Qui paie au restaurant pour la Saint-Valentin ? Les théories sur l'égalité hommes femmes à l'épreuve de la réalité<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
88 % des hommes assurent payer le restaurant lors d'un rendez-vous galant.
88 % des hommes assurent payer le restaurant lors d'un rendez-vous galant.
©Reuters

On partage... ou pas ?

Selon un récent sondage Ifop, 88 % des hommes affirment payer la totalité de l'addition lors d'un rendez-vous amoureux.

Emilie Coutant

Emilie Coutant

Emilie Coutant est sociologue, consultante en mode, médias, tendances, risques et addictions.
Docteur de l’Université Paris V, elle a soutenu une thèse intitulée “Le mâle du siècle : mutation et renaissance des masculinités. Archétypes, stéréotypes, et néotypes masculins dans les iconographies médiatiques” (2011). Fondatrice et dirigeante de la société d’études qualitatives et prospectives Tendance Sociale, elle réalise études et enquêtes sociologiques pour le compte d’entreprises ou d’institutions. Enseignante dans diverses universités et écoles de mode, elle est également Présidente du Groupe d’Etude sur la Mode (GEMode), rédactrice éditoriale des Cahiers Européens de l’Imaginaire et secrétaire du Longeville Surf Club.
Voir la bio »

Atlantico : Un récent sondage Ifop montre que 88 % des hommes assurent payer le restaurant lors d’un rendez-vous amoureux. Ce constat est-il réaliste ? Qu’est-ce que chacun attend du règlement de l’addition ?

Emilie Coutant : Ces chiffres n’ont rien de surprenant car lorsqu’on étudie les rapports hommes / femmes, et notamment ce fameux rituel du restaurant, on constate qu’une grande partie des femmes préfèrent toujours que ce soit l’homme qui paie. Dans leur esprit, cet acte appartient à une tradition de galanterie considérée comme une véritable institution. Cependant, plus personne ne s’étonne de voir une femme payer une note de restaurant et certaines d’entre elles l’utilisent comme un signal à envoyer. Celui-ci est soit positif et veut dire "moi aussi je peux te faire plaisir en t’invitant" ou au contraire négatif et exprimer la défiance. Enfin, payer l’addition pour une femme peut vouloir signifier que c’est elle qui est officiellement la maîtresse du jeu de séduction.

Dans le cas de l’homme, payer l’addition renforce sa stature de mâle pouvant assurer la protection de la femme. Cela peut aussi affirmer un rapport d’appartenance de la femme à l’homme car un couple qui partage envoie un signal d’amitié et non pas de relation amoureuse. En réglant l’addition, l’homme signifie à tout le monde qu’il est engagé avec cette femmedans une relation ou du moins dans un rapport de section. Il marque son territoire de chasse.

Comment expliquer qu’après plusieurs décennies de féminisme et de libération des femmes, ces archétypes soient toujours présents ? Cela démontre-t-il l’échec du combat pour l’égalité ? Ou à l'inverse cela témoigne-t-il du fait que la recherche de l'égalité à tout prix est un faux combat ?  

Ni l’un ni l’autre. La recherche d’émancipation de la femme n’a jamais concerné la séduction, elle ne porte que sur les questions sociétales que sont le travail, la répartition des tâches ou des décisions familiales. Dans le rapport de séduction, la femme moderne peut le prendre en main malgré tout, elle dicte même bien souvent les règles comme le montre l’intérêt croissant que portent les hommes à leur apparence. Les femmes ont maintenant le pouvoir d’exiger la beauté des hommes, ce qui n’a pas toujours été le cas. Ce contraste entre modernité sociale et archaïsme de séduction peut aussi se traduire par le fait que, comme tous les humains postmodernes, les femmes aiment être traitées comme si elles étaient exceptionnelles. On leur a imprimé dans l’esprit qu’elles sont des princesses. Les fantasmes de société ont la peau dure.

Les femmes veulent donc l’égalité dans la sphère publique mais pas dans le privé ?

C’est exactement cela, la dimension publique et le jeu privé sont perçus comme deux entités différentes dans lesquelles les règles du rapport hommes / femmes ne s’appliquent pas de manière similaire. Beaucoup de femmes aiment toujours se réaliser dans des schémas "archaïques" de soumission notamment sexuelle à travers des positions où l’homme domine complètement. La notion essentielle est celle du choix, cette soumission n’est en rien un retour en arrière, elle est juste l’expression du fait que les femmes veulent choisir comment elles sont traitées. En égale, en maitresse ou en soumise. Pour en revenir à l’addition du restaurant, là encore la femme a le choix alors que l’homme ne l’a pas. Il ne peut ni forcer la femme à se payer, ni à se soumettre.

Donc la femme a le choix, mais pas l’homme. Sommes-nous passés de l’autre côté de l’égalitarisme ?

On parle de gynécocratie, gynocratie, ou encore clitocratie ou vulvocratie, cela vous montre bien l’imagination des auteurs quant au rapport hommes / femmes. Dans les faits, cela correspond simplement à un besoin de caricaturer à l’extrême la situation pour bien montrer que nous avons atteint une certaine forme d’égalité. Rien de plus.

Quels sont les dangers de l’égalitarisme pour la place de l’homme dans la société ?

Le danger, si on peut qualifier cela ainsi, est que l’homme moderne a parfois du mal à trouver sa place dans le rapport hommes /  femmes et plus généralement dans la société contemporaine. Les hommes sont pris dans au milieu d’une superposition de deux phases sociétales et de la cohabitation de valeurs anciennes avec des valeurs nouvelles, ce qui peut entrainer de la confusion dans leur comportement vis-à-vis des femmes. Il aurait probablement été plus facile pour eux que l’on passe d’une société à l’autre sans transition, mais la réalité sociologique est plus progressive. Cela dit, les hommes sont des séducteurs nés, ils portent cela dans leurs gènes et parviendront malgré tout à séduire les femmes pour encore très longtemps. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !