Prix de l’énergie : le graphique qui montre l’ampleur de ce que les États-Unis ont gagné grâce aux pétrole et gaz de schiste<!-- --> | Atlantico.fr
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Les États-Unis sont redevenus les rois des hydrocarbures.
Les États-Unis sont redevenus les rois des hydrocarbures.
©Reuters

Le nouvel eldorado

Ce jeudi 25 septembre, Nicolas Sarkozy a plaidé en faveur de l'exploitation du gaz de schiste en France, à l'instar des États-Unis. Et pour cause, les États-Unis sont redevenus les rois des hydrocarbures. La production nationale de gaz naturel, de 511 milliards de mètres cubes en 2005, a bondi à 687 milliards en 2013, tandis que la production de pétrole brut est passée de 302 à 395 millions de tonnes par an entre 2008 et 2012. Et ce uniquement grâce aux hydrocarbures de schistes.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Atlantico : Aux Etats-Unis, la révolution des hydrocarbures de schiste a permis de diminué la facture de gaz de 50% par rapport à il y a huit ans. Quels sont les bénéfices économiques engendrés par leur exploitation ?

Florent Detroy : On a parlé très vite de la compétitivité retrouvée de certaines industries américaines grâce au gaz de schiste. La production d’aluminium, d’acier ou de verre sont également favorisées, en attendant les avantages sur l’industrie alimentaire également très énergivore. Selon une étude de l’université du Michigan, le gaz de schiste pourrait faire économiser au total près de 12 milliards de dollars aux Etats-unis annuellement jusqu’en 2025, et créer, avec toutes les précautions qu’il faut prendre avec ce genre de prévisions, 1 millions d’emplois. Cet avantage va directement concurrencer l’industrie européenne. L’Agence Internationale de l’Energie a ainsi averti cet été que près de 30 millions d’emplois étaient menacés en Europe du fait de la compétitivité retrouvée de l’industrie américaine dans la pétrochimie, les plastique et les engrais.

En quoi peut-on dire que désormais que les États-Unis ont obtenu une certaine indépendance énergétique ?

Sur le gaz, les Etats-unis étaient quasiment en situation d’autosuffisance. Par contre c’est sur le pétrole que la balance commerciale a considérablement évolué. Il y a 10 ans, les Etats-Unis importaient près de 60% de leur consommation. On est tombé aujourd’hui à 40%. C’est bien le fait de la hausse de la production interne. Elle atteint aujourd’hui les 8 millions de barils jours, contre près de 5 en 2008, ce qui a permis de réduire considérablement les importations. Elles étaient encore en baisse de 16% en 2013. Au début du boom du pétrole de schiste, plusieurs analystes ont averti que la baisse des importations touchait d’abord les importations de pétrole d’Afrique de l’ouest, pour des raisons de caractéristiques chimiques, et pas le pétrole en provenance du Golfe. Mais aujourd’hui on voit le même phénomène se produire avec le pétrole d’Arabie Saoudite. L’Agence Internationale de l’Energie a constaté ce mois-ci que ses exportations étaient à un plus bas depuis 2011.

Grâce au gaz de schiste, qui devrait représenter 50 % de la production de gaz d'ici à 2035, les Etats-Unis ont aujourd'hui le potentiel pour devenir un gros exportateur de gaz naturel liquéfié. Dans quelle mesure le pays a-t-il retrouvé leur compétitivité grâce à cette énergie ?

Le pays est tout simplement passé du statut de futur importateur net de gaz à celui de quasi exportateur en à peine 10 ans. Le gouvernement a quelque peu tardé pour donner son accord à l’exportation de gaz par GNL, même si certaines compagnies travaillaient déjà à inverser le sens des stations de liquefaction construites pour accueillir du gaz importés (GNL). Ces sociétés sont aujourd’hui courtisées par de nombreuses compagnies étrangères, au premier rang desquelles des compagnies japonaises, mais aussi de certains pays européens, dont la France. EDF devrait importer du gaz, notamment de schiste, des Etats-Unis depuis qu’il a signé un contrat d’approvisionnement avec le pionnier du gaz de schiste américain Cheniere. Il faut également souligner un fait, c’est que l’industrie des hydrocarbures de schiste devient de plus en plus compétitive. Si le nombre de puits forés reste stable depuis 2 ans, la production continue d’augmenter. On fore autant mais avec un meilleur résultat. Cette industrie a gagné en compétitivité.

Nicolas Sarkozy s'est prononcé en faveur de l'exploitation du gaz de schiste, lors de son premier meeting à Lambersart ce jeudi 25 septembre, déclarant : "Je ne peux pas accepter que les États-Unis soient devenus, du point de vue de l'énergie, indépendants grâce au gaz de schiste et que la France ne puisse pas profiter de cette nouvelle énergie". Peut-on l'envisager en France ? Quelle est actuellement la législation ?

La législation interdit purement et simplement l’utilisation de la technologie de la fracturation hydraulique en France. Même les quelques points d’inflexion présents dans la loi, notamment un soutien à la recherche publique pour étudier ces ressources, n’ont pas été mis en oeuvre. Et le projet de réforme du code minier, présenté l’année dernière, a laissé de côté la question du gaz de schiste. Toutefois les choses bougent, mais très doucement. C’était légèrement perceptible avec les déclarations de la ministre de l’écologie Segolène Royal, qui a laissé la porte ouverte à l’utilisation de nouvelles technologies. Par contre les lobbyistes eux font de plus en plus de bruit, en dépit du départ d’Arnaud Montebourg qui était leur plus fidèle relais. Plusieurs think tank ont également soulevé à nouveau la question ces derniers mois, dont l’Union de l’industrie chimique, Terra Nova et l’Institut Montaigne.

Quels sont les points communs et les différences en termes de réserves et de potentiel économique ?

La France disposerait de réserves importantes. Mais cette richesse ne signifie pas grand chose, car le succès américain a été permis par la singularité de sa legislation et de son territoire. D’abord c’est l’Etat qui est propriétaire des réserves du sous-sol en France, alors que c’est le citoyen aux Etats-Unis. Une exploitation ne profiterait donc pas à la population directement. Ensuite le coût d’exploitation serait sensiblement plus élevé en France, autour de 9$ le MBTU (million de British Thermal Unit) selon l’Institut Montaigne, soit près du niveau de prix actuel, qui évolue entre 10 et 12$ le MBTU. Il est proche de 7 aux Etats-Unis selon les professionnels, le gain serait donc moindre. Enfin, aux Etats-Unis, l’utilisation de marché spot a permis de répercuter la baisse des prix sur le consommateur. A l’inverse, comme le souligne Thomas Porcher, professeur à l’ESG Management School et spécialiste de l’industrie pétrolière, les prix du gaz en France sont fixés selon des contrats de long terme. Et il est probable que les prix s’aligneraient sur les prix les plus hauts, ceux des contrats à long terme. Le consommateur ne profiterait donc quasiment pas de l’exploitation d’un gaz de schiste français.

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