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Pourquoi vous allez bientôt payer votre huile d’olive beaucoup plus cher
©Reuters

Fritures sur la ligne

L'année 2014 a été une année particulièrement difficile pour les producteurs européens d'huile d'olive. Printemps trop chaud, été trop humide... Les conditions météorologiques auraient favorisé l'apparition de mites et d'insectes parasites.

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

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Atlantico :  La production espagnole d'huile d'olive aurait chuté de moitié, l'italienne de 35%, et la grecque de 57%. Quelles conséquences peut-on prévoir suite à cette diminution et notamment en termes de prix ?

Bruno Parmentier : Bien évidemment, quand les trois plus grands producteurs mondiaux voient leur production chuter dans de telles proportions les prix ne peuvent que flamber ! En effet, la production est très concentrée en Europe, qui représente 73 % de l’huile d’olive consommée dans le monde, et les stocks ne sont pas tels qu'ils puissent absorber cette importante variation. De plus, il est évidemment impensable pour les producteurs de, comme on dit, "réagir aux signaux du marché" car l'olivier n'est aucunement un rapide, c'est un durable, tout le contraire de notre société agitée : il faut attendre environ 7 ans pour faire sa première récolte, et sa maturité n'arrive qu'au bout de 20 à 30 ans ; en revanche, on peut le récolter pendant plusieurs siècles !

Cette crise de l'olive est-elle représentative d'un phénomène plus large ?

Bruno Parmentier : On ne peut jamais être sûr qu'un incident climatique ponctuel comme celui de cette année soit représentatif de réchauffement de la planète. Cependant, le doute existe. Nous aurons bien évidemment à l'avenir d'autres printemps chauds et d'autres étés pourris, qui favoriseront inéluctablement l'arrivée de maladies fongiques et d'insectes indésirables (ici la mouche de l'olive et la teigne de l'olivier). Or la culture de l'olivier est très liée au climat méditerranéen tel qu'il existe depuis 10 000 ans. Cela fait 6000 ans en qu’on a commencé à domestiquer cette plante dans cette région, profitant en particulier de sa grande résistance à la sécheresse. Mais cet arbre résiste mal à l'humidité, à la grêle, aux gelées printanières, et aux vents trop chauds au cours de la floraison (en mai et juin). Si le climat méditerranéen change profondément, il n'est pas sûr que l'on ait le temps de trouver une parade rapidement (évolution génétique, traitements chimiques, etc.). Il faut bien que les pays du Nord, qui sont à l'origine de l'essentiel des émissions de gaz à effet de serre, finissent eux aussi par se rendre compte qu'elles auront des conséquences très concrètes, et pas seulement dans les pays tropicaux !

L’huile d'olive pourrait donc bien devenir durablement plus rare et plus chère… À l'image par exemple du café : certains experts estiment par exemple que les caféiers arabica risquent de pâtir fortement de la multiplication des périodes de fortes précipitations et de sécheresses prolongées et que le rendement mondial de cette plante pourrait baisser de 38 à 90 % d'ici la fin du siècle !

Mais à moyen terme on pourrait également voir les zones de production de l'olivier remonter sensiblement plus au nord de l'Europe…

Des prix en forte augmentation signifient-ils pour autant que la consommation européenne va s'écrouler durablement ? 

Bruno Parmentier : A ce stade, il est difficile de faire des prédictions. Les Français consomment beaucoup plus d’huile d'olive depuis quelques années, mais ils n’en sont qu’à environ 1,5 litres par personne et par an, beaucoup moins que les Grecs (20 litres) ou les Espagnols et les italiens (12 litres). D'un côté on peut donc se dire que quelques euros de plus sur le prix du litre ne va pas les ruiner, d'autant plus que cette huile est associée au luxe et à la santé, qui n’ont, comme chacun sait, pas de prix. D'un autre côté, la concurrence reste féroce avec les autres huiles : colza, tournesol, voire arachide (qui a presque disparue de nos cuisines), ou soja, palme, pépins de raison, maïs, etc., qui vont évidemment tenter de profiter de la faiblesse momentanée de leur concurrent. Mais, à court terme, une fois qu'on aura écoulé les stocks, s’il n’y plus de d’huile d’olive dans les rayons, mécaniquement la consommation va baisser pendant un temps. Et la pénurie de matière première risque d'acculer à la faillite et à l'arrêt d'activité un certain nombre d'industriels… On va donc voir des regroupements de transformateurs et de commerçants, car, dans ces cas-là, les gros mangent souvent les petits !

On ne sait pas encore non plus si c’est la consommation d’huile, ou celle d’olives elles-mêmes qui va souffrir le plus…

Mais chacun sait que les consommateurs restent, eux, très volatils. S'ils changent d’huile de cuisine à cause de l'augmentation du prix de l’huile d'olive en 2015, ou des pénuries, rien ne prouve que ce soit définitif et si la récolte 2015 redevient correcte et les mêmes rapports de prix se rétablissent en 2016, ils pourraient bien revenir rapidement à leur structure de consommation antérieure, tant pour l’huile que pour l’olive elle-même.

En tous les cas il y a certainement un secteur qui va profiter de cette crise : c'est celui de la communication et la publicité !

Johnny Frantoio, producteur d'huile d'olive en Italie a récemment expliqué le phénomène selon lequel lorsque le prix de l'huile d'olive augmente quelque part autour de la méditerranée, tous les autres pays producteurs voyaient également leurs prix augmenter. Comment l'expliquer ?

Il y a très peu de pays producteurs de cet or jaune : l’Espagne assure près de la moitié de la production mondiale, l'Italie et la Grèce ensemble le quart. Il est bien évident que si la production faiblit dans l'un de ces trois pays, cela affecte fortement le marché mondial, d'autant plus que les traditionnelles quatrième et cinquième pays producteurs, la Syrie et la Tunisie, connaissent des problèmes politiques qui limitent frottements leur accès au marché mondial. Dans un marché aussi concentré, un problème climatique se répercute évidemment au niveau mondial. Et ce n'est pas la France, qui ne représente guère que 0,2 % de la production mondiale (et qui importe 90 % de sa production de ces trois pays), qui peut influer en quoi que ce soit.

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