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Quand Daesh s’invite au Festival d’Aix-en-Provence…
©Reuters

Censure ordinaire

Les fanatiques de l’Etat islamique ont été vus sur la scène. Pas trop longtemps quand même…

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Aix-en-Provence, c’est Mozart qu’on assassine. Les assassins sont deux. Le premier d’entre eux s’appelle Martin Kušej, un metteur en scène autrichien très connu. Et son crime a été prémédité. Il a offert une version de « L’Enlèvement au Sérail » relookée et très, très modernisée. Avec lui nous sommes au XXIè siècle, pas à celui de Mozart. Et des guerriers de Daesh ont pris la place des janissaires de l’époque. Plus de palais de pacha, plus de harem, mais des tentes plantées dans le désert.

On ignore les motivations profondes de M. Kušej. Est-il islamophobe ? Voulait-il dénoncer les razzias d’esclaves sexuelles, une spécialité de Daesh ? Ou peut-être souhait-il simplement faire moderne, contemporain pour être apprécié du plus grand nombre ? Peu importe. Il demeure que M. Kušej a assassiné Mozart de la même façon qu’on tuerait un vase XVIIIè siècle en porcelaine de Saxe en le confiant pour rénovation à l’auteur du « Vagin de la Reine ».

L’autre assassin, c’est le directeur du Festival d’Aix-en-Provence : Bernard Foccroule. Il a exigé de M. Kušej le retrait de deux scènes : l’une où l’on voit le drapeau noir de Daesh, l’autre montrant des têtes coupées. Ses motivations ne sont pas plus claires que celles du metteur en scène autrichien. Est-il islamophile ? Craint-il un éventuel attentat terroriste ? Redoute-t-il des protestations, des manifestations organisées par des associations militantes qui ont pour credo « touche pas à mon Prophète, touche pas à mon Islam » ?

Toutes les hypothèses sont possibles. Mais une chose est certaine : Bernard Foccroule assassine une seconde fois Mozart. Cette mise à mort est contenue dans une phrase qu’il a prononcée. « Je ne pense pas que l’on puisse aujourd’hui utiliser l’opéra de Mozart pour un message qui est exactement l’inverse de ce que Mozart a voulu dire, c’est-à-dire que même dans la civilisation opposée il y a en fait la même humanité partagée ».

« Même dans la civilisation opposée, il y a en fait la même humanité partagée » !! Et là on fait quoi ? On hurle ? On crie ? On se tord de rire ? Mozart ne délivrait pas de messages : il faisait de la musique. Goethe non plus n’était pas un spécialiste du message : il écrivait des poèmes. Et Sade ne cherchait pas « à faire sens », comme on dit aujourd’hui : il voulait juste que les femmes se livrent à des contorsions sexuelles susceptibles de satisfaire les désirs masculins.

Message ? Message, vous avez dit message ? Si Martin Kušej est coupable d’avoir mitonné un Mozart sauce Daesh, Bernard Foccroule est tout aussi coupable de l’avoir arrosé avec une sauce niaise et nigaude. « Humanité partagée » ? Mais au temps de Mozart, il n’y avait aucune humanité prêtée par l’Occident chrétien à l’ennemi héréditaire, les mahométans parfois appelés Turcs compte-tenu de l’expansion de l’Empire ottoman.

Tout le monde, ou presque, connaît « L’Enlèvement au Sérail ». Mais pour faciliter la compréhension de cet article, rappelons l’intrigue mise en musique par Mozart. Un noble espagnol, Belmonte, s’est juré de délivrer sa bien-aimée, Konstanze, enlevée par les Barbaresques pour enrichir le troupeau féminin du pacha Selim. Après maintes péripéties le bel hidalgo triomphe des méchants et récupère Konstanze toujours vierge et intacte. Le destin de la captive est emblématique d’une époque et de l’Islam de cette époque. Les navires turcs, ou mahométans, écumaient la Méditerranée. Des razzias maritimes à la recherche d’un butin dont le plus apprécié étaient les femmes. Les harems de l’Orient avait soif, toujours plus soif…. Pour les hommes capturés par les Barbaresques tout pouvait s’arranger moyennant rançon. Ainsi l’auteur de Don Quichotte, Cervantès, passa quatre ans dans les geôles d’Alger avant que sa famille parvienne à réunir le monceau d’or exigé par les esclavagistes arabes.

Pour les femmes, c’était beaucoup plus difficile. De toutes les esclaves sexuelles, les chrétiennes étaient les plus appréciées. Et pour rien au monde, les pachas, émirs et autres sultans ne s’en seraient privés. Des dizaines de milliers de captives européennes, remplirent ainsi (sur plusieurs siècles) les sérails orientaux.

On le voit la musique de Bernard Foccroule n’est pas celle de Mozart. Elle sonne faux puisque ses notes - « humanité partagée » - ont été confectionnées dans les très prospères ateliers du prêt à penser. Sans doute le directeur du Festival ne connaît-il l’origine du mot « Barbaresque ». Je l’ignorais également. Mais je suis allé voir. « Barbaresque » vient de « Barbarie » : c’est ainsi que l’on désignait à cette époque la région de l’autre côté de la Méditerranée qui faisait face à l’Europe. Elle porte d’autres noms depuis. 

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