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Quand les chiffres de l’Insee montrent que la politique du gouvernement ne produit pas les effets escomptés
©Reuters

Epic fail

Selon la dernière note de conjoncture de l'INSEE, la croissance française serait en voie d'accélération à 1.2% pour 2015. Si le gouvernement s'en félicite, ce n'est pourtant pas à sa politique qu'on doit ces chiffres. Et pour cause, ce n'est jamais vraiment de la politique économique que dépend la conjoncture d'un Etat.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Après avoir pris connaissance de cette conclusion de l'INSEE, peut-on dire que les politiques menées par l'exécutif portent-elles enfin leurs fruits ou bien d'autres facteurs sont-ils à l'oeuvre ?

Alexandre Delaigue : Il faut rappeler que de manière générale, la politique économique du gouvernement a peu d'effets sur la croissance. Cela vaut dans les bonnes comme dans les mauvaises périodes. La conjoncture à court terme dépend de la demande (des ménages, des entreprises, du gouvernement, de l'étranger avec les exportations). Le gouvernement peut avoir un impact avec un déficit public, mais ce n'est pas le cas actuellement - la politique budgétaire française est en gros neutre sur la conjoncture. Les facteurs en cause sont la baisse du prix du pétrole, qui agit comme une baisse d'impôts (payés aux pays producteurs de pétrole) pour les ménages et leur laisse de l'argent pour consommer; et la politique de quantitative easing de la BCE entamée en décembre, dont l'une des conséquences est la baisse de l'euro qui soutient les exportateurs.

A plus long terme, les "réformes structurelles" peuvent avoir un effet positif sur la croissance. Ou négatif si ce sont de mauvaises réformes ! Mais celui-ci est imperceptible et ne peut être perçu qu'au bout d'un grand nombre d'années, quand on peut distinguer les effets de fluctuation de la demande pour identifier la tendance de la productivité.

L'économie française est elle réellement devenue plus compétitive depuis le "virage" de l'offre pris par François Hollande en janvier 2014 ?

L'économie française est devenue plus compétitive depuis le quantitative easing de la BCE, grâce à la baisse de l'euro ! C'est la seule chose dont on peut être certain. Pour le reste, la politique du gouvernement semble plutôt brouillonne, consistant à réparer avec une rustine fiscale l'impact négatif d'une autre politique. Tout cela ressemble plus au chien crevé au fil de l'eau qu'à une politique soutenue. Les réformes ne sont pas faites réellement pour améliorer le fonctionnement de l'économie française - de toute façon, contrairement aux idées reçues, dans ce domaine on ne sait pas grand-chose sur ce qui aurait réellement un impact favorable. L'objectif des réformes est plutôt de satisfaire les contraintes européennes, d'éviter l'humiliation (et l'éventuel risque que cela entraînerait sur le marché de la dette publique française) d'une sanction bruxelloise.

Soyons justes, il y a peut être dans la loi Macron des éléments susceptibles d'améliorer le fonctionnement de l'économie, mais a une échelle très faible. Et compensée par d'autres actions anticoncurrentielles dans d'autres secteurs. Quel sera l'effet de la loi renseignement sur le développement des nouvelles technologies en France par exemple? 

Existe-t-il des conditions, ou un contexte nécessaire, pour que ce type de réformes produisent plus d'effets ? Le calendrier utilisé par l’exécutif est-il opportun selon ce schéma ?

Contrairement aux idées reçues, il n'existe pas de liste de réformes susceptibles de profondément changer la tendance de croissance française. Ca ne justifie pas l'inaction : il faut simplement relativiser ce qu'on peut attendre de la politique économique. De manière générale, la question des réformes est surtout leur caractère acceptable par la population. Et pour cela, le mieux c'est une conjoncture favorable. L'autre chose que l'on sait, c'est que réformer coûte cher. Par exemple, flexibiliser le marché du travail, dans un premier temps, risque d'augmenter le nombre de licenciements ; cela passe mieux avec une conjoncture favorable qui permet aux licenciés de vite retrouver un emploi. Réduire le coût du travail significativement coûte très cher.

Comment expliquer que les "réformes structurelles" et la politique de l'offre, aient une telle importance au sein de débat politique français ?

C'est un discours facile. Tout le monde peut voir que des choses ne vont pas, et les politiques sont incités à proposer des réformes, sous l'angle "il faut faire quelque chose face à ce problème". Mais s'il existait des solutions aux problèmes à la fois simples, efficaces, peu coûteuses et qui contentent tout le monde, ça se saurait. En pratique on applique à l'aveugle des idées sans trop se préoccuper des conséquences qui seront subies par le prochain pouvoir. Résultat : les réformes ont soit un effet nul, soit négatif, parfois positif, mais ce n'est pas le plus fréquent.

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