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Raide dingue : faut-il s’inquiéter si sa fille est fan de One Direction ?
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Groupies

One Direction, groupe pop de cinq jeunes garçons, déplace des foules de jeunes filles à chaque concert. Ce phénomène de groupies qui n'est pas nouveau reflète en fait une recherche identitaire des jeunes.

Valérie  Gorin

Valérie Gorin

Valérie Gorin travaille au département de sociologie de Genève. Elle a travaillé dans le cadre du projet "l'information people, un oxymore ". Elle contribue de façon ponctuelle dans le cadre des cours de sociologie des récits et des sociologie de la célébrité.

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Atlantico : Le boys-band anglo-irlandais One Direction déchaîne les foules de jeunes filles. Comment expliquer ce phénomène ? 

Valérie Gorin : Parce qu'on y retrouve un mélange qui fonctionne entre mélodies pop, looks et chorégraphies ; le but est de promouvoir autant l'industrie musicale que de jouer sur le physique. Le groupe est largement marketé pour cibler les jeunes adolescentes particulièrement sensibles à l'aspect commercial et fortes consommatrices de tous les produits dérivés du groupe. Un boys-band, c'est surtout le merchandising qui l'accompagne (T-shirts, literie, papeterie, cosmétique, etc.) qui permet, pour les compagnies musicales, de surfer sur l'aura du groupe tout en renforçant l'attachement ainsi créé.

En développant des produits dérivés autour des stars, cela permet d'entretenir un univers fantasmatique sur les idoles (les porter sur soi, vivre un peu avec eux ou à travers eux). Les jeunes sont particulièrement sensibles à ces effets, d'autant plus quand les stars sont elles-mêmes des adolescents. On a alors un phénomène identitaire accentué entre projection et identification à la figure de la star. Avec l'idée de groupe naît l'idée de clan, et le besoin de s'identifier à un clan ressort particulièrement chez les adolescents.

L'engouement pour ce groupe est-il semblable à celui qu'on connut leurs prédécesseurs comme les 2b3, les Worlds Apart, Alliage et autres ? Quelles sont les éventuelles différences ?

Oui totalement, et même avant. Les premiers boys bands sont les groupes afro-américains des années 1940-1950, sur lesquels vont ensuite se calquer les premiers groupes de rock blancs. Avec l'augmentation de l'industrie pop dans les années 1980 et 1990, le phénomène boys-band va prendre de l'ampleur. Ce qui ressort du phénomène New Kids On The Block, 2b3, Worlds Apart ou les autres, c'est surtout le fait que c'est une industrie basée dorénavant sur le profit et le publireportage, plus que le talent musical. Avec eux, on assiste en réalité aux premiers télé-crochets, puisque tous ces groupes ont été créés sur casting avec des inconnus, sans véritable talent à l'origine.

Si le phénomène a quand même diminué par lassitude (les derniers groupes créés comme Alliage n'ont pas tenu la rampe du succès), il ressurgit pour les nouvelles générations. L'attraction qu'il provoque reste la même, même si effectivement on peut s'interroger sur la nouvelle proximité induite par les stars qui se mettent en scène sur les réseaux sociaux.

Est-ce tant une admiration musicale qu'une fascination pour le physique de ces jeunes hommes ?

Si au départ, les premiers boys-bands comme The Temptations ont provoqué une réelle admiration musicale, avec le temps le phénomène s'est largement construit autour du physique des jeunes hommes. Dans les castings, les jeunes sont recrutés avant tout pour leur look, leur personnalité ; ce sont en fait de véritables marionnettes que l'industrie pop façonne à loisir.

Les boys-bands deviennent des véritables bannières publicitaires des looks du moment (coiffure, vêtement, bijoux, tatouages, etc.) qui vont renforcer non seulement l'attachement identitaire (les fans reconnaissant et copient les looks) mais surtout commercial (les fans vont ensuite acheter les produits pour leur ressembler). Ce n'est d'ailleurs pas propre au boys band, tous les télé-crochets sont des véritables fabrications pseudo-artistiques, où le physique des prétendants à la célébrité est parfois plus travaillé (régime, chirurgie, changement de look) que leur véritable talent artistique. Il n'y qu'à voir Jenifer...

Ce phénomène n'est pas nouveau, depuis les Beatles, des hordes de jeunes femmes groupies se battent pour leurs idoles. Les filles ont-elles toutes besoin à un moment ou un autre d'être "fan" ? Cette fascination est-elle forcément temporaire ?

Je ne pense pas que les filles soient plus portées que les garçons à être fans; peut-être expriment-elles plus facilement leur attitude de fans. C'est vrai que l'industrie musicale a plus rarement produit des girls-bands, en tout cas peu de girls-bands ont fonctionné sur le long terme (à part peut-être les Spice Girls). Et dans ce cas, les fans des groupes de filles sont autant des garçons que des filles. Pour les garçons, cette admiration ou cette relation identitaire peut apparaître sous d'autres formes d'attachement, notamment dans le sport (les fans de foot par exemple).

En général, la fascination pour les boys-bands disparaît à la fin de l'adolescence, avec la maturité et l'entrée dans l'âge adulte, mais surtout les premières relations amoureuses, qui permettent de sortir de l'univers fantasmé des stars. Quoique dans certains cas, la fan attitude peut aussi se reporter sur une autre figure de star. Si on regarde les générations de fans de Johnny, ils ne sont plus très jeunes...

Propos recueillis par Manon Hombourger

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