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Présidentielle, 
à chaque idée son candidat ?
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EDITORIAL

Eric Cantona vient d’écrire aux Maires pour obtenir 500 signatures et se lancer dans la présidentielle, ou plus exactement pour inviter le thème du logement dans la campagne. Chaque idée doit-elle avoir son candidat ?

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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La campagne présidentielle est LE grand rendez-vous démocratique, c’est l’occasion unique au cours de laquelle on réfléchit à un programme pour la France, on affirme des convictions, une certaine vision, on en débat, etc. Enfin, c’est théoriquement ce moment-là, bien particulier. Car c’est aussi une « occasion à saisir » pour placer une idée, une cause, un thème dans l’agenda. La campagne présidentielle peut en effet être une formidable opportunité, capable de placer certaines thématiques sous les feux de la rampe médiatique. De ce point de vue, c’est une énorme caisse de résonance. Mais doit-on nécessairement pour cela se porter candidat ? D’ailleurs Eric Cantona ne l’est pas vraiment, il souhaite « seulement » faire du logement LA priorité de la présidentielle, sans forcément aller jusqu’au bout. Si la cause est louable, si l’engagement est certainement sincère, si c’est effectivement un enjeu et une préoccupation réelle pour certaines catégories de populations, suffit-il pour autant de poser la question au milieu de la table ? Quelle est l’analyse objective de la situation, des actions entreprises par le gouvernement ces dernières années ? Quelles propositions « de candidat », quelles solutions, pour quels objectifs ? Il est utile et bénéfique de pouvoir débattre de tout, dans une volonté de progrès, mais chacun doit-il pour autant être candidat pour défendre les idées qui lui sont chères ?

Lundi François Fillon ironisait à propos de la tonalité pseudo gaullienne des propos de François Hollande dans Libération. Il en est de même ici, n’est pas Coluche, ou dans un autre registre, Nicolas Hulot, qui veut. Celui-ci avait réussi en 2007 à inscrire l’environnement dans l’agenda de la campagne présidentielle parce que c’était à l’époque (déjà depuis quelques années) une thématique « nouvelle » (en terme de prise de conscience), portée par quelqu’un de légitime (mais pas seul en terme de discours), enrichie de propositions, habilement mise en scène, interpellante et structurante (en terme de modèle économique et de société). D’une autre manière, et plus récemment, Arnaud Montebourg a lui aussi invité une thématique, celle de la « démondialisation », lors des primaires du Parti Socialiste. Là aussi, une thématique « à succès » car elle peut interpeller tout le monde, remettre en cause des modèles, et dont l’actualité est dans l’air du temps. Un débat, de primaires, ou présidentiel, révèle alors ces enjeux.

Pour ces raisons, contrairement aux souhaits d’Eric Cantona, je ne pense pas que le logement devienne le thème central de la campagne. Dans un autre registre, en octobre dernier, le cancérologue Victor Izraël avait quant à lui décidé d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle pour inciter le gouvernement à relancer le plan cancer très largement insuffisant à ses yeux. Une annonce qui avait fait pschitt. Malgré la pertinence des thèmes, ne dicte pas l’agenda présidentiel qui veut. La maitrise de l’agenda est redevenu l’enjeu prioritaire des principaux candidats en lisse. C’est cette maîtrise, ce rythme, cette capacité à avoir toujours une idée d’avance qui avait, en partie, fait le succès de Nicolas Sarkozy en 2007. Depuis quelques semaines, le Président de la République, très en inconfort en réaction, en suiveur ou en spectateur (rappelez-vous la douloureuse séquence des primaires PS pour l’UMP), tente de reprendre la main sur le cours des choses, sur l’actualité politique. Et ces stratégies politiques proches des plannings rédactionnels, en renouvellement permanent des sujets, sont parfaitement en phase avec le fonctionnement des médias aujourd’hui, où un sujet chasse l’autre. Le triple A sera déjà une histoire ancienne lorsque la France sera dégradée.

Mais surtout, quelle leçon tirer de ces séquences présidentielles ? Certainement pas une critique du nombre élevé de candidats, de propositions en débat, de bouillonnement, quand bien même il serait trop superficiel et éphémère. C’est une séquence démocratique, chacun peut s’exprimer et aucun sujet ne doit être tabou. En revanche, j’aimerais pour ma part (si chacun peut s’exprimer, même non footballeur) qu’au-delà de l’échéance présidentielle, nous puissions inscrire dans l’agenda démocratique des rendez-vous hors scrutins, des « échéances non électorales », où, à l’instar de ce qui peut se faire aux Etats-Unis, le chef de l’Etat, élu mais ne disposant pas d’un blanc-seing pour 5 ans, puisse une fois par an livrer un bilan d’étape de son programme « de candidat ». Une forme d’équivalent du discours sur l’état de l’Union prononcé au mois de janvier par le président américain devant la chambre des représentants et le Sénat. Il ne s’agit pas de pointer du doigt les promesses non tenues (quoique), mais surtout de mesurer ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Nous avons trop tendance à recommander des solutions et à ériger des lois dont nous passons plus de temps à débattre a priori qu’à mesurer les effets a posteriori.

Ce serait aussi un formidable moyen de maintenir le cap, d’éviter de ne dresser des bilans qu’à l’aube de nouveaux scrutins, ce qui les rend nécessairement partisans, et donc moins audibles. Si les Présidents sont devenus des candidats permanents, ayons un débat présidentiel chaque année !

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