que les différents partis qui composent sa majorité allaient former une fédération. Tout cela est aussi géré par Emmanuel Macron à distance. Il cherche à s’assurer de gouverner en toute tranquillité. Et il observe d’un œil gourmand ce qui se passe au PS, puisque c’est la fin du travail de destruction méthodique des différents partis qu'il a mené. Le PS, en s’alliant avec LFI, va faire venir à lui mécaniquement des élus et électeurs qui ne seraient pas venus sinon. Je ne pense pas qu’il aura une majorité absolue comme en 2017, mais il aura a priori de quoi gouverner assez sereinement. L’opposition même forte n'aura que peu de moyens. Le régime sera présidentiel et vertical comme il l’a toujours été avec Macron. 

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Gabriel Attal a annoncé que le gouvernement Castex resterait finalement en poste jusqu’au terme officiel du quinquennat. Emmanuel Macron est-il en train de se montrer maître des horloges ou est-ce le signe d’une hésitation sur la marche à suivre ?

Il se heurte à quelques difficultés. Il doit contenter beaucoup plus de gens qu’en 2017. Ceux qui comme Estrosi ont débarqué au dernier moment, les gens de gauche comme Rebsamen et autres qui vont se précipiter vers lui, etc. Il y a beaucoup plus de gens à récompenser mais il a aussi déclaré qu’il allait réduire le nombre de ministres. L’équation est donc assez compliquée à gérer. Il a un autre problème, qui est aussi une qualité : c’est un affectif avec ses très proches. Il a du mal à remercier ceux qui l'accompagnent depuis cinq ans. Il y a aussi un autre élément, c’est le travail de la haute autorité de transparence de la vie publique. Elle inspecte chacun des candidats présélectionnés et cela prend du temps. Par ailleurs, il a été relativement mal élu, le pays est fracturé et il y a de fortes attentes, donc il ne peut pas faire d’erreur de casting. Cela rend l’équation très difficile, mais c’est un orfèvre, il saura faire. 

On a beaucoup entendu parler des conflits entre Emmanuel Macron et Edouard Philippe, y compris des mots très durs du président qui ont fuité. Est-ce aussi une partie de sa stratégie ?

Sa relation avec Edouard Philippe est très simple. Il y a une rivalité entre les deux hommes. Même s’ils ne disent chacun pas grand-chose de leur relation avec l’autre. Ce que nous avons pu établir avec Fabrice Lhomme quand nous avons enquêté longuement sur le sujet, c’est que ce sont deux êtres qui se respectent mais ne sont pas du tout dans la même trajectoire. L’un veut entrer dans l’histoire et y laisser une trace, l’autre a toute son histoire à créer. L’un est un technocrate pur et dur de la vraie droite juppéiste, l’autre est fondamentalement énarque, libre et pas du tout technocrate dans l’âme. L’un est un gestionnaire, l’autre un financier. Ils ont tenu deux ans et demi ensemble, mais cela tient du miracle. Edouard Philippe a obtenu une soixantaine de circonscriptions pour les législatives. Il ne faut pas se leurrer, il ne fait que préparer la suite et son avènement pour 2027. C’est une relation faite de respect et de méfiance, très fermée. 

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Dans Le Point, Gérard Collomb a déclaré « Macron, c'est un inventeur, un lanceur d'idées, quelqu'un qui a de la culture, mais qui peut parfois trop se focaliser sur le détail. Il peut être dans une pensée cosmique ou être totalement absorbé par les microsujets, mais il peut pécher au niveau intermédiaire, celui de l'organisation ». Est-ce que c’est effectivement ce que vous avez observé lors de votre enquête sur Emmanuel Macron ?

Oui, même si je n’ai fait qu’effleurer sa personnalité en passant par des intermédiaires et que je ne l’ai pas rencontré. Ce qui est certain, c’est qu’il n’a de conviction sur rien, sinon sur sa propre destinée, sa propre brillance et prestance intellectuelle. Les événements lui donnent souvent raison. Il réussit à tordre les évènements : il a été réélu et a fait ce qu’il fallait pour. Mais il n’a pas de valeur idéologique tracée, il peut dire blanc puis noir si c’est utile pour lui et éventuellement pour le pays. C’est ce qui décontenance Gérard Collomb qui avait décelé chez Emmanuel Macron une sorte d’hubris – chose dont personne ne doute -. Il a été brisé et dépassé par cette personnalité qui arrive à la fois à mettre le nez dans les tableaux Excel des législatives et dans le même temps à envisager une relation différente avec l’Afrique. Pour beaucoup de gens, Emmanuel Macron n’est pas cernable. Personne ne sait jamais véritablement ce qu’il pense, ce qui pousse les journalistes à faire de l’interprétation.

Vous dites qu’il n’a pas de convictions arrêtées, mais a-t-il néanmoins une boussole idéologique ?

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Dans la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a été interrogé par Thomas Legrand sur France Inter. Ce dernier lui a demandé ce qu’était le Macronisme. Emmanuel Macron lui a répondu : « Je crois dans l’économie sociale de marché ». Cela ne veut strictement rien dire. En creux, il répond qu’il n’y pas de macronisme. Il y a Emmanuel Macron, sa façon d’être et de fonctionner. Peut-être laissera-t-il une trace parce qu’il a été élu à moins de 40 ans, a su se faire réélire et trianguler les outils de la Ve République, mais cela s’arrêtera là. Dès juin ou juillet, il va se heurter à son propre programme : la retraite à 65 ans qui clive le pays et qu’il sera sans doute obligé d’imposer. 

Emmanuel Macron a-t-il encore le souffle qu’on lui a prêté en 2017 ?

On l’a vu dans la dernière séquence de la campagne et lors de son investiture, il n’y avait pas de souffle. Aucun élan, aucune passion. Il entraîne avec lui une armée de zélotes éblouis mais ce n’est pas suffisant pour déclencher un élan. En 2017, il y avait quelque chose. Aujourd’hui, les Français savent ce qui les attend, ce qui explique cet entre-deux tiède et craintif. C’est sans doute quelque chose qui va poser un problème assez rapidement. Imaginons un gouvernement qui réunirait Barbara Pompili et Christian Estrosi. Rien ne rapproche ces deux-là. Pour autant ce n’est pas une coalition comme en Allemagne, il n’y a pas d’accord sur un programme commun puisque c’est celui d’Emmanuel Macron. Ce n’est qu’une addition d'opportunistes. Et ça ne peut pas créer un souffle.

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En a-t-il conscience ?

Je ne suis pas dans sa tête, mais je pense qu’il est très lucide sur lui-même et un peu moins sur la situation du pays. Néanmoins, il a toujours su jouer des circonstances. C’est à la fois Culbuto, qui se relève constamment quand il y a un problème, et un maître joueur d’échecs. C’est un ovni politique. Il a passé son temps à critiquer les partis et il fait actuellement naître plusieurs boutiques politiques.

Propos recueillis par Guilhem Dedoyard

Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont publié « Le traître et le néant. Macron : l'enquête » (120.000 ventes) aux éditions Fayard / Pluriel

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

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