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Rama Yade candidate à la présidentielle : quand le médium est le message
©Reuters

La France qui ose

Le jeudi 21 avril, Rama Yade a fait savoir sa volonté de briguer le poste de Président de la République. A l'occasion du 20h de TF1, l'ancienne secrétaire d'état a précisé qu'elle s'émancipait de la primaire de la droite et du centre, pour mieux rester dans l'esprit du Général de Gaulle.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Yoann Bazin

Yoann Bazin

Yoann Bazin est enseignant-chercheur à l'Institut supérieur des sciences, techniques et économie commerciales de Paris.

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Une de plus dans cette course folle à la présidentielle de 2017. Une de plus, oui mais qui dit quelque chose, ou du moins qui incarne autre chose. En tant que chercheurs travaillant sur les phénomènes d’intersectionnalité - décrits dès les années 80 par K. Crenshaw aux Etats-Unis - cette candidature nous interpelle.  Quel que soit son programme, quelles que soient ses idées, cette candidature est déjà un message à elle seule, à l’intersection de multiples catégories socio-politiques. Un peu comme une Ségolène Royal, représentant un parti majeur en 2007, représentation qui allait mettre une femme au second tour de l’élection présidentielle… Déjà, en étant qui elle est, en faisant ce qu’elle est en train de faire, dans la candidature de Rama Yade c’est plus que du politique qui s’annonce.

Bien sûr, ne réduisons pas R. Yade a des caractéristiques trop simplistes : femme, jeune, noire, née au Sénégal, naturalisée etc. Car c’est bien en étant à l’intersection de tous ces aspects qu’elle bouscule la photographie du paysage politique français éminemment masculin, un peu âgé et bien pâle ; un paysage wasp comme diraient les américains. "Yes she can !" pourrait être son slogan mais il serait bien sûr provocateur et par trop caricatural. Mais surtout un slogan de ce type serait une étrangeté dans cette France dont la philosophie politique a toujours été de se réclamer d’une République une et indivisible qui, de fait, aime à rendre invisibles les différences. 

Le Think Tank Different s’applique depuis sa création en 2012 à observer les hybridités, et nous trouvons là un "objet d’étude" "idéal typique" dans cette candidature. En effet, elle nous donne l’occasion de regarder comment la France joue avec ses diversités, et plus loin que cela avec ses hybridations. Car Rama Yade n’est pas issue de la diversité, elle est hybride. La réduire à l’une de ses facettes, c’est justement ne pas comprendre la complexité du monde contemporain, par essence multidimensionnel. Et en cela, cette candidature interpelle – au-delà des questions de programme – une France qui refuse souvent les identités plurielles.

Nombreux sont ceux qui tentent de nous peindre le monde de façon manichéenne, fait d’oppositions binaires et simplistes - français vs. étrangers, homme vs. femme, jeunes vs. vieux, pays développés vs. Tiers-Monde, homo vs hétéro - alors que l’hybridité et les processus d’hybridités se donnent à voir. Il serait alors temps de les regarder, les appréhender, c’est ici ce que nous tentons de faire, encore une fois, au-delà des questions politiques, mais en tant que "savant" regardant le "politique".

De la montée du FN aux mouvements d’une République autoritaire dans son injonction d’uniformisation, il semble que la France ne soit pas toujours à son aise avec un monde mouvant dont les hiérarchies sont bousculées, un monde à plat comme dirait Bruno Latour. Nous en voulons pour preuve les discriminations dont sont victimes beaucoup d’entre nous au quotidien, pour leur origine, leur genre ou leur orientation sexuelle, discriminations que nous avions évalué à un coût de 10 milliards d’euros par an ! (Martin, 2015)

Il est évident que Rama Yade ne va pas résoudre ces problèmes simplement par sa candidature ; pas plus que par sa présidence si jamais elle était élue d’ailleurs.  Mais sa présence dans le paysage politique, qu’on l’aime ou non, qu’on la pense légitime ou non, est à elle seule un phénomène sociologique loin d’être anodin. Il ne s’agit pas de la considérer politiquement au titre de ses origines ou de son genre, ce qui serait extrêmement réducteur. Il ne s’agit pas non plus pour nous de soutenir politiquement Rama Yade bien évidemment. Mais, si the medium is the message, alors elle est un message en elle-même. Comme une réponse d’une France ouverte, plurielle et républicaine qui donne la possibilité à "d’autres" de vouloir servir la France. 

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