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François Hollande et le PDG de Google ont signé un accord qui oblige le géant américain de donner 60 millions d’euros aux éditeurs de presse français.
François Hollande et le PDG de Google ont signé un accord qui oblige le géant américain de donner 60 millions d’euros aux éditeurs de presse français.
©Reuters

Entente cordiale

Google a signé un accord avec les éditeurs de presse français en présence du chef de l’Etat. Le géant américain a ainsi accepté de donner 60 millions d’euros aux éditeurs de presse, qui réclament une redistribution des profits publicitaires réalisés par Google grâce au référencement de leurs informations.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Lire aussi : Accord Google - éditeurs de presse : le Spiil souhaite qu'il soit rendu public

Le puissant moteur de recherche Google vient de signer un accord avec les éditeurs de presse français (dont leSyndicat de la presse indépendante d'information en ligne, le Spiil, souhaite qu'il soit rendu public) en présence du Chef de l’Etat et de certains membres du gouvernement. Le géant américain a ainsi « accepté de lâcher 60 millions d’euros » aux éditeurs de presse,  précise le journal le Monde dans son édition du samedi 2 février. L’accord, tantôt qualifié d’événement mondial, tantôt d’accord en demi-teinte a le mérite de faire tomber la tension qui était palpable ces derniers temps entre Google et les éditeurs de presse. Il est le résultat de pénibles tractations menées de part et d’autre pour aboutir au meilleur compromis possible. Quelles étaient les enjeux et les étapes de la négociation ?

Après une période d’hésitation, les éditeurs de presse sont parvenus à la conclusion que l’outil Internet, loin d’être un frein à leur développement, pouvait constituer un instrument novateur au service de l’information. De fait, les grands quotidiens et hebdomadaires ont réussi leur transition numérique et sont très présents sur le Web.

Mais les deux obstacles qui portent atteinte à la rentabilité des éditeurs de presse sur Internet sont d’une part la gratuité d’une certaine presse et d’autre part le détournement par les moteurs de recherche de l’information produite. En référençant l’information dont les sites de presse sont les propriétaires, Google génère des revenus publicitaires importants, sans opérer aucune redistribution. La revendication des patrons de presse porte donc sur une redistribution des profits publicitaires réalisés par Google au moyen de la valeur ainsi créée par les éditeurs de presse.

Cette bataille entre les producteurs de « contenus » que sont les éditeurs de presse et Google, dont l’activité est de les disséminer, a donc pour objet un meilleur partage de la valeur entre les différents acteurs du numérique. Des intérêts importants sont donc en jeux et notamment les droits d’auteurs. La mission Lescure « de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l’heure du numérique », actuellement à l’œuvre, a précisément pour objet de travailler à la recherche d’un consensus afin de mieux protéger les droits d’auteur.

Cependant, Google avait toujours opposé un refus catégorique à tout partage des bénéfices publicitaires, y compris sous la forme d’une taxe sur les droits d’auteur. Cependant, la position de repli de Google a suscité un certain mécontentement qui s’est peu à peu propagé à différents éditeurs de presse européens. Une sérieuse entaille à la stratégie de Google a été portée par la CA de Bruxelles dans un arrêt du 5 mai 2011 opposant Google à Copie presse. Il a considéré que Google a porté atteinte aux droits d’auteur des éditeurs de presse belges en reproduisant sans autorisation une partie significative des articles de presse.

Par ailleurs, fin août 2012 le Gouvernement allemand a adopté un projet de loi visant à créer une « Lex Google », c’est-à-dire une loi ayant pour but spécial de contraindre la compagnie américaine à verser des commissions aux éditeurs.

Ces multiples revers étaient suffisants pour déterminer les éditeurs de presse en France à présenter au gouvernement le 10 septembre 2012 un projet de loi afin d’obliger les moteurs de recherche à les rétribuer par le versement de droits voisins (proposant la création d’un article 281-4 dans le Code de la propriété intellectuelle).

Pour montrer qu’il prenait en compte les revendications des éditeurs de presse, le Chef de l’Etat s’est entretenu le 29 octobre avec le président de Google, Monsieur Eric Schmidt, auquel il a affirmé son intention de légiférer sur cette question si un accord n’était pas atteint dans un délai raisonnable. Pour favoriser l’émergence d’un accord, le gouvernement a nommé le 28 novembre Monsieur Schwartz, ancien membre de la Cour des comptes, avec pour mission de « faciliter la conclusion d’un accord sur le partage équitable de la ressource générée par l’utilisation des contenus éditoriaux des sites de presse ».

Quelques jours à peine après le lancement de cette mission, un accord fut intervenu en Belgique le 12 décembre entre Google et la presse francophone belge, dont l’essentiel consiste pour les parties à utiliser leurs médias respectifs pour promouvoir les services offerts par chacun d’eux et à travailler en partenariat pour générer des opportunités commerciales. Dans le cadre de cet accord, Google a accepté par ailleurs de payer une somme tenue secrète, au profit des éditeurs belges.

C’est donc dans ces conditions qu’a été signé l’accord du vendredi 1er février entre Google et les éditeurs de presse français. L’accord contient 2 volets. Le premier consiste à allouer la somme de 60 millions d’euros aux éditeurs de presse. Elle constitue une dotation pour soutenir la transition numérique de la presse. Pourront prétendre bénéficier de cette ressource tous les journaux d’information politique et  générale, y compris les pure players comme Mediapart, Atlantico et Slate.

Pour certains journaux, embarrassés par de sérieuses difficultés financières, il s’agit d’une ressource inespérée.Mais, pour l’ensemble des éditeurs, leur intérêt aurait été de contraindre Google au versement d’une rémunération annuelle proportionnelle, compte tenu du chiffre d’affaires annuel d’1,5 milliard d’euros réalisé en France par Google.

Le second volet porte sur l’engagement de Google à mettre son expertise au service de la presse pour l’aider à se développer sur Internet et à accroître ses revenus en ligne.

La signature de l’accord, bien que laborieuse, peut être considérée comme un succès pour les éditeurs de presse qui vont désormais bénéficier du support du géant américain dont la puissance économique peut toutefois subir de sérieux revers dans le cadre des multiples actions engagées actuellement à son encontre, en matière de concurrence, de données personnelles et de fiscalité.

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