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Les vrais vainqueurs de la coupe du monde seraient le secteur de l'hôtellerie et de la prostitution.
Les vrais vainqueurs de la coupe du monde seraient le secteur de l'hôtellerie et de la prostitution.
©Reuters

Pactole

L'un des plus grands événements sportifs planétaires génère des milliards d'euros qui profitent à des secteurs d'activité qui ne sont pas toujours les plus visibles. Petit panorama des acteurs économiques qui se frottent les mains.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Atlantico : Les vrais vainqueurs – économiquement parlant – de la Coupe du monde au Brésil pour le pays organisateur, seraient le secteur de l'hôtellerie et de la prostitution. C'était déjà le cas dans des compétitions précédentes comme l'Euro en Ukraine (avec ses chambres médiocres aux prix qui s'envolaient et la prostitution généralisée). Les coupes du monde vont-elles dorénavant entraîner sur un mois une bulle hôtelière et une explosion du marché du sexe ?

Pascal Perri : Le premier vainqueur de la coupe du monde c’est d’abord la FIFA à qui la compétition rapportera 4 milliards de dollars. Pour le reste, c’est la loi simple de l’offre et de la demande qui s’applique. Le Brésil reçoit au moins 600 000 visiteurs internationaux à l’occasion de la coupe du monde sans compter les migrations intérieures. La demande d’hébergement est très élevée. Elle connaît un pic que les hôteliers utilisent pour faire monter les prix. Dans certains cas, on cite des prix multipliés par 6. Le Brésil aura dépensé 9 milliards d’euros pour organiser la compétition dont 3 ont été investis dans les stades (dont certains resteront sans club résident comme à Manaus). Le reste de l’investissement profitera aux Brésiliens une fois la compétition achevée : lignes de métro, transports collectifs, amélioration des voies de circulation, aéroports. C’est un vaste mouvement de modernisation des infrastructures qui a été engagé. Sur la prostitution, le Brésil est une destination connue de tourisme sexuel. Là aussi, l’afflux massif de population étrangères dopera le marché. Mais réduire la coupe du monde à une bonne affaire pour les réseaux de proxénétisme, c’est prendre le risque d’un raccourci caricatural.

Les ventes de téléviseurs explosent aussi pendant l'événement, avec souvent l'ajout d'options techniques particulières pour améliorer l'image ou le son. Les grandes compétitions sont-elles maintenant le moteur de la vente des innovations télévisuelles (HD, 3D etc...) ?

L’innovation n’attend pas les compétitions sportives internationales. L’innovation va même plus vite que le pouvoir d’achat. Les marchés de la technologie sont très concurrentiels et nous vivons une période de progrès exponentiels. Tout va très vite. La Coupe du monde catalyse les ventes mais cela ne change rien à la capacité contributive des ménages. Toutes les études commerciales montrent que les grandes compétitions populaires se traduisent par une augmentation significative des ventes de téléviseurs. C’est incontestable mais on consomme la télévision et les NTIC en dehors de ces grands rendez-vous. Le progrès entre plutôt sur le terrain. Vous verrez bientôt le footballeur augmenté avec des puces électroniques dans ses chaussettes pour mesurer les distances parcourues et des technologies embarquées pour suivre son rythme biologique pendant les compétitions… Ces informations seront d’abord internes puis elles serviront à nourrir les statistiques des chaines de télévision. Elles seront même sponsorisées par des marques commerciales !

La production textile de maillot de football explose également pendant la période faisant tourner à plein régime les usines au Bangladesh. Les pays émergents profitent-ils réellement de la manne que représente un tel événement ? Les produits dérivés représentent-ils une vraie source de revenus pour ces pays (qui en général ne participent d'ailleurs pas à la compétition...)

La vente de produits dérivés comme les maillots dépend pour beaucoup des performances. Le football est une véritable industrie avec des marques et des ambassadeurs. Les très grands noms du football vendent des maillots toute l’année. Les clubs espagnols par exemple sont propriétaires de la moitié des droits à l’image personnels de leurs vedettes. Ronaldo avait vendu pour plus de 100 millions d’euros de produits dérivés 12 mois après son arrivée en Espagne ! Les recettes de la billetterie et les droits TV sont complétés par les revenus commerciaux de plus en plus importants. L’image n’a pas de prix et les clubs comme les fédérations le savent. Les partenariats commerciaux constituent 82 des 200 millions d’euros du budget de la FFF. Mais pour répondre à votre question, les pays producteurs des produits dérivés ne profitent que très marginalement des effets induits par la coupe du monde. L’inflation se produit en aval, dans le secteur de la distribution et des marques.

En quoi le secteur de la publicité figure-t-il également parmi les grands gagnants du mondial ?

Le football est un spectacle. C'est le spectacle vivant le plus télévisuel. C'est aussi ce qui fait son succès mondial. Rien n'égale l'attractivité d'une compétition aussi prestigieuse que la coupe du monde. Avec l'arrivée de nouveaux consommateurs en Asie, il n'existe plus de zones d'ombre pour le foot. Il a été longtemps le spectacle sportif préféré des Européens, des Africains et des Sud américains mais il parle aujourd'hui à tout le monde.

Pour les marques mondiales, c'est un enjeu d'exposition considérable, notamment en direction des territoires où elles sont encore "jeunes". Dans les stades, autour de la compétition, dans les lieux à vocation commerciale et bien sur à la télévision. Au Brésil où il peut faire très chaud, la FIFA a prévu des pauses de 3 minutes à la mi-temps de chaque mi-temps quand la température est supérieure à 32° et l'humidité supérieure à 80% de l'air ambiant. Les télévisions ont ici de nouvelles fenêtres supplémentaires pour des temps très courts (environ 3 minutes) au cours desquelles elles peuvent diffuser des écrans de publicité. Plus que jamais le foot est une industrie très populaire et une formidable occasion pour les marques de communiquer avec leur public dans un cadre positif et festif. Elles ne ratent pas l'occasion de le faire.

L'horaire tardif de retransmission des matchs en Europe favoriserait également la consommation de fast-food et d'alcool. Quel impact peut généralement avoir selon vous l'horaire de diffusion de ce type de compétition ? A-t-on vu des variables économiques bouger selon que la compétition se déroule en Amérique, en Europe ou en Asie ?

Pas à ma connaissance, mais c’est une affaire de bon sens. Le snacking se développe pendant les grandes compétitions sportives. Les producteurs de bières se frottent les mains, les marchands de pizzas aussi. Le phénomène est essentiellement occidental même si le football est devenu  un sport populaire en Chine et en Inde. Les ménages changent leurs habitudes de consommation pendant ces périodes avec une apogée quand les équipes nationales sont engagées. Sur les horaires tardifs, les matchs disputés à minuit en Europe bénéficient d’une faible exposition  auprès des publics qui ne sont pas directement concernés. Par exemple le match Argentine/Bosnie diffusé cette nuit n’aura sans doute pas été un immense succès d’audience en France.

A l'inverse de tous ces secteurs, les chaînes de télévision, elles, n'amortissent pas leur investissement malgré les bonnes audiences de l'événement (du moins en France). Pourquoi n'arrive-t-elle pas à profiter de cette occasion ? Cela pourrait-il menacer à terme la couverture des futurs grands événements comme la coupe du monde ?

Nous vivons peut être la dernière coupe du monde captée et retransmises par les grandes chaines de télévision. Le média Internet ne restera pas longtemps en dehors de cet immense marché. Quelques entreprises ont accès à tous les consommateurs du monde. Ce sont les nouveaux géants de l’Internet dont Google et Facebook. Ces entreprises sont très riches. Beaucoup plus que les chaines de télévision par ailleurs incapables de rentabiliser leurs investissement dans le secteur des droits et de la retransmission. Elles ont conscience que ces évènements populaires génèrent des milliards de revenus publicitaires. Vous verrez que la télévision telle qu’elle existe aujourd’hui va perdre son imperium sur les évènements de dimension mondiale. Les écosystèmes numériques ont tous les moyens de s’approprier la manne potentielle.

Propos recueillis par Damien Durand

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