Pourquoi parier sur les terres rares semble de plus en plus risqué<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus de 400 projets miniers sont à un stade plus ou moins avancé dans le monde.
Plus de 400 projets miniers sont à un stade plus ou moins avancé dans le monde.
©Reuters

Decod'Eco

Est-il bien sérieux de parler encore de supercycle des terres rares ? Ce marché n’est plus sous la menace d’une pénurie mais de la surproduction.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Molycorp, vous connaissez ?

Cette petite minière américaine de terres rares, que le gouvernement a encouragé à recommencer à produire par crainte de manquer de terres rares, a gagné 34% en une journée le 10 mai 2013.

Arrêté en 2002 du fait de la concurrence chinoise, Molycorp voit depuis 2011 sa production lentement redémarrer.

Les meilleurs résultats qu’attendus ont provoqué un rush sur le titre Molycorp. Ce bond signe-t-il la réussite d’une stratégie de diversification des occidentaux pour réduire leur dépendance à la Chine, productrice de 97% des terres rares dans le monde ? A vrai dire, non. Le gain de 34% a laissé sceptique bon nombre d’analystes.

Le marché des terres rares n’est plus sous la menace d’une pénurie, mais de la surproduction. Pourtant certains marchés des terres rares restent lucratifs. Les opportunités sur le marché des terres rares ne sont tout simplement plus là où vous pensez.

Molycorp à contre temps

Le gain de 34% du cours intervient après une série de trimestres tous plus catastrophiques les uns que les autres. Depuis son pic de 2011, à 79 $, le cours Molycorp a perdu 92% de sa valeur. Aujourd’hui le titre cote autour de 6 $, après être passé sous les 2 $.

Le principal problème qui pèse sur les épaules de Molycorp, c’est que le prix du kilo de terres rares n’arrête pas de baisser depuis 2011. Le prix de minerai concentré est passé de 82 $ à 36 $ le kilo en deux ans. Problème, l’horizon n’est toujours pas près de s’éclaircir.

"Je ne vois pas à court terme de raisons d’espérer que les prix des terres rares changent de direction", confirmait dans un communiqué Molycorp, après avoir fait état d’une perte de 450 millions de dollars en 2012.

Le scénario apparaît rétrospectivement assez classique. Les investisseurs se sont laissés surprendre par le "show" de la Chine en 2011. Aveuglés par le monopole de la Chine, le caractère stratégique de ces métaux pour nos industries et l’agressivité de Pékin contre ses partenaires commerciaux, les investisseurs se sont rués sur les quelques gisements de terres rares en dehors de Chine.

Pourtant les tensions sur le marché ont disparu très vite, pour trois raisons :

- Les projets fleurissent en Australie, en Inde, en Russie ou encore au Groenland. Au total, c’est plus de 400 projets miniers qui sont à un stade plus ou moins avancé dans le monde.

Les terres rares n’ont paradoxalement jamais été aussi disponibles. De quoi faire craindre le risque de surproduction.

- La R&D a permis de réduire la consommation de terres rares, dans les aimants notamment.

La R&D japonaise a réussi à produire l’année dernière un aimant à base de ferrite qui affichait des performances proches de celles des aimants en terres rares.

- La Chine a assoupli sa politique de quotas

Après sept ans de baisse ininterrompue des quotas d’exportations, le ministre du Commerce chinois a relevé ses quotas d’exportations en 2012.

Si la hausse n’a été que de 2,70%, cet assouplissement a été perçu comme un signe d’apaisement de la Chine face à ses partenaires commerciaux. Cette tendance a même amené certains mineurs a abandonné leur projet.

Ce fut le cas des minières australiennes Southern Crown Resources et Black Fire Minerals, qui ont toutes les deux renoncé l’année dernière à exploiter leurs gisements de terres rares.

Dans ce contexte, toute tension a-t-elle disparu ? Hélas non. Le creux dans la vague dans lequel est le secteur doit vous permettre d’en profiter.

Dysprosium, la seule terre réellement "rare" ?

Selon Tony Parry, analyste chez l’Australien Resource Capital Research, la demande de terres rares pourrait doubler sur les 10 prochaines années.

Mais si l’analyste se veut confiant sur la capacité l’offre à répondre à la demande, ce ne sera pas vrai pour une poignée des terres rares. C’est peut être ce qui caractérise aujourd’hui le marché des terres rares.

La pénurie de certaines terres est possible, voire probable à l’horizon 2016-2017. L’USGS (United States Geological Survey), le BGS (British Geological Survey) ou encore le BRGM, tous s'accordent à dire que s’il y a une terre rare dont les ressources ne seront pas suffisantes, c’est le dysprosium.

Le dysprosium fait partie du sous groupe des terres rares "yttriques", ou "lourdes". Il regroupe le terbium, le dysprosium, le holmium, l’erbium, le thulium, l’ytterbium, le lutécium, auxquelles on adjoint le plus souvent l’yttrium et le scandium.

Si les quantités de dysprosium consommées sont très faibles, il est pourtant de plus en plus indispensable. L’ajout de dysprosium dans les aimants Neodyme-fer-bore permet de renforcer les performances. Là ou les aimants classiques voient leur magnétisme se réduire au-dessus de 80°C, les aimants avec du dysprosium peuvent résister à des températures bien plus élevées.

Au-dessus des 2 200 $ le kilo en 2011, le prix est redescendu près des 1 000 $ actuellement. Mais avec la montée en puissance de certains marchés particulièrement friands de ces aimants haute performance, la demande de dysprosium devrait croître fortement. Dans ses estimations hautes, le ministère de l’Industrie estime que la demande pourrait croître de 18,6% par an jusqu’en 2022.

Or l’offre sera elle à la peine dans les années à venir de manière quasi certaine, notamment du fait du développement du marché des éoliennes. Patrice Christmann, analyste du BRGM, expliquait l’année dernière dans une interview donnée à L’Usine Nouvelle qu’il faut "environ 25 kg [de dysprosium] par MW électriques produits par les éoliennes (…) alors que la production mondiale actuelle n’est que de 1 600 tonnes par an !"

Et effectivement, le développement rapide de l’éolien -- notamment offshore -- augmente fortement les besoins. M.Christmann rappelle en outre que sur les 30 projets d’exploitation de terres rares les plus sérieux, hors Chine, le dysprosium ne représenterait pas plus de 1,1% de la ressource totale en terres rares.

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