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Pourquoi nous gagnerions tous à ce que les jeunes Français connaissent mieux l’entreprise en sortant du lycée
©PHILIPPE MERLE / AFP

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Croissance Plus et la Fondation Croissance Responsable invitent les 16-20 ans à se rapprocher de l'entreprise en organisant un après-midi d'échanges avec 600 jeunes à la Sorbonne, ce lundi 19 novembre.

Jean-Baptiste Danet

Jean-Baptiste Danet

Jean-Baptiste Danet est Président de CroissancePlus. En 2001, il crée Interbrand France. Apres 10 ans, dont 5 en tant que Président d'Interbrand Europe, Jean-Baptiste Danet rejoint Dragon Rouge en 2011 comme directeur général du Groupe et associé des fondateurs. Il quitte l’entreprise en 2016 et rejoint, en tant que Coprésident, le Groupe Ipanema.

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Atlantico : Croissance Plus organise ce 19 novembre une journée qui s'appelle "Raconte-moi l’entreprise" dans le cadre de laquelle vous invitez des lycéens à venir à la rencontre du monde de l’entreprise et à la découvertes d’acteurs de l’entreprise ou d’entrepreneurs, à quelles fins?

Jean-Baptiste Danet : Avant tout, parce qu’il semble que ce n’est notre rôle, notre devoir, à nous entrepreneurs de croissance -donc Croissance Plus- de partir à la rencontre de ces jeunes qui ont entre 16 et 20 ans et qui sont en première et en terminal dans tous les lycées de la région parisienne et de leur expliquer que l’entreprise a des valeurs, qu’elle les attend et de leur montrer toute la palette vertueuse de ce qu’ils peuvent apprendre en travaillant en entreprise.

C’est donc un peu de culture générale de l’entreprise que l’on offre à ces jeunes. Des jeunes qui jusqu’alors n’ont connu que l’Education nationale.

Selon vous, même si ces jeunes sont parfois entourés de parents et de proches qui travaillent au sein d’entreprises,  il n’y a pas de culture générale de l’entreprise ?

Nous avions fait un sondage l’année passée avec l’Institut Viavoice dans le cadre duquel nous avions interrogés mille jeunes à travers la France entière : deux paradoxes en étaient ressortis. Tout d’abord, 70% d’entre eux avaient déclaré souhaiter créer leur propre entreprise parce qu’ils avaient vu travailler leur père ou leur mère entrepreneur. En revanche, ils disaient également n’avoir jamais appris ce qu’était concrètement une entreprise à l’école et donc être mal informé sur leur fonctionnement. Enfin, un sentiment assez fort ressortait de ce sondage : ces jeunes déclaraient vouloir fonder leur entreprise pour être autonomes et donc ne pas souhaiter travailler sous l’autorité d’un patron, sous peine de perdre leur liberté.

Ces trois points mêlés font office de rappel à l'ordre pour nous. Nous nous sentons le devoir de rappeler que l’entreprise est un lieu de rencontre, d’échange et d’apprentissage et qu’une entreprise n’est rien sans ses collaborateurs. C’est pour ces raisons que partir à la rencontre de ces jeunes nous paraît très important afin qu’ils n’associent pas entreprise et exploitation. D'autant plus que c’est l’inverse : on peut choisir son entreprise, choisir son métier et trouver au sein de l’entreprise tous les éléments qui font que l’on devient partie prenante de la société.

Justement, pensez-vous que la fibre entrepreneuriale est vive en France ou que l’envie d’être libre et d’être son propre patron l’emporte ?

Je suis persuadé que la fibre entrepreneuriale existe vraiment en France, et d’ailleurs on le voit dans les chiffres de création d’entreprises sur les trois ou quatre dernière années.

Cette envie de créer une entreprise on la voit apparaître à partir de 24 ou 25 ans et on la retrouve chez des cadres plus âgés qui décident de quitter leur entreprise pour en créer une. Cette envie de créer existe donc au sein de différentes générations.

Ce que l’on essaye de pousser au travers de ces journées, c’est de dire à des plus jeunes, “attention l'entreprise c’est une opportunité, un milieu mais c’est également des valeurs”.

L’un des but de ces journées, c’est de leur expliquer que rentrer dans une entreprise n’est pas bien ou moins bien que de créer sa propre entreprise. En somme, que créer sa propre entreprise c’est aussi se retrouver dans la position de patron. Patron, qu’ils ont quitté pour développer leur propre projet.

Je pense qu’il est très important de leur mettre sous les yeux un panel de personnalités variées qui viennent du monde de l’entreprise ou qui en ont créé une. Cela permet de faire  tomber les clichés sur le monde de la banque par exemple, de leur faire prendre conscience de l’importance des langues dans l’enseignement scolaire… Tout ça afin qu’ils aient une vision précise de ce qu’est l’entreprise. Qu’ils voient que l’on a besoin d’eux et que ces informations, en leur apportant un peu de culture générale, peuvent faciliter leur parcours.

Est-ce que les jeunes ne sont pas imprégnés de ce que la société française, dans son ensemble, ressent de l’univers de l’entreprise ?

