Que reste-t-il des Frères musulmans en Egypte ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Affichage de liste électorale en Egypte.
Affichage de liste électorale en Egypte.
©Reuters

Procès attendu

Ce lundi 4 novembre débute le procès de Mohamed Morsi. Privée de son leader et de ses principaux dirigeants, la place de la confrérie des Frères musulmans dans la société égyptienne tend à se réduire comme peau de chagrin.

Tewfik Aclimandos

Tewfik Aclimandos

Tewfik Aclimandos est chercheur associé à la chaire d'histoire contemporaine au Collège de France. Politologue égyptien, il  est spécialiste de la politique égyptienne et a publié de nombreux articles à propos de l'Armée, les Frères Musulmans et la politique étrangère d'Hosni Moubarak.

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Atlantico : Le procès de l’ancien dirigeant égyptien Mohamed Morsi débute lundi 4 novembre. Accusé, avec 14 autres personnes, d'incitation au meurtre de manifestants devant le palais de la présidence en décembre 2012, il sera jugé au cours de la semaine. Que risque le président déchu ? Quel impact ce procès pourrait-il avoir dans la société et en politique ?

Tewfik Aclimandos :Si les multiples chefs d'accusation sont prouvés, il risque la peine capitale, ou un verdict en ce sens (quitte à ce qu'il ne soit pas appliqué). Le procès est bien sûr lu très différemment en fonction des sensibilités politiques. Les proches des victimes et des secteurs de la jeunesse révolutionnaire veulent que justice soit faite et les morts vengés, les composantes de la bureaucratie et certaines classes moyennes veulent montrer que '"l'autorité de l'Etat est de retour" et que le "chantage" des Frères (à la violence, aux pressions internationale) ne paie pas. Et bien sûr les Frères et leurs alliés y voient une preuve de plus du caractère inique du nouveau pouvoir. Ils craignent surtout que les accusations d'espionnages soient "prouvées".

Les juges chargés du procès se sont retirés de l’affaire au cours de la semaine dernière en « raison de cas de conscience », serait-ce le signe d’un désaccord quant aux charges retenues contre Mohamed Morsi ?

Les juges ne sont pas tenus de justifier les causes de leur désistement. Il y a des juges "pro-Frères", ou qui connaissent un des accusés ou alors ils peuvent avoir reçu des menaces - la violence du camp des Frères musulmans n'est plus à prouver. Ou avoir subi des pressions des autorités, bien sûr. Mais en général ces dernières s'y prennent plus subtilement.

Alors que les avoirs des Frères musulmans ont été saisis et que la confrérie a été interdite par la justice en septembre - le gouvernement transitoire assurant que l’organisation encourageait la violence et le terrorisme -, que reste-t-il aujourd’hui des Frères musulmans ? Sans un leader identifié, l’organisation peut-elle survivre ?

L'organisation existe encore - penser qu'on peut l'éradiquer, c'est rêver. Elle compte des centaines de milliers de militants et au moins trois millions de sympathisants. Certains éléments permettent de penser qu'une chaine de commandement est encore maintenue. L'organisation n'a certainement pas placé tout son argent en Égypte. Mais il est exact qu'elle est affaiblie.

La décapitation et l’épuration de la confrérie donne-t-elle l’occasion à d’autres groupes, notamment islamiques, d’émerger ? 

Pour M. Abou el-Fotouh et pour les salafistes, l'effondrement des Frères - je parle de leur popularité - est une occasion de saisir pour capter les électeurs qui ont voté pour la confrérie et veulent continuer à voter islamiste mais sont très déçus par la l'action des Frères. Plus généralement, avant une véritable consultation électorale, on ne saura pas si la chute des Frères est celle des seuls Frères, celle de tous les islamistes, ou celle de toute la classe politique.

L’échec des frères musulmans en politique pourrait-il faire émerger de nouvelles ou d’anciennes puissances à la tête de l’Etat ? Les anciens partisans de Moubarak pourraient-ils profiter de cette situation pour revenir sur le devant de la scène ?

La carte électorale est illisible. On dit que les partis non islamistes tentent de fusionner. On ne sais pas où en sont les salafistes. On ne sait pas où en sont les jeunes révolutionnaires. On ne sait pas où en sont les islamistes démocrates. On ne sait pas quelles alliances vont se nouer.

Un sondage dit que 12% des Egyptiens se reconnaissent dans un parti islamiste et 2% dans un parti laïc. Ce qui veut dire que 86% sont très déçus par tous ou dans une optique "ni/ni", ou dans une optique pro-armée (ce qui ne veut pas dire pro al-Sisi) ou encore indécis. Cela peut encore changer.

On dit que les anciens du PND ont une carte à jouer. Mais on le disait aussi en novembre 2011 et on s'est trompé. Il est certain qu'ils ont une implantation locale, mais on ne sait pas s'ils se présenteront comme indépendants, s'allieront avec un parti et lequel. Et on ne sait pas si l'électorat leur a pardonné l'ère Moubarak - cela m'étonnerait, mais il risque de penser qu'il n'a pas le choix. 

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