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La primaire de gauche rattrapée par la vengeance de François Hollande
©IAN LANGSDON / POOL / AFP

Triple bande

En affichant ostensiblement son absence totale d’intérêt pour la consultation qui s’achèvera dimanche, le locataire de l’Élysée contribue à décrédibiliser le candidat qui sera élu dimanche. Et donne ainsi un sacré coup de pouce à Emmanuel Macron.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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François Hollande a annoncé que, bien qu'étant à Paris, il ne voterait pas au second tour de la primaire de la Belle Alliance Populaire. Pourquoi tourne-t-il ainsi le dos au parti qu'il a dirigé si longtemps et qui lui a permis d'être élu ?

François Hollande a donné un avant-goût du peu d’intérêt qu’il porte à cette primaire au cours de la campagne, ne regardant qu'une partie du premier débat des candidats de la primaire, choisissant d'aller au théâtre lors du deuxième débat et suivant le troisième, seul devant sa télévision, depuis la préfecture des Ardennes où il passait la nuit. Il y a plusieurs raisons à ça. Tout d'abord la raison officielle donnée par son entourage : "Le président a toujours dit que s'il avait souhaité peser sur la primaire, il aurait été candidat. Et comme il a fait le choix de ne pas l'être, il entend rester le président de tous les Français et laisser vivre le débat interne à la gauche ». Mais l'explication officielle est un peu légère. La volonté de laisser vivre le débat n'est, bien entendu, pas la première des motivations du Président. Il en a de plus prosaïques. En effet, il sait depuis longtemps cette primaire vouée à l'échec. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a décidé de ne pas y participer. Il a compris que le rejet dont il fait l'objet rejaillit sur tout le PS dont une partie des électeurs se sont d'ores et déjà détournés. Ils 'agit donc pour le chef de l’État de ne pas être associé à une consultation qui ne mobilise que très peu et qui mobilise contre lui. Mais l'effet est désastreux.

Cette prise de distance, ostensiblement affichée depuis le second débat, qu'il n'a même pas souhaité regarder, ne comporte-t-elle pas un message subliminale ?

Bien sûr, en bon mitterrandien, François Hollande affectionne les messages non dit. Le Président aurait très bien pu s’interdire tout commentaire sur la primaire de la BAP tout en s'intéressant aux débats et en allant voter. Sa démarche va bien plus loin que la simple volonté de rester neutre. Lorsqu'il s'affiche au théâtre, aux cotés d'Audrey Azoulay, c'est bien pour que les français le voient, constatent qu'il n'est pas devant son écran et en parlent. Il indique ainsi que la vie est ailleurs, que la politique ne tourne pas autour de la primaire de la BAP. Dans le même temps, un certains nombre de ses proches expliquent, en triple off pour l'instant, qu'eux-mêmes s’apprêtent à soutenir Emmanuel Macron et que le Président pourrait prochainement faire de même. Si l'on corrèle ces deux anecdotes, ont comprend mieux le message : le PS est mort, vive Macron. Alors certes, selon RTL, François Hollande aurait tout de même pris le temps de passer un coup de téléphone à Manuel Valls. Ça s’appelle faire le minimum syndical. François Hollande, qui est un fin politique, a compris que l'ancien ministre de l’Économie était le seul à pouvoir hisser la gauche au second tour de la présidentielle, à une condition cependant : que le candidat du PS s'efface derrière lui. Le chef de l’État pousse donc dans ce sens en affaiblissant celui qui sera élu dimanche. Mais en politique la fin de justifie jamais les moyens.

Quelles conséquences cette prise de distance pourrait-elle avoir à long terme ?

Bernard Kouchner le résume assez bien dans une interview accordée ce matin au Parisien : « Face à la division du PS, à la grande explication entre les courants, il va au théâtre chez Drucker. Il y a là un mépris difficile à supporter ! ». En effet, on pourrait dire que François Hollande a déjà tourné la page de la politique, et préfère se concentrer sur son propre avenir. Le Président a fait savoir qu'il entendait, à l'issue de son quinquennat, se consacrer à une fondation. Mais sa parole a encore valeur de symbole d'autant qu’il est toujours en fonction. Le PS, c'est le parti qu'il a dirigé, le parti qui lui a permis d'être élu Président de la République à l'issue de primaires comme celles d’aujourd’hui. Or, que dit-il en tournant le dos à la consultation qui se déroule actuellement : ce parti est mort, ces primaires ne servent à rien. Il casse l'appareil qui l'a fait roi, et se moque, cruellement, des électeurs qui, eux, ont fait l’effort de se déplacer dimanche dernier et voteront à nouveau dimanche prochain. La politique meurt de cette absence de sincérité, de ces coups de billards à trois bandes et sa mort nourrit le populisme.

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