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Protections sociales, épargne... les symptômes chiffrés qui diagnostiquent une « Pantophobie » aiguë chez les Français
©Romain Doucelin / Hans Lucas / AFP

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La Pantophobie, pour les psychanalystes, c'est la peur de tout... les Français sont les plus malades du monde. Quand on ajoute à la protection sociale l'addiction à l'épargne ou à la dépense payées par de la dette publique, la France est atteinte d'une obsession de la protection qui contribue à son asphyxie

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Cette situation étonnante est évidemment le résultat de choix politiques successifs mais qui répondent à une aversion au risque quasi-culturelle. Les chiffres qui mesurent l'ampleur des demandes de protection donnent le vertige.

1er point, le montant de la seule protection sociale fait de l'Hexagone le pays qui consacre la plus grosse part de son PIB (ensemble des richesses créées) aux dépenses sociales, bien devant l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne, soit 32,2% en 2022. Le total des prestations atteint 850 milliards d'euros, soit 12 550 euros par habitant par an. Les retraites et les dépenses maladie sont les plus gros postes de dépenses, à côté des aides à l'emploi et à l'assurance chômage, à la pauvreté (RMI), et au logement... des chiffres qui font de la France le champion d'Europe et ce n'est pas d'hier. Toutes ces dépenses sont gérées selon des logiques assurantielles ou répondent à des objectifs de solidarité mais correspondent, quoi qu'on dise, à un besoin de protection contre les risques économiques, sociaux ou naturels.

Mais ce n'est pas tout parce qu'à côté de ces dépenses sociales, il existe les dépenses publiques qui servent théoriquement à financer des services publics. Et ces services publics sont théoriquement destinés à protéger ou accompagner le public, la protection civile, la justice, l'éducation nationale, les administrations centrales et locales... et ces dépenses publiques représentent l'équivalent en poids des dépenses sociales, c'est-à-dire près de 30% du PIB.

2e point : Si on prend l'ensemble de ce que coûte la protection sociale et le fonctionnement de l'État protecteur, l'État providence, l'État gendarme ou maître d'école, de l'État régulateur, de l'État justicier ou constructeur... on s'aperçoit que le prix de cette protection collective avoisine les 60% du PIB. Cela signifie qu'un agent économique dont le comportement est rationnel a plus intérêt à travailler à l'obtention d'un revenu d'assistance ou de redistribution, qu'à travailler dans la création nette de richesse. En toute rationalité, cette France n'a aucun intérêt à travailler puisque le système ne lui restitue le fruit de son effort. Alors cette situation aberrante est le résultat d'une aversion au risque. La peur de tout nous pousse à chercher des protections.

3e point, les protections sociales et publiques ont beau être surabondantes, elles ne suffisent pas à calmer les angoisses collectives. Les Français sont aussi parallèlement les champions du monde de l'épargne individuelle, et ce n'est pas une épargne à risque pour engranger des revenus ultérieurs, c'est une épargne de précaution, une épargne liquide, disponible, réalisable à très court terme qui ne rapporte pratiquement rien, dont le seul intérêt est de donner une impression de sécurité. L'épargne est toujours plus abondante en France où le taux d'épargne est le plus élevé (17,7% au 2e trimestre 2023). Cette épargne sert essentiellement à financer l'achat de logements (mais le secteur est en panne) et à faire des placements financiers (assez peu risqués). Au 2e trimestre 2023, le patrimoine financier des Français se compose de 3 693,5 milliards d'euros d'encours de produits de taux (dépôts à vue, épargne réglementée, assurance-vie en euros) et de 2 351,2 milliards d'euros d'encours de produits de fonds propres (actions cotées, non cotées, assurance-vie en unités de compte). Reste l'épargne réglementée des ménages (Livrets A, LDDS, LEP, PEL, etc.) représente une part importante de l'épargne financière et des ressources bancaires et atteint 915,0 milliards (soit 15% du patrimoine financier des Français). Au total, les Français ont constitué un matelas de sécurité de 6 000 milliards d'euros qui n'ont aucune autre utilité économique que de rassurer les Français.

Ces chiffres montrent que tout se passe comme si les Français (les hommes comme les femmes) étaient tétanisés dans leur vie quotidienne puisqu'ils ont peur de tout, de l'État protecteur, comme de l'État administrateur de la vie publique. Pour les médecins psychanalystes, les Français seraient collectivement atteints de pantophobie, c'est-à-dire qu'ils ont peur de tout et pas seulement du lendemain, dans un état dépressif qui hypothèque leur confiance en soi et en leur environnement. Mais surtout, ils sont dans l'incapacité de réagir, ils se replient et se cachent, refusent de s'engager ou de prendre le moindre risque avec un goût prononcé pour la nostalgie du passé. Bref, c'était mieux avant. Alors les sources de ce type de dépression sont multiples, certes, elles peuvent avoir été provoquées par un événement traumatique (le covid) ou des dysfonctionnements de l'environnement. Les résultats les plus fréquents se trouvent dans le refus du plaisir et du risque, y compris dans les relations sociales ou personnelles. On sort là de la simple analyse psychiatrique pour aborder les rives de la politique.

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