Punaises de lit : le syndrome d’une déroute des politiques de santé publique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De nombreux témoignages pointent la présence de punaises de lit dans le métro ou les trains.
De nombreux témoignages pointent la présence de punaises de lit dans le métro ou les trains.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Crise minime

RER, métros, train, bus, cinémas … Ces derniers jours, des punaises de lits ont été signalées un peu partout en France.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico : RER, métros, train, bus, cinémas … Ces derniers jours, des punaises de lits ont été signalées un peu partout dans les transports en commun. Alors que les alertes se multiplient, les pouvoirs publics semblent étonnement nonchalants. Comment expliquer ce défaut d’action ? 

Guy-André Pelouze : L’État et les collectivités en France sont dotés de budgets qui représentent plus de 57 % du PIB.

Dans ces conditions, il est naturel que le public se tourne vers l’État au moindre problème, qu’il s’agisse d’un phénomène récurrent, voire insignifiant ou d’un phénomène intercurrent comme une épidémie. Or les missions régaliennes de l’État, défense du territoire, sécurité intérieure et justice sont moyennement assurées. Plus personne au gouvernement ne se risque à parler d’un sentiment d’insécurité. Plus personne ne conteste l’État de précarité de notre armée. Enfin, la population comprend mal un certain nombre de délais et de décisions de justice.

Dans ce contexte, l’infestation récente dans les grandes villes des transports en commun et des logements par les punaises de lit fait figure de crise picrocholine mais pose aussi la question de savoir si l’État doit se mêler de tout.

Les services concernés sont des entreprises qui ont une direction et un management parfaitement responsable face à ce genre de situation. Les logements sont sous la surveillance et la responsabilité des résidents. Il n’y a aucun doute sur le fait que les punaises de lit prolifèrent beaucoup plus facilement en l’absence de nettoyage profond, des logements et en particulier, des literies et des sièges. 

La situation actuelle présente-t-elle un risque sanitaire ? Une prolifération à grande échelle est-elle possible ?

Les punaises de lit sont des insectes qui se nourrissent de sang par piqûre, mais qui ne semblent pas être les vecteurs de maladies qui pourraient être transmises au moment de la piqûre. Par ailleurs, le désagrément est proche de celui des piqûres de moustiques et il n’est pas décrit de situation grave résultant de piqûres multiples.

Dans ces conditions, le risque sanitaire peut être considéré comme minime.

S’agissant de la prolifération, nous sommes déjà dans une prolifération très importante qui s’explique par les capacités de reproduction des punaises de lit et par les températures qui restent élevées. Le temps de doublement de la population des punaises de lit dans les conditions actuelles est de 16 jours. L’absence de baisse de la température moyenne en ce début d’automne est indubitablement un facteur aggravant de la situation.

En 1964, les Parisiens étaient déjà envahis par les punaises de lit. Comment les pouvoirs publics ont-ils réglé la situation, à l’époque ? Est-il possible de faire la même chose aujourd’hui, avant que la situation ne devienne incontrôlable ? 

Lors des deux épisodes les plus marquants de l’infestation par les punaises de lit en France, en 1945 en 1964, l’État et les collectivités ont mis à la disposition des Français un service de désinsectisation basé sur des insecticides chimiques principalement le DDT. Il se trouve que ces insecticides sont aujourd’hui interdits. Cette interdiction est basée sur des risques pour l’espèce humaine de ce type de molécule notamment la demi-vie qui serait de 10 ans. À cette époque le traitement proposé était peut être plus risqué que le mal…Dans ces conditions, nous sommes dans une problématique immédiate qui est celle de nettoyer les appartements et en particulier les literies et les sièges avec l’aspiration qui peut diminuer le nombre d’œufs, la vapeur d’eau et des insecticides autorisés. En revanche on sait que les punaises de lit sont de plus en plus résistantes aux pyréthrinoïdes. C’est pourquoi d’autres substances comme l’acide borique peuvent contribuer à réduire le taux d’infestation. Il faut aussi reconnaître que nous sommes dans une problématique de moyen terme, qui suppose que compte-tenu de la coexistence de l’espèce humaine avec un plus grand nombre d’insectes invasifs, principalement en raison de la démographie, de la diminution, des espaces sauvages et du réchauffement climatique, il faut trouver des insecticides peu nocifs pour l’homme mais très efficaces contre ces Insectes. À défaut des techniques plus sophistiquées peuvent être utiles comme l’intervention génétique.

Finalement, l’État n’est pas la solution contre les punaises de lit. Il s’agit d’intensifier le nettoyage et l’utilisation des insecticides dans les zones présentant des punaises de lit, ce qui suppose le diagnostic de cette présence. Il s’agit aussi de responsabiliser les acteurs, entreprises, ou individus, qui par subsidiarité peuvent agir beaucoup plus efficacement que l’État.

Il n’est pas dénué de sens d’observer d’une part la quasi hystérie autour de ce sujet et d’autre part le silence et l’inaction  qui persistent y compris au niveau de l’État au sujet de l’épidémie de Covid-19. Cette dernière peut encore envoyer nos fragiles en réanimation alors qu’il existe un rappel vaccinal. Il serait utile de consacrer les « faibles moyens » de l’État à proposer la vaccination en allant au contact de ceux qui sont concernés.

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