Quand le droit de la concurrence devient un obstacle au développement d'entreprises innovantes et performantes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les autorités se méfient des très grosses entreprises.
Les autorités se méfient des très grosses entreprises.
©Reuters

Le buzz du biz

L'entrepreneur à succès Peter Thiel reproche aux autorités américaines d’avoir une obsession anti-monopole qui empêche les très grandes entreprises de se développer. Décryptage comme chaque semaine dans la chronique "Le buzz du biz".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Peter Thiel est un entrepreneur à succès, un géant d’Internet. Co-fondateur de PayPal, il a investi dès leurs débuts dans les plus belles réussites du web (comme Facebook). Il vient de publier un petit livre, absolument passionnant et très stimulant : "Zero to one". Adapté de cours qu’il a donnés a l’Université de Stanford. Il y décrit comment, selon lui, naissent les innovations de ruptures, celles qui permettent de passer d’une offre inexistante à un produit révolutionnaire.

Peter Thiel s’en prend, à plusieurs reprises, au droit de la concurrence. Le chapitre quatre s’appelle même "l’idéologie de la concurrence". L’investisseur reproche aux autorités (américaines, puisque c’est sur les Etats-Unis que porte presque exclusivement son ouvrage) d’avoir une obsession anti-monopole. Selon lui, le droit tel qu’il existe et est appliqué est un obstacle au développement des entreprises radicalement innovantes et performantes.

Il n’a pas tort.

Le droit de la concurrence, tel qu’il est pensé et appliqué aux Etats-Unis et encore plus en Europe, repose sur l’idée qu’il faut "atomiser" le marché. En clair, plus il y a d’acteurs, plus la concurrence est susceptible d’exister. Pour résumer grossièrement ce qui est beaucoup plus complexe (et richement documenté), l’idée générale est qu’il vaut mieux 10 vendeurs d’un même produit, qui se stimulent pour attirer les clients en baissant leurs prix ou améliorant la qualité de leurs services, plutôt qu’un seul qui pourra faire ce qu’il veut, y compris faire payer très cher ou avoir un service déplorable, puisqu’il est certain que ses clients n’iront pas voir ailleurs.Les autorités peuvent même en conséquence être conduites à intervenir pour diviser le marché, en empêchant les entreprises d’être trop grosses, voire parfois (comme aux Etats-Unis au début du 20e siècle), en les obligeant à se scinder.

Cette logique conduit donc les autorités à se méfier des très grosses entreprises, qui occupent presque seules l’ensemble de leur marché. C’est d’ailleurs bien pour cela que les Européens s’agitent – voire s’excitent – autour de Google, comme ils le faisaient il y a des années autour de Microsoft. Dans la vision du droit de la concurrence, "si c’est gros, c’est dangereux".

Peter Thiel, a l’inverse, sous-tend une logique radicalement différente. Selon lui, si l’entreprise numérique est en monopole, c’est qu’elle a été la première à développer son nouveau produit ou proposer sa nouvelle offre : si elle est seule, c’est qu’elle a été plus maligne que les autres. En un mot, elle est en monopole parce qu’elle est la meilleure. Les autorités ne devraient pas la conspuer, mais l’applaudir.

Rien de très original là dedans. En fait, c’est (pour résumer) ce que défendent des auteurs que la théorie économique rattache à l’ "l'école autrichienne", comme Friedrich Hayek ou Israel Kirzner. Selon eux, la concurrence doit être pensée comme un processus dynamique qui sélectionne les entreprises les plus performantes.

Cela n’est toutefois vrai qu’à une condition : que le marché soit fluide, qu’ils permettent l’entrée de nouveaux acteurs aisément, qui soient susceptibles de venir remettre en cause les entreprises installées. Pour les "autrichiens", ce n’est malheureusement pas le cas : trop souvent, l’Etat impose des réglementations et une fiscalité qui bloquent l’innovation et pénalisent le succès. Le secteur des taxis peut en offrir un exemple : si les VTC ne peuvent pas se développer comme ils le veulent, c’est que la loi les en empêche…

La vision "autrichienne" de la concurrence ne comporte pas d’a priori contre les monopoles, puisqu’ils sont considérés comme des marques de succès, d’innovation et de méritocratie. Paradoxalement, on pourrait même en conclure qu’elle est pour les "champions nationaux", si on entend par là des entreprises performantes et meilleures que les autres.

Les responsables politiques et économiques conspuent le droit de la concurrence qui empêcherait les entreprises de se développer. En France, on le considère trop "libéral". En réalité, il est plutôt d’inspiration interventionniste. Au contraire, c’est plutôt "l’ultra-libéralisme" de Hayek qui soutient les grandes réussites entrepreneuriales.

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