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Pourquoi appeler son enfant Titeuf peut être interdit
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BD

Des parents voulaient appeler leur enfant Titeuf. La Cour de Cassation le leur a empêché ce vendredi. Selon la juridiction, le choix de ce prénom constituerait pour l'enfant un "réel handicap".

Baptiste Coulmont

Baptiste Coulmont

Baptiste Coulmont est sociologue, maître de conférences à l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis.

Son dernier ouvrage s'intitule Sociologie des prénoms (La Découverte, 9 juin 2011).

Il tient par ailleurs un blog.

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Atlantico : Pourquoi la Cour de Cassation a-t-elle interdit à des parents d'appeler leur enfant Titeuf ? Est-ce surprenant?

Baptiste Coulmont : La cour de cassation a juste examiné si la cour d'appel avait bien appliqué le droit. La cour ne s'est pas prononcé sur le prénom lui-même.

Mais quels sont les critères d'interdiction d'un prénom ? Quelle est la base juridique ?

La base juridique, c'est la notion d'intérêt de l'enfant. Le point de départ est celui-ci : « Lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraire à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur patronyme, l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales. » (art. 57, al. 3, C. civ.).

L'"Instruction générale relative à l'état-civil" (1999) précise cette notion d'intérêt de l'enfant : « Tel pourrait être le cas, par exemple, des prénoms ayant une apparence ou une consonance ridicule, péjorative ou grossière, ceux difficiles à porter en raison de leur complexité ou de la référence à un personnage déconsidéré dans l'histoire, ou encore, sous réserve de l'appréciation des juridictions, de vocables de pure fantaisie ».

C'est le juge aux affaires familiales (très souvent une juge) qui, après avoir été saisi par le procureur, et après avoir entendu les parents et leur avocat, décide de supprimer (ou non) le prénom de l'acte de naissance. Mais cela ne signifie pas que le prénom lui-même soit interdit sur l'ensemble du territoire, il l'est simplement pour l'enfant concerné par le jugement. Par exemple, d'autres enfants sont nés avec le prénom Titeuf, et il est impossible de les "dé-prénommer"

Y' a-t-il une tendance à davantage de tolérance dans le choix des prénoms?

Depuis 1993, l'officier d'état civil est obligé d'inscrire le prénom choisi par les parents. Il n'a plus la possibilité de refuser, mais il peut avertir le procureur de la république.

Aujourd'hui, environ 1 enfant sur 10 nait avec un prénom très rare (qu'il est presque le seul à recevoir cette année là). Les parents ont fortement diversifié leurs choix. Mais l'intolérance est toujours présente : certains courants de l'extrème-droite demandent maintenant que les enfants des migrants reçoivent des prénoms "français"; les choix des classes populaires (qui se concentrent sur des prénoms ayant pour références linguistiques le monde anglophone) sont toujours vus par les autres milieux sociaux comme vulgaires.

Quelle est finalement la marge des parents pour le choix du prénom de leurs enfants?

Le choix est libre. Mais il est rarement fait sans prendre conseil à droite et à gauche, auprès de la famille et des amis. Cette inscription du choix dans les relations sociales fait qu'il n'y a pas eu de bouleversement dans le stock de prénoms après la libéralisation de 1993. Même si le choix est libre, les filles continuent par exemple de recevoir, dans leur quasi totalité, des prénoms qui ne sont jamais donnés aux garçons.

Rencontre-t-on une tendance similaire dans les autres pays européens?

A des degrés variés, oui, même si certains Etats gardent un contrôle sur les prénoms : en Allemagne, par exemple, le prénom doit être accordé au sexe. Certains pays européens (comme la Turquie) connaissent de très intéressants engouements pour certains prénoms, qui suivent Pourquoi un succès fulgurant, pendant quelques années seulement, comme ce fut le cas avec le prénom Sila.

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