Pourquoi Manuel Valls n’a pas grand-chose à craindre de Martine Aubry<!-- --> | Atlantico.fr
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Martine Aubry a torpillé mercredi 10 décembre la communication du Premier ministre.
Martine Aubry a torpillé mercredi 10 décembre la communication du Premier ministre.
©Reuters

Martine attaque

Martine Aubry a torpillé mercredi 10 décembre la communication du Premier ministre en publiant le jour de la présentation de la loi Macron une tribune virulente pour la critiquer. Mais Manuel Valls n'a pas été mis KO, loin de là.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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François Hollande et Manuel en sont convaincus : la loi Macron, dite "loi pour la croissance et l’activité" sera votée au Parlement, en dépit de l'opposition d'une partie de la gauche à l'extension de l'autorisation d'ouverture des magasins le dimanche, et ils attendaient avec la sérénité de ceux qui en ont vu d'autres la charge annoncée des Frondeurs du PS et autres opposants contre ce texte. Car ceux qui se veulent les gardiens des valeurs de Gauche sans toutefois avoir osé rompre avec la majorité avaient pris les devants avant l'examen du texte en Conseil des Ministres. A écouter les cris d'indignation poussés dans les couloirs de l'Assemblée Nationale, c'en serait tout simplement fini avec le repos dominical et la vie de famille, car les salariés seraient obligés de travailler le week-end.

L'optimisme affiché de l'exécutif est-il excessif ? Globalement, tous ceux qui se situent à Gauche de la ligne gouvernementale du PS sont prêts à en découdre avec l'exécutif. Sont-ils pour autant prêts à la rupture totale ? La question n'est pas encore à l'ordre du jour, le débat dans l'hémicycle étant programmé pour le mois de janvier. Pour l'heure, les opposants au texte ont reçu le renfort non négligeable en la personne de Martine Aubry. Quand la Maire de Lille donne de la voix ou publie une tribune dans la presse, c'est rarement pour féliciter le gouvernement. Après son coup de gueule en pleine Université d'été du PS pour obtenir le droit d'encadrer les loyers dans sa ville comme à Paris, la voilà opposée à l'extension des ouvertures dominicales à Lille. Pour elle, il s'agit ni plus ni moins d'une "régression sociale". Un terme susceptible de réveiller toutes les consciences de Gauche endormies. Hier, son éclat, rendu public au moment même où le Premier ministre détaillait la loi à l'issue du Conseil des Ministres, a quelque peu brouillé le message de son meilleur ennemi. Mais Manuel Valls n'a pas été mis KO, loin de là. Dans ce contexte de désaffection générale de l'opinion pour la gauche, le "guerrier du réformisme", tire son épingle du jeu et il reste la personnalité de gauche la plus populaire du moment. Le dernier sondage IFOP pour Paris Match lui prête 44% d'opinions favorables (un point de plus que le mois dernier), et il se situe 25 points au-dessus de François Hollande. Et, point essentiel, Manuel Valls bénéficie du soutien des sympathisants socialistes (68% lui sont favorables). Sa cote d’avenir est élevée : 56% dont 80% au PS et même 51% à droite. Dans un autre sondage effectué par l'institut CSA pour BFM, à la question "Qui serait un meilleur président que François Hollande ?" Manuel Valls obtient 39% d'opinions positives, derrière Alain Juppé (50%), mais devant Martine Aubry (30%). Fort de ce potentiel, Manuel Valls, réputé "socialiste de droite", qui avait dû se contenter d'un maigre score aux Primaires du PS, cherche à capitaliser sur sa gauche, tout en peaufinant son image de "moderne". Le discours sur le thème de l'Egalité prononcé hier soir à la Fondation Jean Jaurès lui a permis de redire, de manière plus nuancée que dans son interview fracassante au Nouvel Observateur, qu'il faut en finir avec la gauche passéiste, car ses ressorts ne permettent plus d'atteindre l'Egalité :  "Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’être de gauche consiste simplement à rechercher dans les armoires du passé, dans les archives de l'Histoire, les réponses écrites et toutes trouvées aux défis d'aujourd'hui et de demain. Je crois plutôt que nous n’avons pas été assez réactifs et réalistes dans la prise en compte des nouvelles réalités économiques et sociales. La gauche, c’est le progrès, le mouvement, le contraire du conservatisme et de la rente. C’est aussi la lucidité et le devoir de vérité."

"Nous n’avons pas assez vu monter de nouvelles formes d’inégalités", a-t-il lancé. Des mots qui sonnaient comme une réponse à Martine Aubry, non seulement rejetée dans le camp des passéistes mais aussi appartenant au camp de ceux qui n'ont pas su évoluer en leur temps et imaginer les mesures susceptibles de mieux tendre vers l'Egalité . Manuel Valls avance ses pion. Il préconise d'ajouter "la pré-distribution " à la redistribution, car celle-ci ne porte plus ses fruits. La pré-distribution, c'est "prévenir plutôt que guérir" les inégalités ; favoriser la croissance, donc voter la loi Macron, entrerait dans ce cursus. Le débat est ouvert. Et puis, derrière la controverse autour du travail dominical se profile la bataille du congrès du PS, et avec le combat sans cesse renouvelé entre les modernes et les archaïques, les tenants du progrès social et ceux qui incarneraient la" régression" dénoncée par Martine Aubry. Et Manuel Valls ne veut à aucun prix apparaître comme celui qui sacrifie le progrès social sur l'autel de la croissance économique. Ce qui veut dire que lui-même et Martine Aubry n'ont pas fini de s'écharper !

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