Premièrement, il est important de souligner à l’Education nationale qu’il n’y a pas un temps de l’école et ensuite un temps de l’entreprise. Non, il doit y avoir le temps de l’école mais l’entreprise doit en être partie prenante. Ces jeunes-là ont besoin de savoir dès leur plus jeunes âge qu’il y a un savoir être et que ce savoir être se répercute dans le monde de l’entreprise. En quelques mots : il n’y pas deux mondes distincts mais deux mondes qui doivent se mélanger à partir d’un certain moment, par exemple au moment des stages de troisième.

Ensuite, je pense que du point de vue des parents cette journée est également importante, elle leur permet de s’informer, d’aller à la rencontre du monde de l’entreprise. Elle offre ainsi la possibilité d’avoir une discussion sur sujet avec leurs enfants. Ce n’est peut-être qu’un petit grain de sable, mais c’est la deuxième année que nous le faisons et nous continuons d’y croire. 

De plus, il y a ces derniers temps, partout dans le monde, une réflexion autour du rôle sociétale que doit avoir l’entreprise. Or, chez Croissanceplus nous en sommes tout à fait conscient, mais cela ne doit pas nous empêcher d’être réalistes et de faire des constats difficiles. Cela nous engage à faire ce type d’actions mais cela nous engage aussi, en terme de comportement, dans nos propres entreprises.

On est quand même dans un pays où orchestrer systématiquement le dos à dos entre l'entreprise, le collaborateur de l'entreprise et les autres monde est un sport nationale. Or, il faut faire très attention à cela, d’où cette journée qui est en quelque sorte une journée de réconciliation entre des populations qui n’avaient pas forcément vocation à se rencontrer à ce moment précis.

Chez Croissance Plus il en va de notre devoir d’aller au devant de ces jeunes et de leur dire “écoutez vous pouvez avoir une idée de l'entreprise, une idée qui n’est pas forcément fausse, mais on va peut-être vous en parler différemment”.

Je crois que le rôle sociétale de l’entreprise devient absolument crucial. J’estime que l'entreprise reste le seul endroit réel où l’on peut avoir trois choses : la rencontre de milieux sociaux différents, le fait de pouvoir gagner sa vie et de pouvoir nourrir sa famille et troisièmement le  fait de pouvoir apprendre un métier et de pouvoir ensuit, de pouvoir l’apprendre à son tour aux autres. La disparitions de ces trois éléments mènerait à de  véritables drames sociaux. Notre rôle est donc d’aider et d’éduquer et de donner envie à ces jeunes.

A quoi attribuez vous le fait que l’Education nationale ne semble pas croire à ces trois rôle de l’entreprise ?

La deuxième édition de “Raconte-moi l’entreprise” a été bien plus complexe à mettre sur pieds que la première. On  voit bien que l’Education nationale cherche à maîtriser l’intégralité des discours, qu’elle cherche en quelque sorte à nous expliquer ce que l’on peut dire et ne pas dire, ce qui n’est pas bon signe.

Cependant, on a le sentiment que l’Education nationale est bien au courant de ce problème et qu'elle essaye d’y remédier, par exemple, en soutenant une initiative comme la nôtre. Dans une interview que nous diffuserons lundi, Jean-Michel Blanquer explique, qu'il est nécessaire d’être à l’écoute de l’entreprise.

C’est un premier pas mais il faudrait aller encore plus loin. Dans le cadre de notre fondation -“la Fondation pour la croissance responsable” qui a pour mission de réconcilier la société civile avec le monde de l'entreprise- nous avons créé il y 8 ou 9 ans  “profs en entreprises”. Une initiative qui vise à pousser les professeurs à venir passer quelques jours au sein de nos entreprises afin de comprendre leur fonctionnement.

A ce jour, nous avons reçu environ 850 professeurs, un chiffre qui pour moi est bien trop faible. Trop faible, parce que trop peu de professeurs acceptent d’aller visiter des entreprises. C’est pour ces raisons, qu’il nous paraît important de d’organiser de telles manifestations afin d'arriver on espère, à une réconciliation entre l'école et l’entreprise.

Avez-vous l’impression qu’il est plus difficile d’intégrer les jeunes qui arrivent sur le marché du travail aujourd’hui ? Pensez-vous qu’il y a un problème de culture, d’acceptation de la hiérarchie.. ?

Dans les 5 dernières années il y a eu une modification assez importante dans le comprenant, et dans l’acceptation de l’autorité et des règles à accepter. On voit bien que cette génération qui arrive sur le marché du travail cherche avant tout une certaine liberté dans ses rapports avec l’entreprises et avec ses supérieurs.

Il faut donc que l’on s’adapte, on peut vouloir être plus libre et vouloir changer d'entreprise plus souvent, mais cela n’empêche ni le savoir être ni le savoir vivre.

Et enfin, que penseriez-vous du fait d'amener des hommes politiques en entreprise ?

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron et l’arrivée de nouveaux députés, on observe un réel changement dans nos rapports avec la sphère politique. Un certain nombre d’entre eux viennent de l’entreprise, notre manière d’échanger à donc radicalement changé. Je ne suis pas en train de vous dire que les réformes font suffisamment loin, mais dans les rapports il y a un réel changement, plus de respect.

Ensuite, si les politiques veulent venir visiter les entreprise -ce qui se fait de plus en plus- ils sont les bienvenus. Enfin, bien que cela n’est jamais marché par le passé on a aujourd’hui plusieurs ministres qui viennent du monde de l’entreprise. Il y a encore deux monde bien séparés, mais les choses semblent évoluer.

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