Quand les nations s’affaissent par incapacité à relever le défi des inégalités sociales à l’âge de la mondialisation et de l’économie numérique<!-- --> | Atlantico.fr
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Avec la globalisation, les travailleurs les moins qualifiés des pays occidentaux ont subi la concurrence directe des pays émergents.
Avec la globalisation, les travailleurs les moins qualifiés des pays occidentaux ont subi la concurrence directe des pays émergents.
©Reuters

Partage des bénéfices

Les inégalités de revenus ont fortement diminué pendant les Trente Glorieuses. Avec la globalisation, les travailleurs les moins qualifiés des pays occidentaux ont subi la concurrence directe des pays émergents. Un phénomène accentué aujourd'hui par la robotisation et qui pose le défi immense de la profitabilité du développement économique pour tous.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Après avoir connu 30 années de croissance heureuse entre l’après l’après-guerre  et le milieu des années 70, les nations occidentales ont été confrontées à un changement de nature du développement économique. Alors que la croissance était jusque-là "inclusive", selon la novlangue consacrée, c’est-à-dire que chacun pouvait envisager un accroissement de ses revenus; de l’ouvrier non qualifié au plus expert des cadres, la donne a changé.

L’intensification progressive de la mondialisation, le développement continu du progrès technologique, pourtant sources de développement, n’ont pas été accompagnés des politiques publiques adéquates. C’est ainsi que le virage inégalitaire a pu prendre naissance au milieu des années 80, pour en arriver à une situation parfaitement résumée par le cas de la répartition de richesse aux Etats Unis, dans le graphique ci-dessous, issu des travaux des économistes français Gabriel Zucman et Emmanuel Saez :

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Désormais, la croissance est "exclusive". Et la part de richesse détenue par les 0.1% les plus riches est équivalente à celle détenue par celle des 90% les "moins" riches. Inversement, la croissance des 30 glorieuses avaient pu permettre un chemin opposé.  Plusieurs facteurs sont à l’œuvre.

L’impact de la mondialisation

Le développement des échanges internationaux aura été un puissant facteur du mécanisme inégalitaire au sein des pays occidentaux. Car si les pays "émergents" sont parvenus à se développer au cours des toutes dernières décennies, les pays développés n’ont pas su anticiper les conséquences de la mondialisation sur les emplois manufacturiers. Ainsi, dans une étude publiée par l’institut Brookings en 2013, le constat était posé très clairement par les économistes Elsby, Hobijn, et Sahin : la concurrence internationale, notamment des bas salaires asiatiques, explique pour 85% la chute de la part des salaires par rapport à celle du capital aux Etats Unis.

Alors que cette part des salaires représentait en moyenne 57.1% des revenus globaux au cours de la période courant de 1948 à 1987, celle-ci est passée à 53.3% pour les années 2010 à 2012. Sur cette baisse de 3.8 points, 3.3 points sont imputables à la destruction des emplois soumis à la concurrence internationale. Dès lors que la mondialisation a pu prendre son essor, les capitaux occidentaux se sont progressivement déployés au sein des pays à bas coût du travail. Les salariés les moins qualifiés des pays développés se retrouvent, logiquement, face à une nouvelle en concurrence.

Les effets de cette révolution peuvent se mesurer dans la graphique ci-dessous, réalisé par l’économiste Branko Milanovic et désigné "graphique de l’année 2014" par le prix Nobel Paul Krugman :

Croissance réelle des revenus selon le décile de l’échelle des revenus 1988-2008 (en parité de pouvoir d’achat indice 2005)

Alors que les revenus des classes moyennes des pays émergents subissent une très forte hausse, la classe moyenne américaine est laissée de côté. Il en est de même pour l’ensemble des pays occidentaux ; avant redistribution. A l’inverse, les personnes les plus riches des pays occidentaux, c’est à dire les détenteurs des capitaux, voient leurs revenus s’envoler. Si l’effet positif de la mondialisation, c’est-à-dire la sortie de la pauvreté de millions de personnes dans les pays émergents, est incontestable, le tir doit être rectifié. En effet, pour que les populations occidentales continuent d’apporter leur soutien à ce développement, la croissance doit être "inclusive", et profiter à tous. Les classes moyennes de ces pays ne peuvent être les victimes perpétuelles de la mondialisation.

L’impact du Progrès technologique

Mais un autre phénomène produit les mêmes effets.  En effet, l’innovation technologique à l’œuvre depuis le début des années 80 a largement contribué à la mise en place d’un marché de l’emploi à double facette. Entre les moins qualifiés confrontés au chômage et à la concurrence mondiale, et les personnes les plus qualifiées qui arrivent à s’insérer dans l’économie des nouvelles technologies, du numérique, la fracture est totale.

Tandis que les uns voient leurs salaires stagner sur longue durée, les autres bénéficient du jeu de l’offre et de la demande et voient leurs salaires progresser de façon considérable. Les sociétés actuelles sont aujourd’hui confrontées à l’arrivée massive de la robotisation et de l’automatisation. Ici encore, ce sont les emplois les moins qualifiés qui sont directement menacés.

L’économiste Erik Brynjolfsson, auteur du "Deuxième âge de la machine" le dit clairement : "l'économie basée sur la technologie favorise grandement un petit groupe d'individus en amplifiant leur talent et leur chance, et en augmentant dramatiquement leurs revenus".

De l’autre côté, les emplois les moins qualifiés sont directement menacés, et ce, notamment en période de récession. En effet, les économistes Nir Jaimovich et Henry Siu ont pu mettre en avant ce phénomène. Aux Etats Unis, 92% des pertes d’emplois de compétence moyenne ont été détruits au cours des périodes de récession. Car lorsque la croissance est de retour, les entreprises ont déjà remplacé leurs employés par des machines. Les taches routinières sont peu à peu enlevées aux humains, et automatisées. Mais sans nouvelle formation, les personnes concernées n’auront plus la capacité de s’insérer dans le marché de l’emploi. De plus, et pour achever le tableau, selon les économistes Frey et Osborne, ce sont 47% des emplois actuels qui seraient susceptibles d’être automatisés au cours des 15 prochaines années.

Les politiques publiques se sont révélées incapables de faire face aux récents bouleversements économiques, pour une conséquence simple ; la majorité de la population ne profite plus du développement économique. Le défi est aujourd’hui immense.

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