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Privatisations, attractivité, liberté du travail : que ça plaise ou non, Bruno Le Maire brise les tabous et fait le job
©Reuters

Atlantico Business

Bruno Le Maire ne lâche pas le train des réformes, quitte à briser quelques tabous : sur les privatisations et la restauration des marges de compétitivité notamment.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Après une semaine où le président a montré qu‘il voulait présider et que le Premier ministre s’est défini un rôle de gouvernant du quotidien, Emmanuel Macron s’est installé au salon de la maison, il a mis Edouard Philippe à la cuisine. Tout est en ordre.

Du coup, le ministre de l’économie a les coudées franches pour endosser un habit de régisseur des affaires du royaume et réaliser ses ambitions de réformes.

Il est convaincu que ce pays doit être débloqué. Il l‘avait écrit dans son programme de candidat que peu de gens avait lu - et pour cause, il nous tombait des mains. N’empêche que ceux qui ont regardé son programme se sont aperçus que sur le diagnostic et sur les thérapies à suivre, Bruno Le Maire était en phase avec le programme Macron, qui lui était, évidemment, beaucoup moins détaillé.

Par conséquent, au moment où le Premier ministre fait un pas de deux en arrière sur les promesses Macron, parce qu’il a le sentiment que le menu qu’il prépare va paraître amer à certains, au moment aussi où le corps des hauts fonctionnaires fait pression pour dire qu’il faut laisser du temps au temps, Bruno Le Maire, lui, se presse de bouger, quitte à briser quelques tabous.

Trois exemples.

Le premier concerne le blocage du centre de fabrication d’équipements de GM&S. Cet équipementier de Sept-Fons, dans l’Allier, était bloqué depuis plusieurs jours, ce qui gênait considérablement PSA Peugeot Citroën pour récupérer des pièces. "Nous sommes dans l'obligation d'engager des moyens exceptionnels et coûteux", a déclaré un porte-parole de l'entreprise. Le groupe automobile PSA a donc annoncé mercredi qu'il avait eu recours à un hélicoptère pour faire sortir sa production du site industriel bloqué par les salariés de l'équipementier. "Du fait de l'absence d'action de déblocage résultant de l'inaction des pouvoirs publics, nous sommes dans l'obligation d'engager des moyens exceptionnels et coûteux pour alimenter nos sites de production en France", a déclaré un porte-parole de l'entreprise. Interrogé à la télévision, Bruno Le Maire a dit qu’il ferait évacuer les manifestants qui empêchent l’usine de livrer. "Le droit de grève est un droit reconnu dans la Constitution, mais des manifestations qui visent à entraver la libre circulation entre un atelier et l’extérieur sont illégales." Sous entendu, ça ne durera pas et les syndicats seront sanctionnés. Les syndicats ont compris qu’ils jouaient contre leur camp en persistant. Ils ont levé les barrages et accepté de négocier.

Bruno Le Maire a touché là à un point particulièrement sensible pour les chefs d’entreprise qui n’ont jamais compris qu’on laisse parfois des syndicats s’attaquer à l’outil de travail.

Le deuxième exemple porte sur la croisade qu’il a entreprise pour défendre la compétitivité des entreprises, et surtout l’attractivité de Paris et de la France. Le thème est très porteur parce que l’attractivité, c’est le nerf de la guerre économique. Edouard Philippe l’a bien compris. Politiquement, c’est plus vendeur que de baisser le prix des lunettes ou de monter celui des cigarettes. Il va donc y avoir une concurrence au sein du gouvernement. Sauf que, dans ce domaine, tout finit par passer par Bercy. Le chantier est considérable. Alors que le Premier ministre est prêt à reculer sur la question de l’exonération de charges en remplacement du CICE, alors qu’il pourrait repousser l’instauration de la flat taxe de 30% sur les revenus du capital, le ministre de l’Economie est harcelé par les demandes de remplir les promesses. Il faudra donc les tenir et aller sur le terrain des règlementations trop lourdes, de la complexité fiscale, des financements. Mais ce qui frappe, c’est le discours et l’attitude pro business. L’enjeu immédiat est important. Il s’agit d’attirer les investisseurs, d’attirer les anglais. Il s’agit de renforcer l’attractivité de Paris et de la France entière. Et ça marche ? Ca marche à l’étranger chez les expatriés, mais ça résonne aussi favorablement en France. Le son est porteur de pragmatisme et le pragmatisme, c’est le lit des chefs d’entreprise. Evidemment, ça tranche avec le discours très idéologique qu’on leur tenait auparavant.

Le troisième exemple porte sur le dossier des privatisations. Alors que ni le président, ni le Premier ministre n’ont abordé cette question, Bruno Le Maire annonce un fonds de l’innovation doté de 10 milliards d’euros destiné aux entreprises de la nouvelle économie, mais qui sera financé par la cession de participation de l’Etat. Donc théoriquement, l’Etat n’a rien à faire.

Bruno Le Maire va donc trier dans le portefeuille de l’Etat, ce qui est vendable et ce qui ne doit pas l’être. Un beau débat en perspective.

"J’assume, dit-il, d’annoncer des cessions d’actifs importants qui permettra au contribuable de savoir que cet argent est placé dans des industries du futur, alors que jusqu'à maintenant, cet argent finançait le passé."

L’Etat a un beau portefeuille de plus de 70 milliards d’euros : ça va de ParisAéroports à Air France, en passant par KLM, Renault, Engie, Orange. Auxquelles il faudrait ajouter EDF.

Michel Sapin avait tenté de faire une opération semblable, mais il s’était arrêté à la vente de titres Safran pour récolter 365 millions d’euros. Au début de cette année, l ‘APE (Agence des Participations de l’Etat), avait été plus volontaire puisqu’elle a réussià vendre des titres Engie pour 1,14 milliards d'euros et à reclasser les titres Peugeot à la BPI pour 1,86 milliards d’euros.

La grande majorité des participations de l’Etat sont cristallisées dans la vieille économie. Ce sont ces valeurs dont Bruno Le Maire voudrait se débarrasser et récolter au passage 10 milliards d’euros. L’objectif étant de se dégager des secteurs en concurrence et des secteurs un peu vieux pour renforcer la présence française dans les nouvelles technologies, là où gagnent déjà Airbus, Orange, Thalès, Safran et EDF.

Le vrai problème, ce sont les participations d’Etat dans des secteurs qui ont une vocation de service public, mais qui sont en réalité en concurrence sans avoir les moyens d’assumer cette concurrence : la SNCF, la RATP, et la Poste. Entreprises encore intouchables. Auxquelles Bruno Le Maire ne touchera pas. Il y a trop d’idéologie dans l’air. Cela dit,même les autres sociétés publiques sont encore un tabou que beaucoup au gouvernement ne veulent pas transgresser. L’imagination des gouvernants, des administrations et des hommes politiques pour justifier les entreprises d’Etat est illimitée. Entreprises avec des missions de service public, entreprises sensibles et stratégiques etc. Normal, logique. Aujourd’hui, l’important, c’est que le ministre ouvre la porte.

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