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Radioscopie des foyers épidémique français : ces semaines pendant lesquelles l’épidémie aurait encore pu être limitée
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Covid19

Une évidence qu’il convient d’expliquer: la disparité géographique de l’épidémie Covid-19 en France.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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L’analyse géographique des données de l'épidémie covid-19 en France métropolitaine révèle une répartition tout à fait particulière (Figure N°1). Il ne s’agit pas d’une épidémie qui touche tout le territoire de manière grossièrement aléatoire. Il est frappant de constater que deux régions, l’île de france et le grand est sont les foyers les plus actifs. Ensuite autour de Lyon et Marseille se sont développés deux foyers d’activité épidémique importante mais moindre. Si on s’intéresse à une échelle plus petite on s’aperçoit, par exemple, que c’est au nord de Marseille qu’ont été déclarés les décès du foyer des bouches du rhône (Figure N°2). Il en est de même pour les autres foyers, une localisation plus fine apporte des renseignements qui doivent être pris en compte.

Figure N°1: répartition des décès identifiés covid-19 sur le territoire. Ces décès surviennent dans des foyers épidémiques explosifs.

Figure N°2: Au sud de la France pour Marseille et la Corse des disparités à investiguer 

Des données statiques sans la géolocalisation dynamique

Cette carte géographique est un instantané. Elle permet cependant de constater que des événements spécifiques dans l’histoire de l’épidémie ont conduit à une telle disparité et par là même à l’afflux de cas graves dans les lieux concernés. On commence à peine à s’intéresser aux données dynamiques en étudiant notamment les déplacements des individus grâce à la géolocalisation de leur téléphone mobile. 

Revenons sur les mécanismes de transmission du virus SARS-CoV-2

Nous avons depuis le début sous estimé la contagiosité de ce virus. 

Même si ce n’est pas la rougeole force est de constater que les rassemblements humains réalisent des conditions de croissance exponentielle des cas de covid-19 avec signes cliniques. Cette contagiosité tient à plusieurs caractéristiques du virus. En particulier la capacité à se lier très solidement à un récepteur à la surface des cellules. Ainsi un nombre moins important de virus est nécessaire pour infecter de nombreuses cellules. Il faut aussi rappeler que l’existence de super disséminateurs du virus présentant une charge virale élevée a été évoquée lors des enquêtes à la recherche du patient 0 au début de l’épidémie. Il y a tout d'abord ceux et celles qui de par leur métier vont entrer en contact avec des centaines de personnes. Nous savons aussi que les enfants de par leur comportement et le fait qu'ils restent le plus souvent indemnes transmettent le virus plus que les adultes.

Il est probable que la quantité de virus dans les gouttelettes ou les aérosols émis par un individu soit très variable d’un individu à l'autre et d'un moment à l'autre de l'évolution de la maladie chez un même patient. Les patients hospitalisés présentent des charges virales importantes et de ce fait les personnes qui les soignent sont exposées à être contaminées et pour ceux qui sont asymptomatiques à être sans le savoir de puissants disséminateurs du virus. Tester les soignants est une priorité.

L’air est un vecteur plus puissant en raison des aérosols 

Dans les années 1890, Carl Flügge un bactériologiste, démontre que même lors d'un simple discours, de minuscules gouttelettes sont propulsées dans l'air. Des observations récentes ont permis de mettre en évidence que le virus, une particule d’une centaine de nanomètres, pouvait être propulsé dans des gouttelettes qui tombent au sol par gravité à environ un mètre mais aussi par des gouttelettes plus petites qui flottent dans un aérosol pouvant se déplacer bien au delà d’un mètre et persister au delà d’une heure. Ces aérosols surviennent en parlant mais sont amplifiés en cas de discours, chants, exclamations. Leur persistance est importante dans les endroits confinés, peu aérés ou ventilés par des systèmes sans filtre pour ce type de particules (magasin, ascenseur, voiture).

Quels sont les évènements initiateurs suspectés dans ces foyers?

En île de France le nombre de rassemblements est resté très élevé jusqu’au confinement. Pour autant le retour non tracé des Français arrivant de Chine après le nouvel an alors que l’épidémie avait explosé à Wuhan ne peut pas avoir été neutre. Ensuite des rassemblements maintenus comme des matchs , la Fashion Week, les manifestations de rue ont joué un rôle d’amplification qui doit être investigué.

À Mulhouse le rassemblement évangélique d’une semaine a pu être identifié comme l'événement majeur dans ce foyer explosif.

À Lyon le match Lyon-Juventus alors que l’Italie était déjà en explosion épidémique est suspecté dans le foyer existant.

Enfin le premier tour des élections municipales, a augmenté de manière diffuse les contacts pendant la campagne et lors du vote. Cet événement a surtout exposé les candidats qui ont été en contact avec des centaines d’individus à cette occasion. Ceux qui ont contracté le covid-19 pendant cette période sont un modèle de contamination où un individu augmente sa probabilité d’être contaminé par le nombre de contacts aléatoires. Sans sous estimer que l’inverse est vrai dès lors qu’il devient contaminant. Un autre modèle met bien en évidence de plus petits foyers épidémiques explosifs c’est celui du communautarisme. La mortalité en Seine Saint Denis est très élevée. Les facteurs qui y contribuent sont en partie l’inobservance des règles de protection contre la transmission. Cette inobservance se retrouve dans les communautés gitanes malgré là aussi une surmortalité tragique ou bien dans des communautés religieuses comme les juifs ultra-orthodoxes à New York ou en Israël. D’autres exemples étrangers le confirme les rassemblements sont dangereux: le match Bergame Valence avec 42000 Bergamois qui se rendent à Milan au cœur du foyer actif italien a déjà été commenté et des travaux sont en cours pour mettre en évidence les flux de contamination.

L’épidémie, sauf découverte de traitements disruptifs est là pour plusieurs mois. L’arrêt de l’économie est une mesure de sauvegarde qui doit permettre de mettre en place des mécanismes de surveillance épidémique intelligents. L’analyse des évènements qui ont conduit à ces foyers épidémiques explosifs est essentielle car il faut à tout prix éviter les résurgences. Il est possible que les rassemblements de personnes même avec des mesures barrière contre la transmission soient impossibles avant longtemps. Surtout si on persiste à rester aveugle vis à vis du portage viral et du trajet des individus alors que nous disposons des moyens et des données qui permettent d’agir précocément.

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