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Razzias sur les supermarchés : quand le pillage en bande explose
©Reuters

Le faire parce qu'on le peut

Ce lundi 10 octobre dernier, un Leader Price du Val-d'Oise a été victime d'une véritable razzia : une quarantaine de jeunes, probablement lycéens, ont pillé les rayons alimentaires du supermarché. Cet événement est la résultante d'une impunité réelle qui pousse les petits délinquants a l'action.

Philippe Vénère

Philippe Vénère

Philippe Vénère a été policier pendant 40 ans. Ce grand spécialiste français du doit des automobilistes a été notamment commissaire divisionnaire et officier du ministère public du tribunal de police de Paris de 1992 à 1996. Il a également enseigné à Paris 8 où il a effectué plusieurs travaux de recherche sur la délinquance des mineurs.

Il a publié Manuel de résistance contre l'impôt policier (J'ai lu / mars 2011) et Les flics sont-ils devenus incompétents ? (Max Milo / septembre 2011)

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Atlantico : Le point, Le Parisien/Aujourd'hui en France… plusieurs titres de presse ont pu revenir, au cours de ces derniers jours, sur les razzias qui ont eu lieu dans différents supermarchés comme ce fut le cas ce lundi 10 octobre, dans un Leader Price du Val d'Oise. Que se passe-t-il précisément dans ces supérettes ? Comment décrire ce phénomène ? Ce phénomène de "vols en bande" sont ils une nouveauté sur le terrain ? 

Philippe Vénère : Il n’est pas nouveau, mais il se produit généralement à l’occasion de troubles importants sur la voie publique où des groupes d’énergumènes se servent sans scrupules parce que la police ne pourra pas les interpeller. Toutefois, on s’aperçoit que ce type de vol en masse a tendance à se dissocier de ces mouvements de désordre public, parce qu’il est aisé de se servir, de s’opposer au personnel avec une violence relative mais néanmoins intimidante.

Ce phénomène s’explique par le fait que les cibles présentent une faiblesse certaine et que toute valeur morale a disparu chez ces jeunes. Les seuls repères qu’ils ont sont basés sur un rapport de force, dont ils sont eux-mêmes les générateurs et que la société ne régit pas. Il en découle un sentiment d’impunité total, dans le droit fil de ce qui se produit aujourd’hui au regard de la délinquance de rue des mineurs qui ne sont quasiment pas exposés à une quelconque sanction. Ce sentiment d’impunité est la conséquence d’un laxisme certain des institutions dont les autorités ont fait preuve ces dernières décennies. Les milieux judiciaires n’ont pas pris conscience de la dimension que cette attitude pourrait générer dans le temps. Nous en avons le résultat aujourd’hui. Il faut vraiment que le délit soit d’importance pour qu’une réelle sanction soit prononcée. Quand on place le vol à l’étalage en comparaison d’un vol avec violence qui lui-même est peu réprimé, il ne faut pas s’étonner que nombre de jeunes estiment qu’ils n’encourent aucune répression et ils en profitent. À plus forte raison lorsque ces vols sont commis en bande.

Ces vols de masse donnent rarement lieu à des plaintes ou des poursuites judiciaires. Comment l'expliquer ? Quel rôle peut jouer le sentiment d'impunité qui touche ces délinquants dans le vol qu'ils commettent ? Comment expliquer que les actions nécessaires pour stopper ces vols ne soient pas mises en oeuvre, tant dans le magasin qu'après les faits ?

Les exploitants de magasins ne déposent généralement pas plainte parce qu’elles ne sont pratiquement jamais suivies d’effets et que d’autre part, dans les zones sensibles, il y a tout lieu de craindre des représailles à l’encontre du personnel du magasin. Pour des voleurs isolés, on préfère soit reprendre la marchandise dérobée, soit la faire payer lorsque c’est possible. C’est pourquoi les auteurs de ces faits n’associent plus ce type de vol à délit passible de trois ans de prison, tout de même.

Il s’ensuit un vrai sentiment d’impunité qui devient même incitatif à poursuivre ces actions sans crainte de la sanction. On dit toujours qu’un texte répressif qui ne prévoit pas de sanction est un texte inopérant. C’est le cas pour ces vols menés en groupe, car il n’y aura jamais de sanction.

Il y a bien des moyens techniques et humains qui pourraient être mis en œuvre, mais il y a toujours le facteur économique qui entre en jeu. Les dépenses en personnel et en matériel de sécurité sont d’un coût très important et deviennent excessifs pour l’importance relative de ces commerces de proximité. Aujourd’hui, par nécessité, on économise sur tous les postes de travail. Or un agent de sécurité coûte bien plus au magasin qu’un de ses employés. D’autre part, pour faire face à un phénomène de masse, deux ou trois agents ne seraient d’aucune utilité. Ces jeunes délinquants, lycéens ou non choisissent ces types de commerce précisément du fait que l’on ne peut les protéger efficacement et qu’en cas d’éventuel affrontement ils auraient le dessus.

Quels sont les risques, à moyen long terme, d'une absence de réponse, aussi bien de la part des victimes (les supérettes et leurs vigiles) que de l'Etat ?

Les services de police ne peuvent intervenir qu’avec beaucoup de précautions, car les pouvoirs publics ne veulent avoir en aucun d’un affrontement avec cette population. Si des paroles de fermeté sont prononcées par nos gouvernants, il ne faut pas se voiler la face : ce ne sont que des effets d’annonce, qui ne sont suivis d’aucune mesure. On ne pardonnerait pas à des policiers ou des gendarmes d’avoir malmené des voleurs de bonbons ou de sandwiches. Les autorités judiciaires, suivent également ce que le garde des sceaux recommande et on ne poursuit pas de telles infractions. Tout au plus y a-t-il un rappel à la loi, c’est-à-dire, rien. Nos institutions ont une grande responsabilité dans la dégradation de ces valeurs sociales, précisément parce que la loi n’est pas appliquée.

Il n’en demeure pas moins que ce type de vols, mi-à l’étalage, mi-violence, présente une tendance à se développer de manière importante, précisément par l’absence de risques pris par leurs auteurs.

Je rappelle que près de 60 % des pertes enregistrées par les magasins sont dues aux vols de toute nature.

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