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Rebond du moral des industriels : les explications
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Selon un rapport de l'Insee, le moral des industriel français a connu un regain au mois de mai. L'indicateur a augmenté de 4 points, passant de 88 en avril à 92 en mai. Et ce, alors même que la France est en récession.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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La situation française présente un paradoxe. Alors que quatre grands paramètres sont hélas négativement connus et observés, on relève une légère hausse du moral des industriels en mai 2013.

Quatre facteurs ne peuvent inciter à l'optimisme :

- La consommation des ménages va être en berne du fait de la baisse ( de près de 1% ) du pouvoir d'achat et des futures incidences des hausses d'impôts à venir ( TVA en 2014 ). Le Président Hollande a été affirmatif quant à une stabilité des prélèvements sur les entreprises en 2014. Concernant les ménages, il est resté évasif lors de sa récente conférence de presse.

- Les partenaires européens de la France sont en récession ou en croissance tellement faibles que nous ne serons pas en mesure de tirer profit d'un éventuel rebond de nos exportations. C'est ainsi que les carnets de commande étrangers se sont détériorés ( de 26 en avril à 29 en mai ).

- L'investissement des entreprises demeure très limité et comme une récente étude de la COFACE l'a montré, les défaillances d'entreprises se multiplient et concernent des entreprises de taille unitaire plus importante que précédemment.

- L'UNEDIC vient, par ailleurs, de confirmer plusieurs études économiques parfaitement crédibles qui indiquent, de manière convergente, que le chômage va augmenter en 2013 mais aussi en 2014 de près de 190.000 personnes. Ceci est cohérent avec un fait hélas incontournable et socialement préjudiciable : en-dessous de 1,6 à 2% de croissance annuelle, la France détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée. Autrement dit, 2014 et sa prévision sujette à caution de 1,2% de croissance ne nous préservera pas de plans sociaux et du chômage venu des sous-traitants par un ricochet évident.

En synthèse, nous sommes donc dans un pays où les moteurs de la croissance ( investissements, consommation, commerce extérieur ) sont à l'arrêt et ou le coût social de la crise ne cesse d'augmenter. Il faut en effet savoir que si près 25 à 30.000 chômeurs sont enregistrés en augmentation mensuelle, on dénombre près de 85.000 sorties mensuelles de tout système d'indemnisation. Ce qui reporte cette charge sur l'Etat et les collectivités locales notamment via l'explosion du nombre d'allocataires du RSA.

Face à ce constat sombre mais lucide, comment expliquer le léger rebond du moral des industriels ?

Premier motif, les responsables de l'industrie manufacturière estiment que leur activité passée est nettement mieux orientée et que leurs perspectives générales de production sont désormais un peu moins dégradées que dans les deux derniers mois précédents.

Deuxième motif, il y a un décalage entre les carnets de commandes globaux de plusieurs secteurs importants ( automobile, pharmacie, industries agro-alimentaires, etc ) qui sont inscrits et perçus comme stagnants ou en recul et les perspectives d'ensemble de l'économie notamment grâce au secteur des autres matériels de transport. Ainsi, le marasme semble continuer mais Airbus et quelques autres leaders viennent sauver le tableau général. Dès lors, les carnets de commande globaux présentent une amélioration : de 40 en avril à 33 en mai.

Troisième motif, l'enquête porte sur l'appréciation du climat des affaires. Or chacun aura pris soin de noter une inflexion – au moins dans le discours – de l'Exécutif face au monde de l'entreprise. On crie moins " haro sur le baudet " ou sur les rémunérations des mandataires sociaux : le ministre Moscovici vient d'ailleurs de s'engager à ne pas les plafonner par la loi en attendant une autorégulation professionnelle à bâtir après l'été avec le nouveau responsable du Medef. De même une sorte de " calinothérapie " a eu lieu de la part du Président de la République lors de sa présence et de ses propos aux Assises de l'entreprenariat tenues le 29 avril dernier. Ces paramètres ont nécessairement joué favorablement sur le moral des industriels ainsi que deux autres paramètres très attendus du monde productif. D'une part, la mise en œuvre de la bourse dédiée aux PME et aux ETI. D'autre part, une orientation ( à définir ) d'une partie des fonds de l'assurance-vie vers le financement des PME en complément de la création du PEA ( Plan d'épargne en actions ) ouverts aux titres de capital des PME.

Quatrième motif, les responsables de terrain – notamment les experts-comptables – sont encore divisés sur l'impact exact du CICE ( Crédit d'impôt compétitivité emploi ) qui demeure d'un maniement délicat. De même, l'attentisme prédomine quant au choc de simplification annoncé par François Hollande lors de son interview du 28 mars dernier. Cela étant, ce sont deux éléments qui peuvent contribuer à faire osciller le moral des industriels. Osciller mais pas bouleverser car comme l'indique le graphique, l'indicateur synthétique du climat des affaires dans l'industrie n'a progressé que de 4 points à 92 en mai contre 88 en avril. Il faut raison garder et comparer ce chiffre avec les niveaux de 2011 ( en moyenne autour de 110 ) ou même de 2012 ( en moyenne autour de 96 ).

Pour conclure, nous pourrions rappeler qu'une hirondelle ne fait pas le printemps et qu'en même temps, il vaut mieux une amélioration qu'une dégradation. Evidemment.

Toutefois, pour être précis et dépasser ce lieu commun, trois observations s'imposent. Les chiffres du chômage sont tangibles et hélas clairement numériques. Ici nous sommes en face de chiffres de perception voire d'humeur ce qui n'a pas, en économie, la même valeur.

Deuxième observation, les plans sociaux annoncés au mois de mai ont concerné plusieurs banques et il se murmure, dans les milieux dits autorisés, que le tertiaire va lui aussi être affecté par un mouvement récessif d'emplois. Ceci ne peut ressortir d'un échantillon manufacturier qui ne représente pas 30% de l'emploi de notre pays ( emplois induits inclus ).

Troisième information, toutes les études démontrent la crainte des industriels sur leur trésorerie du fait de l'élévation du risque d'impayés et du fait de l'importance du crédit inter-entreprises qui représente la somme impressionnante de 500 milliards d'euros au sein desquels un tiers voit des entreprises ne pas respecter les obligations de délais de paiement posés par la loi LME.

Le moral des industriels frémit : tant mieux. Puisse leur trésorerie ne pas les faire frémir du fait de l'effet-domino des défaillances d'entreprises que plusieurs économistes et instituts de conjoncture envisagent avec gravité.

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