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Ce premier printemps arabe que tout le monde a oublié
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Souviens-toi le siècle dernier

Législatives en Tunisie ce dimanche. L'occasion de vérifier si le "printemps arabe" a des conséquences dans les urnes. Souvenons-nous que la vague de démocratisation qu'avait connue le monde arabe au milieu du XXe siècle s'était elle achevée plus vite que prévu...

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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L’organisation des premières élections constituantes en Tunisie est un évènement majeur du « printemps arabe ». Mais il ne doit pas faire oublier que le monde arabe, réputé imperméable à la démocratie, a connu au milieu du XX° siècle un début de libéralisation politique. L’échec de ce premier moment démocratique est riche d’enseignements. La démocratisation s’est heurtée au poids des inégalités sociales, à la méfiance de la « rue arabe » envers l’Occident et au rôle pernicieux des nationalistes, dont le rôle est aujourd’hui tenu par les islamistes radicaux.

Au lendemain de la première guerre mondiale et de la chute de l’empire ottoman, la France et le Royaume-Uni se partagent le Moyen-Orient. Les deux puissances y introduisent des systèmes parlementaires très proches des démocraties occidentales, même si les libertés y sont plus limitées. Ainsi, dans la Syrie française, Hashim Al-Atassi est élu président en 1936. Patriote, il s’oppose ensuite à Paris, obtenant l’indépendance du pays dix ans plus tard. En Egypte et en Irak, qui s’émancipent assez vite de l’Angleterre, les rois Fouad Iier et Fayçal Ier cohabitent avec des parlements élus.

Mais ces démocraties naissantes fonctionnent mal. En Syrie, la décennie qui suit l’indépendance de 1946 voit se succéder vingt gouvernements et quatre constitutions. Fondées sur le soutien des élites locales, les jeunes démocraties arabes sont très imparfaites. Elles ont du mal à réduire les inégalités sociales, très fortes dans les sociétés du Moyen-Orient.  En Egypte, le roi Farouk, successeur de Fouad, mène une vie fastueuse (il mange 600 huitres par semaine) qui choque la population. En Irak, le jeune roi Fayçal II aurait inspiré Hergé dans sa création d’Abdallah, le fils de l’émir du Khemed… Quant aux minorités ethniques et religieuses, elles sont souvent réprimées.

Les régimes en place souffrent également du poids des puissances coloniales. Ainsi, en 1941, les Britanniques renversent le régime du premier ministre irakien Gillani qui se rapprochait de l’Allemagne nazie. Celui-ci se réfugie à Berlin où il rencontre Hitler et forme un gouvernement en exil. Peu avant l’entrée des troupes anglaises dans Bagdad (où avait été publiée, en 1934, la première traduction de Mein Kampf en arabe), des partisans de Gillani organisent d’ailleurs un pogrom contre la communauté juive. Dans les années 1950, le premier ministre Nouri Saïd se rapproche au contraire de l’Occident en créant le pacte de Bagdad, une alliance avec la Turquie, l’Iran et le Pakistan dirigée contre l’URSS, qui provoque la fureur des nationalistes arabes.

C’est la montée en puissance de ce mouvement nationaliste, incarné notamment par un parti socialiste, national et panarabe, le Baas, qui met fin à cette première expérience démocratique. En 1952, Nasser renverse la monarchie égyptienne et instaure un régime militaire et républicain qui perdure jusqu’à Moubarak. En Syrie, l’instabilité débouche sur la confiscation du pouvoir par l’armée et le parti Baas. Enfin, en Irak, le 14 juillet 1958, des militaires putschistes massacrent à la mitrailleuse le roi Fayçal II et sa famille. Le premier ministre Nouri Saïd, qui tente de s’échapper habillé en femme, est reconnu (il a oublié de changer de chaussures) et fusillé. Son corps, déchiqueté par la foule, est promené dans les rues de Bagdad. Quelques années plus tard, l’Irak passe sous la férule de Saddam Hussein et du parti Baas.

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