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Priligy : pourquoi aucun médicament ne pourra à lui tout seul soigner l'éjaculation précoce
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Remède miracle ?

Un nouveau médicament sera très prochainement mis en circulation pour lutter contre l'éjaculation précoce. Cependant, son effet "dopant" ne remplace pas un vrai traitement qui permet de traiter la source même du problème.

Pascal De Sutter

Pascal De Sutter

Pascal de Sutter est psychologue-sexologue et enseigne dans plusieurs universités de France et de Belgique, dont Lille et Metz. Il est l'auteur, avec Catherine Solano, de plusieurs ouvrages sur la mécanique sexuelle des hommes aux éditions Robert Laffont : La mécanique sexuelle des hommes : l'éjaculation. Il organise également des séminaires d'épanouissement conjugal, voir le site les sens de l'amour Il est le co-fondateur du site ma santé sexuelle.

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Atlantico : La dapoxétine, premier médicament contre l'éjaculation précoce, devrait être commercialisé très prochainement en France sous le nom de Priligy. Elle est déjà en circulation dans plusieurs pays européens comme l'Espagne, l'Allemagne ou la Suède. A-t-on observé des améliorations concrètes pour les hommes sous traitement ?

Pascal de Sutter : Ce médicament a pour effet secondaire de ralentir la venue de l'éjaculation chez environ 70% des hommes. Il prolonge l'attente éjaculatoire, et a un effet meilleur que celui d'un placebo. Les études en double aveugle mises en place pour éviter que les personnes ne soient influencées montrent en effet que les personnes qui prennent un placebo (le médecin lui-même ne sait pas s'il distribue un placebo ou pas) ont de meilleurs résultats.

Comment agit ce médicament ?

Il diminue un peu les réflexes, et agit donc sur l'éjaculation qui est un réflexe que l'homme ne peut pas contrôler. Ce n'est pas l'idéal pour les personnes qui ont un métier qui repose beaucoup sur les réflexes rapides, on déconseille par exemple à certaines personnes de conduire après avoir pris ce type de médicament.

Cependant, il y a un inconvénient : il ne guérit pas du problème. C'est un peu comme un dopant qui ralentit artificiellement le réflexe éjaculatoire, il n'apprend pas aux hommes comment contrôler leur propre corps. C'est un peu comme certains sportifs qui par manque d'entraînement se blessent régulièrement, et à qui on prescrit un traitement pour que leurs blessures ne leur fasse pas trop mal, et ne les empêchent pas de pratiquer. Autre exemple : ce n’est pas un dopant qui apprend aux cyclistes à pédaler ! Le dopant va lui permettre de réaliser, de manière artificielle, des performances auxquelles il n’est pas habitué, qu’il n’est pas capable d’avoir en temps normal.

Même en n’ayant aucune idée de comment s’y prendre pour avoir une relation sexuelle de qualité, le médicament permettra à l’homme d’avoir une éjaculation et ainsi de donner une apparence plus ou moins convenable.

Quels sont les effets secondaires ?

Ils sont les mêmes que ceux d'un antidépresseur, puisque ce médicament appartient à la famille de ces derniers. Au départ, il n'a pas été conçu pour traiter l'éjaculation prématurée, il était fait pour résoudre les problèmes de dépression. On s'est rendu compte un peu par hasard qu'il avait cet effet secondaire. C'est donc un médicament qui a des effets sur le cerveau, multiples et divers, y compris sur ce réflexe éjaculatoire.

A partir de quel moment un homme est-il considéré comme éjaculateur précoce ? 

On considère qu'un homme est éjaculateur précoce lorsqu'il éjacule avant qu'il ne le souhaite, ou que sa partenaire ne le souhaite. En moyenne en moins de deux minutes et en moins de 20 mouvements de va-et-vient dans le vagin. Certains spécialistes considèrent que c'est à partir de trois minutes, d'autres cinq minutes.

