Que changerait vraiment le projet de révision de la directive sur les travailleurs détachés proposée par Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Que changerait vraiment le projet de révision de la directive sur les travailleurs détachés proposée par Emmanuel Macron ?
©Reuters

Modifs

Selon un document consulté par le journal Le Monde, le gouvernement chercherait à réviser la directive de 1996 relative aux travailleurs détachés. Des propositions qui permettent un rééquilibrage en réduisant les possibilités de dumping.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Atlantico : Concrètement, en quoi le projet de révision est-il adapté à la situation ? Que changeraient vraiment ces modifications sur le terrain ?

Éric Verhaeghe : Il faut rappeler ici que la Commission est au cœur de pressions colossales entre pays européens. Dans la pratique, les pays qui envoient des détachés (essentiellement l'Europe de l'Est) combattent les restrictions demandées par les pays qui reçoivent les détachés (essentiellement l'Europe de l'Ouest). Récemment, une proposition de révision a circulé qui était très éloignée des propositions françaises. Le gouvernement Philippe n'a donc pas toute marge de manœuvre pour avancer comme il le souhaite. Il ne peut rester crédible s'il ne rentre pas dans le débat en suivant les termes qui lui sont fixés. Il ne peut partir d'une feuille blanche. Il doit s'intégrer au sujet tel qu'il se pose. C'est pourquoi les propositions françaises peuvent paraître timides. Dans la pratique, elles ne le sont pas complètement, puisqu'elles incluent de vraies limitations dans le dispositif existant. En particulier, je noterai particulièrement l'interdiction de déduire du salaire versé les indemnités de logement et autres avantages accessoires liés au détachement. C'est une vraie façon de rétablir la "barque" sur sa ligne de flottaison en réduisant les possibilités de dumping. La position française peut donc être jugée intelligente.

Quels seraient les gagnants et les perdants d'une telle révision de la directive de 1996, aussi bien sur le plan des entreprises françaises, que pour les différents pays européens ?

N'oublions pas que l'économie française n'a pas intérêt à une disparition brutale du travail détaché. De nombreux chantiers sont menés à bas coûts en France grâce à ce système. Imaginer que les chantiers pourraient être menés par des Français à la place des détachés est un grand fantasme. On doit donc rééquilibrer sans déséquilibrer. D'autant que les entreprises françaises ont aussi intérêt à préserver le système de détachement si elles veulent y avoir recours pour envoyer des salariés à l'étranger. Dans la pratique, les grands perdants de la révision seront donc les pays d'Europe de l'Est qui se livrent à un dumping grâce à ce système, et partiellement les entreprises françaises (dans le bâtiment, mais aussi dans l'agriculture) qui font appel à une main d'œuvre pas cher pour mener à bien des missions ponctuelles. Les gagnants seront évidemment tous ceux qui aujourd'hui subissent de plein fouet ce dumping, notamment les entreprises artisanales dans le bâtiment, qui subissent les exorbitantes cotisations sociales françaises. Elles auront un peu plus d'oxygène pour répondre à des appels d'offres.

Une telle révision est elle possible en Europe alors que nombre de pays de l'est s'opposent déjà aux demandes actuelles de révision ?

C'est un test de crédibilité pour Emmanuel Macron. L'issue du dossier permettra de savoir ce que pèse le nouveau président dans le dispositif européen. Si la révision de la directive est a minima, on saura que Macron ne pèse pas grand chose de plus que François Hollande. Si les propositions françaises sont reprises dans leur intégralité, on saura qu'il pèse lourd. Selon la position de la barre entre les deux, on sera fixé.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !