Quand ses supporters parlent d’Emmanuel Macron, c’est l’amour fou...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Quand ses supporters parlent d’Emmanuel Macron, c’est l’amour fou...
©LUDOVIC MARIN / AFP

Popularité

Selon la dernière enquête de l’Observatoire de la politique nationale réalisée par BVA pour Orange, RTL et La Tribune, la popularité d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe est en légère hausse.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

Voir la bio »

La dernière enquête de l’Observatoire de la politique nationale réalisée par BVA pour Orange, RTL et La Tribune enregistre une légère remontée de popularité pour le couple exécutif : le Président et son Premier ministre gagnent 3 points (par rapport au mois dernier). Pour la première fois depuis « l’été meurtrier » de 2018 la popularité d’Emmanuel Macron franchit la barre des 35% : ce sont 37% des personnes interrogées qui déclarent avoir une « bonne opinion » du chef de l’Etat. L’impopularité est toujours largement majoritaire (63% de mauvaises opinions) mais le chef de l’Etat semble avoir regagné le terrain perdu.

Si l’on compare l’évolution de la popularité d’Emmanuel Macron à ses deux derniers prédécesseurs, on peut identifier des éléments communs et des éléments spécifiques à l’actuel chef de l’Etat : tous ont connu une descente vers l’impopularité pendant les deux premières années et des périodes (temporaires) de reconquête partielle de l’opinion ; mais personne n’a connu la séquence qu’Emmanuel Macron vient de traverser en moins d’un an : l’enfer puis le purgatoire… Les évolutions enregistrées depuis le Grand débat national ont remis en selle Emmanuel Macron sans que l’on puisse parler d’une véritable renaissance de son image dans l’opinion : le « nouveau Macron », transformé par les Gilets jaunes, est officiellement arrivé mais les Français en doutent très largement tout en reconnaissant en partie les efforts.

Pour mieux comprendre la situation actuelle de la popularité d’Emmanuel Macron et les logiques de sa reconquête de l’opinion, il faut prendre en compte un élément essentiel : Emmanuel Macron, sans doute proche en cela de Nicolas Sarkozy, dispose dans l’opinion d’un « fan club », un clan de supporters qui le porte aux nues et qui est prêt à lui pardonner ses « erreurs de jeunesse », à soutenir ses efforts, à comprendre ses évolutions. Ce segment est celui à partir duquel la reconquête actuelle de l’opinion s’est manifestée en premier.

L’enquête de BVA permet d’analyser en profondeur les logiques du soutien inconditionnel que ce « fan club » apporte à son héros. Les verbatims d’une question ouverte sur l’image du chef de l’Etat montrent que les opinions positives vis-à-vis d’Emmanuel Macron expriment avant tout une admiration sans limites pour l’audace réformatrice qui lui est prêtée. C’est le cœur et le point cardinal du « macronisme d’opinion » : la valorisation d’un jeune Président qui « essaie », qui « tente de réformer » une France menacée de déclin, que les précédents présidents et gouvernements auraient laissée aller à sa tendance naturelle, celle de se reposer sur ses acquis. Le « macronisme d’opinion » c’est aussi l’apologie de l’agir, de l’action, de regarder la réalité « en face », de l’affronter.

Saisis à travers une analyse propositionnelle du discours, les verbatims qui expriment les opinions positives vis-à-vis d’Emmanuel Macron nous livrent certains de leurs secrets. Il ressort de l’analyse que le style argumentatif dominant est bien celui de l’agir : les verbes « factifs », ceux qui désignent une dynamique ou une action, couvrent plus de la moitié des verbes utilisés (56%). Quelques verbatims sont particulièrement éloquents de ce style : « il travaille, fait des propositions, essaie de faire remonter la France. Il réforme le pays. Les reformes avancent » nous dit une retraitée proche de LR, disposant d’une belle retraite et qui a voté Fillon puis s’est abstenue au second tour en 2017 ; « il essaie de faire les réformes nécessaires. Il tente de faire bouger les choses pas toujours avec succès mais au moins il essaye » nous dit une femme d’une cinquantaine d’années, diplômée du supérieur et appartenant aux professions intermédiaires, qui a voté François Fillon puis Emmanuel Macron en 2017.

Emerge également des verbatims la figure de l’audace face à la résignation, de la jeunesse qui veut tout bousculer quitte à passer en force. Cette valorisation de l’audace et la bienveillance avec laquelle le « fan club » d’Emmanuel Macron lui manifeste un soutien inconditionnel se mute parfois en hagiographie lyrique : « Il est brillant, intelligent. Merci d’avoir un Président à la hauteur (…) merci, notre président, son équipe excellente. J’adore, nous n’avons jamais eu une personne aussi brillante depuis des décennies » s’enflamme une retraitée qui n’a que 1000 euros de retraite par mois. Les retraités sont d’ailleurs en nombre parmi les opinions élogieuses à propos d’Emmanuel Macron : les séniors voient dans leur jeune héros celui qui incarne un pays sauvé d’extrême justesse de la fatalité, du déclin, des abîmes. Tel un Jupiter sorti du rang, propulsé pour sauver le pays, un combattant qui triomphe des obstacles et qui ne veut que nous ouvrir les yeux sur le « nouveau monde ». Emmanuel Macron en « action man » réformateur, guidé par une mission sacrée : nous « réformer », nous « sauver » !

L’analyse du discours identifie clairement une construction narrative mythologique. Cette construction est en train de se dérouler sous nos yeux car le « macronisme d’opinion » est un processus, quelque chose qui se fait dans l’action et par l’action. La descente aux enfers du héros fait partie intégrante de cette construction : il faut que le héros surmonte un obstacle infranchissable pour accéder au statut de héros mythologique…

Décidément quelle aventure passionnante à suivre !  Amené à expliquer pourquoi il soutient autant Emmanuel Macron, l’un des membres de son « fan club » nous a répondu : « c’est personnel »… résumant ainsi toute la dimension d’affect qui existe dans ce lien. Entre Emmanuel Macron et ses supporters, c’est vraiment du sérieux… !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !