Présidentielle 2022 : le mirage du vote caché, l’ultime espoir d’Eric Zemmour lors du meeting du Trocadéro<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour lors du meeting au Trocadéro durant la campagne présidentielle de 2022.
Eric Zemmour lors du meeting au Trocadéro durant la campagne présidentielle de 2022.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Bonnes feuilles

Marylou Magal publie « La BéréZina Eric Zemmour Autopsie d'une déroute électorale » aux éditions du Rocher. Marylou Magal raconte les coulisses de la déroute d’Eric Zemmour lors des élections présidentielles et législatives ainsi que cette OPA politique manquée sur la droite. Extrait 2/2

Marylou Magal

Marylou Magal

Journaliste politique au Figaro après avoir suivi les élections présidentielle et législatives pour L'Express, Marylou Magal traite en particulier de l'extrême droite et de la droite « hors les murs ». Elle a publié « La BéréZina Eric Zemmour : autopsie d'une déroute électorale » aux éditions du Rocher.

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La place du Trocadéro est comble, ce 27 mars 2022. Éric Zemmour, debout sur une estrade, fait face à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Il marche, enfin, dans les pas de Nicolas Sarkozy et François Fillon. Sous un soleil éblouissant, il lève les mains au ciel. Et jure, lui aussi, qu’il fera mentir les sondages. Car celui qui se prenait à rêver d’un second tour n’est désormais que le quatrième homme de cette élection, derrière Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. À deux pas de la scène, un homme seul se fond dans la masse. Il observe le tableau, un vague sourire aux lèvres. Cet homme, c’est Paul-Marie Coûteaux, figure des milieux conservateurs. À Villepinte, il avait pris la parole devant une foule électrisée pour encenser son ami. Jadis fervent soutien, il n’est aujourd’hui qu’un spectateur dubitatif, qui contemple de loin une opportunité ratée. « J’avais pourtant fait part de mes réserves, mais ils ont pêché dans leur positionnement de départ, ils n’auraient pas dû verser dans une telle radicalité », regrette-t-il.

Qu’importe. Ce samedi, sur cette place symbolique, Éric Zemmour veut lancer un appel à la « droite Trocadéro ». Ces électeurs déçus de François Fillon, victimes d’un sentiment de spoliation, déjà radicalisés par le précédent scrutin, certains de s’être fait « voler l’élection ». À la tribune, il se pose en héritier de la « droite forte », celle qui ne transige pas. « J’ai choisi le Trocadéro pour venir laver les affronts de la droite, à qui on a trop longtemps volé son vote », revendique-t-il, rejetant la « division », « cause profonde de nos échecs », et appelant au rassemblement. « J’ai des amis chez LR et au RN, ils auront toute leur place à mes côtés, assure-t-il. J’aurais besoin de FrançoisXavier Bellamy, Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, Nadine Morano et Jordan Bardella, car c’est l’idée que je me fais de l’union des droites et de la France. » Ses soutiens, massés sur la place parisienne, sont galvanisés. Chauffés à blanc par des discours centrés sur les questions migratoires et civilisationnelles. Les intervenants ne touchent plus terre, s’enflamment dans de longues diatribes, citant Napoléon au pont d’Arcole et des vers de théâtre antique. Le public, lui, crie d’une seule et même voix. Comme greffés sur la trajectoire de leur candidat, les militants semblent, eux aussi, plus radicaux que jamais.

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Des vidéos ponctuent les interventions. On y voit les mères éplorées de deux victimes, l’une « assassinée par un Algérien en situation irrégulière », l’autre, « assassinée par un migrant soudanais ». La foule hurle, du tac au tac : « Peine de mort! », « Au bûcher! », « Remigration ! », « Macron, assassin ! ». Pour cette ultime grande réunion publique, Éric Zemmour, surfe sur la dernière trouvaille de ses équipes. Afin de faire vivre l’espoir de ses militants les zemmouristes entretiennent désormais la théorie du vote caché. L’idée selon laquelle il existerait un vote sous le radar des sondages, dont les médias ne mesureraient par l’ampleur, et qui lui serait bénéfique. Ses lieutenants opposent désormais deux notions, qui se font face à l’extrême droite: le vote vital et le vote utile. Le premier étant porté par Éric Zemmour, qui défendrait la France et sa civilisation dans sa version la plus pure, tandis que le vote utile, représenté par Marine Le Pen trahirait, au fond, les idées du camp national. « Vous êtes la France insondable, inattendue, invisible! », lance Gilbert Collard lors de sa prise de parole. Suivi de près par Philippe de Villiers: « La tour Eiffel salue la France du vote caché! Elle est belle, la revanche de la droite Trocadéro ! » Car l’hémorragie du vote utile, pourtant, poursuit son effet dévastateur sur l’électorat zemmouriste, réduit à peau de chagrin, et l’espoir d’un « vote caché » doit faire tenir les derniers militants, tentés de quitter le navire.

Un changement de pied total par rapport au début de la campagne, où l’on affirmait, au contraire, que le vote Zemmour était un vote de conviction, revendiqué et assumé. Mais cette stratégie de communication permet avant tout d’opérer le dernier virage populiste de la campagne, pour mieux s’en prendre au système et aux médias, à qui les équipes Zemmour intentent un procès en diabolisation. « Les sondages deviennent défavorables… Mais les sondages et les médias nous mentent, évidemment, ils ont choisi leur camp », assène Guillaume Peltier, mi-mars à Orléans. Un moyen de mobiliser à nouveau les soutiens contre un ennemi commun, de réveiller la ferveur populaire face aux élites politico-médiatiques. À ce moment-là, déjà, aucun des plus proches d’Éric Zemmour ne croit en l’existence d’un vote caché.

« Au moment du Trocadéro, évidemment qu’on savait que le vote caché était bidon, reconnaît Stanislas Rigault. C’est d’ailleurs Jordan Bardella qui me confie la meilleure phrase à ce sujet. » Dans l’entre-deuxtours, le président du Rassemblement national et celui de Génération Z se rencontrent. Le premier, incrédule, questionne le second sur cette stratégie du vote caché, qu’il ne comprend pas. « Vous voyez bien qu’il ne peut pas y avoir de vote caché, sinon comment expliquez-vous qu’il y ait autant de monde au Trocadéro? Votre électorat, lui, se montre. » Tous en ont conscience. « Mais c’est la seule chose que l’on a trouvée pour contrer la mécanique du vote utile; après l’Ukraine c’est le vote caché, renchérit Sarah Knafo. Sinon c’était impossible de garder les gens, si on leur disait que leur vote ne servait à rien, on aurait terminé à 2 %. »

Mais dans la sphère politique, on porte un œil dubitatif sur cette dernière stratégie de communication. Cette carte du « nous » contre « eux », et du « tous contre nous », utilisée à outrance dans les campagnes en difficulté, peine à convaincre. « Ils sont restés dans une culture groupusculaire, de parti de minorité; et cette théorie du vote caché entretient la bulle cognitive dans laquelle ils vivent », lâche un membre des équipes, venu des Républicains. Certains vont même jusqu’à imputer ce virage populiste à un seul homme: Guillaume Peltier. « Vendre du vent sur des sondages, radicaliser toujours plus le discours, perpétuer la culture du coup, je reconnais absolument toutes ses recettes, confie un ancien camarade de route. Pour moi, c’est sûr, il a participé en grande partie à planter la campagne. »

Extrait du livre de Marylou Magal, « La BéréZina Eric Zemmour Autopsie d'une déroute électorale », publié aux éditions du Rocher

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