Raul Castro au Vatican : la diplomatie du Saint Siège de retour au premier plan avec le pape François<!-- --> | Atlantico.fr
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Raul Castro sera ce dimanche à Rome pour rencontrer le pape François.
Raul Castro sera ce dimanche à Rome pour rencontrer le pape François.
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Rencontre historique

Après l'Algérie et la Russie, Raul Castro fait escale à Rome, pour une rencontre historique avec le pape François. Cet entretien a valeur de remerciement, pour l'action déterminante menée par le Souverain pontife dans le rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis.

Christophe Dickès

Christophe Dickès

Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique étrangère et à la papauté (L’Héritage de Benoît XVI, Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde). Il est enfin le fondateur de la radio web Storiavoce consacrée uniquement à l’histoire et à son enseignement.

 

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Atlantico : le pape François reçoit Raul Castro ce dimanche 10 mai au Vatican. Quelle est la symbolique derrière cette visite ?

Christophe Dickès : Le symbole de la reconnaissance. En effet, si Raul Castro se rend au Vatican ce dimanche, c’est pour remercier le pape François d’être intervenu dans le rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis. Une intervention pontificale qui a été déterminante, saluée publiquement par le président Barack Obama. Originaire d’Amérique latine, le pape connaît parfaitement les acteurs, les litiges et les leviers d’action possible dans cette partie du monde. Son expérience en la matière est indéniable et a su porter ses fruits.

Ce type d’intervention dans l’histoire contemporaine de la papauté est-il nouveau ? Nullement. Au début du XXe siècle, le pape Pie X (1903-1914) a été considéré comme le « pape de l’Amérique latine » car son action diplomatique dans cette partie du monde fut majeure. On ne souvient aussi de l’appel à la paix de Jean XXIII (1958-1963) au moment de la crise des missiles de Cuba en 1962 ; ou bien même de l’intervention de Jean-Paul II dans le conflit maritime entre l’Argentine et le Chili en 1979. Une guerre a été évitée grâce au rôle d’arbitre et de médiateur qu’a joué le Saint-Siège entre les deux pays.

Un pape "fraternisant" avec un dirigeant communiste peut sembler incongru au regard de l’histoire. Ces relations entre la papauté et le régime de la Havane sont-elles nouvelles ?

Il faut d’abord dire que le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques avec tous les Etats qui le souhaitent. Cela ne signifie pas qu’il en valide les options idéologiques ou les orientations politiques... Ce n’est donc pas la première fois qu’un pape va serrer la main d’un représentant du régime communiste. Au mois de mars 1963, Jean XXIII a reçu le gendre du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, Alexis Adjoubeï.

Concernant la Havane, en 1996, la rencontre entre Castro et Jean-Paul II permet à l’Eglise de sortir d’un isolement imposé par les autorités cubaines depuis près de quarante ans. Puis, en 1998, le pape polonais se rend dans l’île. Son discours s’inscrit très intelligemment dans une voie médiane : ni pro castriste, ni pro-américaine. Il renvoie dos à dos les parties et lance un appel afin que Cuba s’ouvre au monde et que le monde s’ouvre à Cuba. De son côté, Fidel Castro a soufflé le chaud et le froid dans sa politique, ce qui a permis à l’Eglise, malgré tout, de profiter de périodes d’accalmies. Quand Jean-Paul II meurt en 2005, un deuil national est même décrété par l’Etat cubain ! Benoît XVI se rend lui dans l’île en 2012, alors que Fidel a laissé sa place à son frère Raul depuis quatre ans.

Le pape François fait montre d’une forte implication dans le domaine politique. Quelle est sa vision politique, voire géopolitique ? Celle-ci s’inscrit-elle dans la continuité de ses prédécesseurs, ou au contraire dans la rupture ?

Le pape est le premier représentant de la diplomatie du Saint-Siège. Bien plus que son prédécesseur Benoît XVI, il intervient ostensiblement afin de faire évoluer les mentalités : on l’a vu à Jérusalem quand il est descendu de voiture afin de se recueillir au pied du mur qui sépare la Palestine de l’Etat israélien ; on le voit aussi dans sa volonté de se réconcilier avec la Chine, un pays qu’il a salué à son retour des Philippines ; on peut aussi le voir enfin dans son voyage en Turquie et dans sa volonté de visiter un camp de réfugiés à son retour d'Asie… Une visite qu’il n’a pu faire pour des raisons de sécurité, mais qui exprime bien sa volonté de s’inscrire dans une politique volontariste, relayée largement par les médias.

Tous ces exemples donnent de lui une image bien différente de la frilosité de nombreux chefs d’Etat, tétanisés par les bouleversements géopolitiques et les nouveaux conflits. Ce volontarisme, qui existait d’ailleurs chez Jean-Paul II, complète le travail des nonces du Saint-Siège (c’est-à-dire des ambassadeurs) qui, dans l’ombre, font bouger les lignes avec plus ou moins de succès. Je parlerai ainsi davantage d’une méthode propre au pape François, plutôt que d’une vision qui, elle, s’inscrit dans la tradition pontificale de la défense de la dignité humaine, avec néanmoins une forte dimension sociale et même écologique.

Considérant son âge et les exemples d’actions politiques laissés par ses prédécesseurs, peut-on déjà présumer de l’importance du pontificat du pape François dans l’histoire des relations internationales ?

La réconciliation entre Cuba et les Etats-Unis est un fait qu’il s’agit, encore une fois, de porter au crédit de l’action diplomatique du pape François. Il s’agit d’un moment historique déterminant. Mais l’on sait aussi que le pape est attendu sur bien d’autres sujets : par exemple la réconciliation avec les autorités chinoises qui soufflent le chaud et le froid avec Rome. Mais aussi et surtout la question du conflit irakien et syrien. On en connaît toute la difficulté. Le pape François s’est distingué en rappelant qu’il existait des guerres justes et donc qu’une intervention dans cette partie du monde était nécessaire, à la condition qu’elle se fasse dans le cadre d’un mandat international. En deux années de pontificat, ce sont donc des dossiers majeurs qui contribuent à l’importance de ce pontificat.

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