Mais un éjaculateur précoce ne perd pas le contrôle sur l'éjaculation car c'est un réflexe incontrôlable. Il le perd par définition sur son excitation sexuelle. Le réflexe vient donc le surprendre alors qu'il est en pleine montée excitatoire. Il faut apprendre à contrôler son excitation sexuelle, c'est l'objectif du traitement le plus efficace de l'éjaculation prématurée.

Existe-il un risque que des hommes se ruent sur la dapoxétine alors qu'ils n'en ont pas besoin ?

On peut avoir le même risque que le viagra, des hommes qui n'en ont pas forcément besoin vont se bourrer de viagra et de dapoxétine pour avoir une érection forte et ne pas éjaculer trop vite. Un des risques est effectivement que les gens prennent ce médicament au lieu d'apprendre à se contrôler. Les comportements sexuels appropriés sont un apprentissage. Chez l'être humain comme chez certains primates, il faut apprendre certaines positions, les bonne manières de faire pour avoir une vie sexuelle épanouie.

Il est tout à fait possible d'apprendre à ne pas éjaculer trop vite, d'ailleurs la plupart des hommes y travaillent eux-mêmes. 70% des hommes ont compris comment ne pas éjaculer trop vite en travaillant sur leurs mouvements et leur respiration. Il suffit d'apprendre aux malheureux 30% comment faire. Il est plus cohérent d'apprendre à bien faire plutôt que de prendre un médicament pour le reste de sa vie qui n'est pas complètement dénué d'effets secondaires.

Ces problèmes peuvent se résoudre par un apprentissage relativement simple : en maximum dix séances d'environ une demi-heure, pratiquement tous les hommes (90% d'après nos études) peuvent apprendre à contrôler leur corps pour ne plus éjaculer trop vite.

De quels autres moyens les hommes disposent-ils pour pour mieux gérer leur excitation?

Les trois moyens efficaces de lutter contre l’éjaculation précoce pour un homme sont : l'apprentissage du contrôle de sa respiration, de ses mouvements et de sa tension musculaire. On peut également accélérer la fréquence des relations sexuelles et améliorer la communication avec la partenaire. Les scientifiques ont notamment prouvé l’efficacité du "stop-and-go". Malheureusement, de trop nombreux médecins préfèrent prescrire un médicament en 5 minutes de consultation plutôt que d’engager un dialogue plus long qui pourrait soulever les véritables problèmes et cibler des méthodes "douces".

L’un de mes confrères et moi-même avons inventé la bibliothérapie, et nous l’avons diffusée en France et en Europe. Par la lecture, et une technique écrite, la patient va apprendre lui-même à se contrôler. Les taux de succès sont de l’ordre de 70%. Le livre en question s’appelle L’éjaculation prématurée aux Presses universitaires de Louvain, et l'auteur est par François de Carufel. Ainsi l’homme n’a pas besoin de consulter un médecin, un psychologue ou encore un sexologue.

Les médicaments ont leur utilité chez les patients hyper anxieux, ou en situation de crise, voire au bord du divorce s’ils n’améliorent pas de suite leur problème. Certains ont totalement perdu confiance en eux et en viennent à ne plus oser aborder une femme et lui faire l’amour. Pour eux, les médicaments offrent l’occasion de retrouver confiance rapidement. Ensuite, une fois le blocage passé, le relais est donné aux techniques douces. Par contre, remplacer radicalement l’apprentissage par la prise de médicaments de ses 20 ans à ses 60 ans, c’est une approche à la fois coûteuse et inquiétante pour la santé des individus.

A terme, ce médicament peut-il remplacer l'universel viagra considéré à tort comme remède à tous les maux sexuels masculins ?

L’objectif n’est pas le même. Le viagra ne ralentit pas l’éjaculation, il donne de meilleures érections. Alors que l’on peut tout à fait avoir une  bonne érection et éjaculer vite. Et inversement. L’autre médicament, la dapoxétine est très utile, mais différente du viagra.

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